Bureau exécutif de l’Internationale de l’Éducation : publication des recommandations du Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la profession enseignante et solidarité continue
« Tout comme les personnels enseignants nous soutiennent toutes et tous, il est temps de soutenir les enseignantes et les enseignants. Veillons à ce qu’ils bénéficient du soutien, de la reconnaissance et des ressources dont ils ont besoin pour dispenser une éducation et des compétences de qualité et pertinentes pour toutes et tous. »
C’est par ce message que le secrétaire général de l’Internationale de l’Éducation (IE), David Edwards, a ouvert la présentation du rapport d’avancement à la 66e réunion du Bureau exécutif de l’IE (ExBo), qui s’est tenue du 26 au 28 mars à Bruxelles. La citation provient de la déclaration du Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, à l’occasion du lancement des recommandations historiques du Groupe de haut niveau sur la profession enseignante.
Les 59 recommandations, présentées en février en Afrique du Sud, constituent un appel clair aux gouvernements pour qu’ils renforcent la profession et veillent à ce que les enseignant∙e∙s soient valorisé∙e∙s et respecté∙e∙s. Les recommandations sont le fruit du plaidoyer mené depuis des décennies par l’Internationale de l’Éducation et ses organisations membres dans le monde entier en faveur d’une éducation de qualité et l’investissement dans la profession enseignante.
Les recommandations des Nations Unies et la campagne La force du public : ensemble on fait école ! de l’IE
« Je me réjouis que ces recommandations du Groupe de haut niveau des Nations Unies aient été présentées, adoptées et soient désormais traduites en politiques », a déclaré M. Edwards en s’adressant aux responsables des syndicats de l’éducation représentant toutes les régions de l’IE à travers le monde.
À présent, « il faut s’organiser ! Dans le cadre de notre campagne La force du public : ensemble on fait école !, notre objectif est de faire en sorte que chaque organisation membre dispose des outils et du soutien nécessaires pour faire de ces recommandations une réalité dans leur pays. Le rapport du Groupe de haut niveau des nations Unies ne doit pas rester sur une étagère, il doit devenir une réalité pour les enseignantes et enseignants du monde entier », a-t-il ajouté.
Quelques-uns des premiers exemples d’intégration des recommandations et de la campagne La force du public : ensemble on fait école ! nous viennent du Cameroun, de la Sierra Leone et du Sud-Soudan, où les organisations membres se servent des recommandations pour plaider en faveur de meilleurs salaires et conditions de travail. M. Edwards a indiqué que l’Internationale de l’Éducation travaillerait en étroite collaboration avec ses membres afin de s’assurer que le document de l’ONU devienne un outil puissant de plaidoyer aux niveaux régional, national et local.
Le scandale Bridge International Academies
La nécessité de soutenir et de financer l’enseignement public a également été mise en évidence à la lumière du récent scandale impliquant les établissements de la chaîne privée d’écoles Bridge International Academies, qui mène des activités à but lucratif et opère en Afrique et en Asie. Depuis des années, l’Internationale de l’Éducation tire la sonnette d’alarme concernant les activités de Bridge International et les dangers que représentent, notamment pour les familles vulnérables, les modèles privatisés à but lucratif et leurs pratiques prédatrices. À propos des cas d’abus sexuels survenus dans les écoles Bridge, M. Edwards a fait remarquer que « les choses terribles que nous avions prédites se sont produites : Bridge a systématiquement étouffé les abus sexuels commis contre des enfants dans ses établissements scolaires ». Il a également expliqué que, bien que le Groupe de la Banque mondiale, qui a investi dans Bridge, ait présenté des excuses pour son rôle dans l’étouffement de l’affaire, les parties responsables devaient indemniser les victimes. « Nous nous efforçons de faire en sorte qu’ils rendent des comptes. C’est pourquoi il faut des syndicats et des responsabilités. Faute de quoi, on crée les conditions d’une catastrophe », a-t-il ajouté.
La solidarité, ça compte
Le rapport d’avancement met également l’accent sur les activités de l’IE dans le domaine de la solidarité, notamment sur les efforts déployés pour reconstruire un centre de formation des enseignant∙e∙s en Ukraine et pour organiser un programme de formation à l’intention des enseignant∙e∙s en Palestine sur la pédagogie fondée sur les traumatismes.
En Tanzanie, la police a arrêté le secrétaire général du Syndicat des enseignant∙e∙s de Tanzanie (Tanzania Teachers Union - TTU) et neuf autres dirigeants syndicaux. Les syndicalistes ont été libérés après que le Bureau régional de l’IE Afrique et les syndicats membres de la région se sont rapidement mobilisés pour les défendre.
L’IE poursuit également ses activités de sensibilisation concernant le sort des filles et des femmes enseignantes en Afghanistan qui, dans de nombreuses régions, se voient interdire d’aller à l’école et d’enseigner depuis la prise de pouvoir par les Talibans en 2021. La situation dans le pays et les témoignages des membres ont été partagés avec les principales parties prenantes lors d’un événement organisé dans le cadre de la 68e session annuelle de la Commission de la condition de la femme (CSW68), acronyme anglophone) à New York, aux États-Unis, auquel ont participé des dirigeantes syndicales de différentes régions de l’IE.
