Travail décent pour le personnel de l’éducation de la petite enfance : perspectives d'avenir dix ans après l’adoption des Directives de l’OIT
Le 30 novembre, l’Internationale de l’Éducation a organisé une réunion en ligne afin d’évaluer les progrès réalisés dans la mise en œuvre des Directives sur la promotion du travail décent pour le personnel de l’éducation de la petite enfance de l’Organisation internationale du Travail, dix ans après leur adoption ; il s’agissait également de réfléchir aux dernières évolutions dans le secteur. Le débat s’est appuyé sur l’édition spéciale de l’enquête I-BEST qui portait sur la santé et le bien-être des travailleurs et travailleuses de l’éducation de la petite enfance dans neuf territoires en 2023.
La majorité des enseignant·e·s de la petite enfance se sentent non-valorisé·e·s et sous-payé·e·s
L’édition 2023 du Baromètre international de la santé et du bien-être du personnel de l’éducation (I-BEST) apporte un nouvel éclairage sur les principaux défis auxquels sont confronté·e·s les enseignant·e·s de la petite enfance. L’I-BEST est une étude mondiale semestrielle menée par le Réseau Éducation et Solidarité et la Fondation MGEN pour la Santé Publique, en collaboration avec l’Internationale de l’Éducation et la Chaire UNESCO Éducations & Santé. Au total, 4 254 personnels de l’éducation de la petite enfance de France, d’Espagne, du Royaume-Uni, de Suisse, de Belgique, d’Argentine, du Québec, du Canada et du Cameroun ont répondu à cette enquête. 80 pour cent de ces personnels sont des enseignant·e·s, 90 pour cent sont des femmes et 90 pour cent travaillent dans le secteur public. Tou·te·s s’occupent d’enfants âgés de 3 à 5 ans.
Les résultats mettent en évidence l’insatisfaction des enseignant·e·s quant à leur qualité de vie et à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Plus de la moitié des personnes interrogées ont fait état d’un niveau élevé de stress. L’absence de possibilités d’avancement, les bas salaires et l’image dévalorisée de la profession dans la société ont également été mentionnés parmi les graves difficultés que connaît le secteur. Fait inquiétant, plus d’un tiers des participant·e·s dans la plupart des pays ont été victimes de violences au cours des 12 derniers mois.
Optimiser la portée des Directives de l’OIT
En 2013, l’Organisation internationale du Travail (OIT) a réuni des représentant·e·s des gouvernements, des employeurs et des travailleurs pour convenir d’un ensemble de directives visant à promouvoir le travail décent pour le personnel de l’éducation de la petite enfance (EPE), dans la perspective de garantir l’accès universel à une EPE de qualité.
Depuis lors, plusieurs évolutions ont eu des effets non négligeables sur les conditions de travail des personnes qui s’occupent des enfants les plus jeunes. Les personnels chargés de l’EPE font partie des travailleurs et travailleuses de l’éducation dont les conditions d’emploi ont le plus souffert de la pandémie, avec des licenciements, des pertes de revenus ou l’obligation de prendre des congés annuels.
Dans son discours d’ouverture, Haldis Holst, Secrétaire générale adjointe de l’Internationale de l’Éducation, a souligné les progrès réalisés dans le secteur au cours de la dernière décennie et insisté sur le lien entre des conditions de travail décentes pour les enseignant·e·s et la qualité et l’accessibilité de l’éducation de la petite enfance. « L’éducation de la petite enfance ne doit plus être un privilège, mais un droit pour toutes et tous. Pour que chaque enfant ait accès à une éducation de qualité, le personnel doit être hautement qualifié et motivé et bénéficier de conditions de travail décentes, » a-t-elle déclaré.
Antonia Wulff, Directrice de la politique, de la recherche et du plaidoyer au sein de l’IE, a modéré le débat auquel ont participé :
- Mathias Urban, titulaire de la chaire Desmond d’éducation de la petite enfance et directeur du Centre de recherche sur la petite enfance de l’Université de la ville de Dublin ;
- Lasse Bjerg Joergensen, Responsable des relations internationales pour le syndicat BUPL, organisation membre de l’IE au Danemark ;
- Oliver Liang, Chef de l’Unité des services publics et privés à l’OIT ;
- Carlos González-Sancho, Analyste politique de la division de l’éducation et de la protection de la petite enfance à l’OCDE ;
- Rolla Moummé, Coordinatrice du programme sur le droit à l’éducation à l’UNESCO.
Les panélistes ont discuté de la portée des directives de l’OIT et des progrès réalisés au cours de la dernière décennie dans le secteur, notamment le large consensus international sur l’importance de l’éducation de la petite enfance. L’adoption de l’objectif de développement durable n° 4 relatif à l’éducation, avec la cible 4.2 sur l’éducation de la petite enfance en particulier, témoigne de cette évolution notable dans les mentalités.
D’importants obstacles subsistent, notamment la fragmentation du secteur, le ratio enseignant·e/élèves élevé, la pénurie d’enseignant·e·s qualifié·e·s, les bas salaires par rapport à d’autres secteurs de l’éducation et les mauvaises conditions de travail.
Les panélistes se sont félicité·e·s de l’attention accordée à l’éducation de la petite enfance par le Groupe de haut niveau sur la profession enseignante des Nations Unies, qui travaille à l’élaboration de recommandations en vue de remédier à la pénurie mondiale d’enseignant·e·s.
Les membres du groupe ont également signalé que les Directives de l’OIT sur la promotion du travail décent pour le personnel de l’éducation de la petite enfance sont trop peu connues et insuffisamment mises en œuvre par les parties intéressées. Si certains syndicats de l’éducation, tels que le BUPL, ont défendu ces directives dans le cadre de leur action, nombre d’autres syndicats et parties prenantes ignorent encore l’existence de cet instrument international important.
L’Internationale de l’Éducation a commandé un rapport sur la mise en œuvre des Directives de l’OIT et collabore étroitement à ce projet avec les personnes chargées de la recherche, Mathias Urban et Mercedes Mayol Lassalle, accompagnées de leurs équipes. Les premiers résultats indiquent qu’il reste beaucoup à faire pour promouvoir ces directives auprès des syndicats de l’éducation et des organisations internationales. Pour l’avenir, il est indispensable de collecter des données pertinentes sur le secteur et d’adopter et déployer un mécanisme de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre des directives.
Le rapport sera publié en 2024. L’Internationale de l’Éducation organisera une réunion en ligne afin de discuter des résultats.