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Discours de Mugwena Maluleke, président de l'Internationale de l'Éducation, lors des célébrations de la Journée mondiale des enseignantes et enseignants 2024
Je tiens à souligner le travail incroyable des organisations membres de l'Internationale de l'Éducation dans le monde entier, qui célèbrent cette journée par leurs propres célébrations et actions, unies par notre appel à valoriser, respecter et investir dans les enseignant·e·s. Des écoles rurales aux écoles urbaines, au Sud comme au Nord, elles amplifient la voix des enseignant·e·s qui s'engagent à construire un avenir meilleur pour leurs élèves.
En cette Journée mondiale des enseignantes et enseignants, j'ai l'honneur de m'adresser à vous alors que nous célébrons les enseignant·e·s, mais aussi que nous faisons face aux défis urgents auxquels notre profession est confrontée.
Nous nous trouvons à un moment critique pour l'enseignement public. Les enseignant·e·s du monde entier sont surchargé·e·s de travail, sous-payé·e·s et sous-évalué·e·s. Beaucoup sont chassés de la profession qu'ils aiment et dont dépend notre avenir. Comme de moins en moins de jeunes entrent dans l'enseignement, la pénurie mondiale s'aggrave. Cela exerce une pression supplémentaire sur celles et ceux qui restent et aggrave leurs conditions de travail, mettant ainsi en péril l’éducation de qualité pour toutes et tous.
Pour remédier à la pénurie et attirer et retenir les enseignant·e·s dont nous avons besoin, nous devons nous attaquer aux causes profondes : les bas salaires, l'augmentation de la charge de travail, les conditions de travail inadéquates et le manque d'autonomie professionnelle. Une profession enseignante bien rémunérée, bien soutenue, respectée, avec une sécurité d'emploi, est essentielle pour garantir le droit à une éducation de qualité pour toutes et tous.
Pour que cela se produise, les enseignantes et enseignants et leurs syndicats doivent être au cœur des prises de décision. Soyons clairs : la transformation commence par la valorisation de la voix de la profession enseignante. Mais cela demande plus que des paroles creuses. Cela exige des actions concrètes.
La véritable transformation commence par placer les enseignant·e·s au cœur des politiques qui façonnent nos écoles et nos établissements d'enseignement supérieur. Cela passe par un véritable dialogue social, en veillant à ce que les enseignant·e·s soient consulté·e·s et que leur expertise pédagogique soit reconnue. Les enseignant·e·s et doivent avoir l'autonomie professionnelle nécessaire pour diriger, innover et prendre les décisions qui façonnent le futur de l'éducation et bâtissent un avenir plus durable et plus juste pour chacun de nous.
À l'appui de cette affirmation, les recommandations du Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la profession enseignante fournissent une feuille de route claire pour remédier à la pénurie d’enseignant·e·s et créer des systèmes d'enseignement public plus solides et plus durables. Les recommandations sont claires : la participation des enseignant·e·s au dialogue social est essentielle. Les enseignant·e·s doivent jouir d'une autonomie professionnelle et participer activement à l'élaboration des programmes d'études, des pédagogies et des politiques éducatives. Les gouvernements doivent agir maintenant en mettant en œuvre ces recommandations, en créant des commissions nationales pour évaluer et lutter contre la pénurie qui touche la profession. Ces commissions doivent donner la priorité au dialogue social et à la négociation collective, en veillant à ce que les enseignant·e·s et leurs syndicats jouent un rôle clé dans l'élaboration des politiques et dans l'amélioration des conditions de travail.
Pourtant, loin de cet idéal, le dernier rapport de l'Internationale de l'Éducation sur la condition mondiale des enseignantes et enseignants révèle des faits alarmants : partout dans le monde les enseignant·e·s sont confronté·e·s à des restrictions juridiques et à des obstacles pratiques qui les empêchent de s'organiser, de négocier et, le cas échéant, de faire grève pour défendre leurs droits. Dans certains pays, le dialogue social existe, mais est parfois faible dans des domaines clés tels que les salaires, la santé et le bien-être, et le développement professionnel.