Le Forum mondial sur les réfugiés
L’Internationale de l’Éducation a mis les enseignant∙e∙s sur le devant de la scène lors du Forum mondial sur les réfugiés, en tant que le fer de lance de la lutte au niveau mondial en faveur des droits des enseignant·e·s en situation de crise et de déplacement forcé. Les recommandations du Groupe, qui appellent à la création d’un Fonds mondial pour les salaires des enseignants, seront essentielles pour faire progresser ce domaine d’activité.
M. Edwards a également évoqué d’autres exemples du travail de solidarité de l’IE en Iran et en Turquie, et a conclu par un appel au soutien continu aux membres des syndicats en Argentine, qui se trouvent engagés dans une lutte acharnée contre les politiques du président Javier Milei et son programme régressif et antisyndical. « Nous continuerons à faire preuve de solidarité et serons présents ensemble à l’occasion de notre Congrès mondial », prévu en juillet de cette année.
Toujours en référence au prochain Congrès mondial, M. Edwards a évoqué la rencontre qui a eu lieu entre la délégation de l’IE et le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva et le message de gratitude adressé par ce dernier aux membres de l’IE dans le monde entier. Le président Lula, qui était en prison lors du Congrès mondial de l’IE à Bangkok en 2019, a remercié l’Internationale de l’Éducation pour avoir appelé à sa libération et pour sa solidarité avec les syndicalistes du monde entier.
Par ailleurs, les membres du Bureau exécutif de l’IE ont adopté l’ordre du jour et le programme du 10e Congrès mondial de l’IE qui se tiendra à Buenos Aires, en Argentine, du 27 juillet au 2 août 2024.
Rapports des régions de l’IE
Des rapports ont également été présentés sur les conférences régionales de l’IE.
L’unité démontrée lors de la Conférence régionale de l’IE pour l’Amérique du Nord et les Caraïbes, où les éducateur∙trice∙s se sont engagé∙e∙s à jouer un rôle actif dans la transformation de l’éducation dans cette région vaste et variée, a été mise en exergue.
Le président de la République d’Afrique du Sud Matamela Cyril Ramaphosa a ouvert la Conférence de la région africaine de l’IE en novembre 2023 à Johannesburg, appelant les syndicats de l’éducation à « s’unir pour des systèmes éducatifs résilients en temps de crise ». C’est aussi en Afrique du Sud qu’ont été lancées les recommandations du Groupe de haut niveau des Nations Unies le 26 février.
Dans sa présentation sur la situation de l’éducation et du syndicalisme dans la région Amérique latine de l’IE (IEAL), le directeur régional Combertty Rodriguez a indiqué que les forces néolibérales ont « aggravé les inégalités et la pauvreté et affaibli l’emploi public. Ils retirent le financement des politiques publiques, en particulier dans le domaine de l’éducation et des services sociaux. Ils ont utilisé des fonds publics à des fins privées par le biais de partenariats public-privé, principalement pour des entreprises privées du secteur de l’éducation. »
Dans certains pays, la tendance est à l’adoption de modèles politiques autoritaires, a-t-il également mis en garde, affirmant qu’« il existe une stratégie claire de persécution du mouvement syndical et une intensification de la suppression des droits du travail et des droits syndicaux ».
Une autre tendance observée parmi certains gouvernements d’Amérique latine est la suppression de la collecte des cotisations syndicales par le biais de la structure administrative de l’État et l’imposition aux syndicats d’amendes en cas de mobilisations et/ou de grèves, a-t-il rapporté.
M. Rodriguez a également expliqué que le principal défi pour l’IE et l’IEAL est de développer une stratégie unifiée pour faire face à ce contexte antisyndical.
Soutien indéfectible aux éducateur∙trice∙s palestinien∙ne∙s
Saed Erziqat, secrétaire général du Syndicat général des enseignant∙e∙s palestinien∙ne∙s (General Union of Palestinian Teachers - GUPT), a également pris la parole lors de la réunion du Bureau exécutif de l’Internationale de l’Éducation (IE) le 28 mars.
M. Erziqat a évoqué les horreurs auxquelles se trouvent confronté∙e∙s les enseignant∙e∙s et étudiant∙e∙s palestinien∙ne∙s et leurs communautés, notamment l’assassinat de centaines d’enseignant∙e∙s et de milliers d’étudiant∙e∙s, le bombardement par l’armée israélienne d’universités et de centres scolaires, et les conditions de vie effroyables de la population.
Le dirigeant syndical palestinien a lancé un appel direct à un cessez-le-feu, à la fin de la guerre, et a appelé la communauté internationale à œuvrer en faveur de la paix dans la région. Il a remercié l’IE et ses organisations membres pour leur soutien qui a permis au GUPT de fournir une assistance financière directe aux enseignant∙e∙s de Gaza et de Cisjordanie qui n’ont pas été payé∙e∙s depuis des mois.
Les responsables de l’IE ont réaffirmé leur solidarité avec leurs collègues palestinien∙ne∙s et ont réitéré leurs appels à un cessez-le-feu, à la libération des otages et à la fin des souffrances et de la guerre.