Nous ne pouvons pas ignorer la réalité que, pour des millions d’enseignant·e·s, en particulier dans les situations de crise, les zones de conflit et les communautés défavorisées, il n'existe aucune plateforme de dialogue social. Ces enseignant·e·s manquent à la fois de ressources et d'une voix, bien qu'ils assurent la cohésion de systèmes d'enseignement public fragiles, ainsi que de leurs communautés. Ils ne sont pas seulement des éducatrices et éducateurs, ils sont l'espoir pour les enfants qui aspirent à l'avenir meilleur auquel ils ont droit.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples : Laures Park, enseignante autochtone et dirigeante syndicale néo-zélandaise, a passé sa vie à défendre les intérêts des élèves et des enseignant·e·s maoris. Son travail démontre que le respect culturel et la décolonisation de l'éducation sont essentiels à l'inclusion. En Ukraine, Tatiana Zamorska, continue d’enseigner au milieu des raids aériens, permettant à ses élèves d'apprendre malgré les pannes de courant et les bombardements. Haneen Bazian, enseignante en éducation de la petite enfance et responsable syndicale en Palestine, travaille sans relâche pour soutenir les enseignant·e·s et les enfants qui font face au traumatisme du génocide, tout en luttant pour son propre bien-être émotionnel. René Sucup, un dirigeant syndical au Guatemala, a récemment été assassiné pour avoir défendu les droits des enseignant·e·s. Deng Loku, au Soudan du Sud, n'a pas été payé depuis près d'un an, mais continue à s’impliquer auprès de ses élèves. Et en Afghanistan, des femmes comme Amina enseignent aux filles en secret, défiant la répression pour défendre leur droit à l'éducation sous le régime taliban.
Ce ne sont là que quelques exemples des innombrables histoires d’enseignantes et enseignants, partout dans le monde, qui continuent de soutenir leurs élèves dans des conditions inimaginables. Ces enseignant·e·s le font parce qu'ils savent que leur travail est essentiel pour les plus vulnérables. Mais ils ne peuvent pas le faire seuls.
Leurs voix doivent être entendues. En tant que Président de l'Internationale de l'Education, il est de mon devoir de vous faire entendre ces voix aujourd'hui. Parce que sans ces personnes, toute discussion sur la réforme de l'éducation n'a aucun sens.
Le vrai changement commence par l'écoute de ceux et celles qui vivent la réalité de nos salles de classe, en particulier dans les environnements les plus difficiles. Ce n'est qu'alors que nous pourrons bâtir un système d'enseignement public véritablement transformateur pour chaque élève, partout.
Je veux également saisir cette occasion pour réitérer l'appel de l'Internationale de l'Éducation en faveur de la paix. Nous ne pouvons pas avoir une éducation de qualité sans la paix. Les guerres et les conflits armés sont la plus grande violation des droits humains et une menace pour le droit à l'éducation. Et permettez-moi d'être clair : les écoles, les enseignant·e·s et leurs étudiant·e·s ne devraient JAMAIS être des cibles de guerre. Les communautés et les infrastructures scolaires doivent être respectées comme des havres de paix, toujours.
Les enseignant·e·s et leurs syndicats doivent avoir un siège à la table où se prennent les décisions. Nous savons tous que l'élaboration d'une politique éducative, sans que les enseignant·e·s soient au cœur de sa conception et de son développement, est vouée à l'échec. Nous savons également que plus le système éducatif d'un pays est performant, plus il est probable qu'il travaille de manière constructive avec ses syndicats et traite ses enseignant·e·s comme des partenaires de confiance.
Les défis à venir ne sont pas faciles. L'enseignement et l'apprentissage sont complexes, avec de nombreuses variables qui ne peuvent jamais être réduites à un nombre ou à une équation.
Soyons honnêtes : trop souvent, les « repères » et les objectifs bien intentionnés ratent la cible. Ils se concentrent sur les chiffres, mais ne parviennent pas à s'attaquer aux dures réalités des enseignant·e·s surchargé·e·s de travail et manquant de ressources. Nous apprécions les efforts déployés pour mesurer la qualité et le rendement, mais nous ne pouvons pas réduire l'éducation à des mesures. L'autonomie professionnelle, c'est-à-dire la liberté d'enseigner d'une manière dont nous savons qu'elle fonctionne, est ébréchée par des politiques axées sur les données qui ne tiennent pas compte des réalités des salles de classe.
Les élèves ne sont pas des données sur une feuille de calcul, et les enseignant·e·s ne sont pas des robots qui délivrent du contenu. Nous sommes au cœur de tout système d'enseignement public, l'outil le plus puissant pour bâtir des sociétés plus démocratiques, durables, inclusives et justes.
Aujourd'hui, nous appelons les gouvernements du monde entier à agir. Il est impératif de financer l'enseignement public, d'investir dans les enseignant·e·s, de garantir leurs droits du travail et de veiller à ce qu'ils aient de bonnes conditions de travail. Faisons en sorte que cela se produise. Travaillons ensemble, à l'échelle mondiale et locale, pour faire de l'enseignement une profession respectée, bien rémunérée et ambitieuse pour les générations à venir.
L'avenir repose sur les enseignantes et enseignants. Soutenez-nous. Plaider en faveur d'une augmentation du financement public de l'enseignement public. Assurons-nous que chaque élève, où qu'il soit, ait accès à des enseignant·e·s qualifié·e·s et soutenu·e·s et à un environnement d'apprentissage de qualité, chaque jour, chaque leçon.
Reconnaissons « La force du public : ensemble on fait école ! », maintenant !