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Les syndicats de l’éducation se mobilisent pour les droits et l’égalité des genres dans l’éducation

Publié 3 octobre 2024 Mis à jour 14 octobre 2024

Le 26 septembre, des syndicalistes du monde entier se sont réuni·e·s afin de débattre de la situation du mouvement anti-droits dans le secteur éducatif et des stratégies d’opposition au phénomène dans un contexte de défense des droits et de l’égalité des genres. Un nouveau rapport de l’Overseas Development Institute (Institut pour le Développement Outremer-ODI) Global a éclairé le débat.

L’éducation comme champ de bataille

Après une période de relative expansion des droits humains, en particulier pour les femmes et les membres de la communauté LGBTIQI+, nous observons à présent un recul important de ces mêmes droits qui apparaît aujourd’hui comme un phénomène mondial bien doté en ressources, sous la dénomination de mouvement anti-droits ou anti-genre. Ce mouvement repose sur un objectif commun de promotion des « valeurs traditionnelles » au détriment des droits humains individuels et constitue un trait d’union pour les forces antilibérales et antidémocratiques, entre les régimes autocratiques, les gouvernements autoritaires et certaines démocraties consolidées.

« Bien que, selon les endroits, ces efforts aient une finalité distincte, ils partagent néanmoins certaines caractéristiques évidentes. Ils promeuvent ainsi une vision étroite et patriarcale des relations de genre et font obstacle à toute menace perçue pour le bien-être national, émanant des mouvements féministes et de justice sociale. Les systèmes éducatifs sont devenus leurs champs de bataille, l’objectif étant de contrôler qui accède aux établissements d’enseignement et ce qui est enseigné. Toutefois, le phénomène s’inscrit dans un contexte plus large d’érosion des droits et des normes démocratiques. En tant que syndicalistes de l’éducation, nous ripostons et nous devons rester solidaires les unes et les uns avec les autres dans ce combat », a déclaré Haldis Holst, secrétaire générale adjointe de l’Internationale de l’Éducation, en accueillant les syndicalistes participant à l’événement en ligne.

Le webinaire de l’Internationale de l’Éducation s’est attaché à décrire les complexités des protagonistes anti-genre et de leurs réseaux à l’échelle mondiale. Les syndicats de l’éducation ont également été informés des moyens de lutter contre le mouvement anti-droits.

Qui a la mainmise sur notre éducation ?

Le nouveau rapport de l’Overseas Development Institute, intitulé "Whose Hands on our education ? Identifying and countering gender-restrictive backlash" (Qui a la mainmise sur l’éducation ? Identifier et contrer le retour de bâton restrictif en matière de genre) offre aux syndicalistes de l’éducation un éclairage précieux sur le mouvement anti-droits dans le secteur éducatif.

Présenté par Rachel Marcus de l’ODI, le rapport examine qui sont les personnes et les organisations qui promeuvent une vision restrictive des relations de genre et pourquoi elles gagnent du terrain, quels sont leurs principaux objectifs et leurs tactiques en ce qui concerne l’éducation, et ce que les syndicats de l’éducation peuvent faire pour résister à leur influence.

Le nouveau rapport de l’ODI identifie les protagonistes anti-genre comme des coalitions de groupes politiques et religieux diverses, disposant d’alliés dans les médias, parmi les organisations de parents et autres organisations de la société civile. Ces coalitions ont pour objectif commun de promouvoir une vision binaire du genre, consacrant généralement les « rôles traditionnels ». Pour la plupart, les protagonistes anti-genre s’opposent à « l’idéologie du genre » qu’ils définissent rarement, mais qui renvoie couramment à l’enseignement du féminisme, de l’égalité des genres, des droits humains et des droits des LGBTQI+ .

Fort du soutien d’organisations religieuses de premier plan, le financement des protagonistes anti-genre a atteint 3,7 milliards de dollars dans le monde entre 2013 et 2017. Entre 2007 et 2020, 54 millions de dollars ont été dépensés en Afrique par des groupements chrétiens basés aux États-Unis, dans le cadre de campagnes contre les droits des LGBTQI+ et une éducation sexuelle complète. Entre 2009 et 2018, 188 millions de dollars ont été versés par des oligarques russes à des organisations anti-genre en Europe.

L’action des protagonistes anti-genre cible à la fois le programme scolaire et les enseignant·e·s. Elle oppose une résistance aux politiques et aux cadres d’égalité des genres, s’emploie à empêcher ou à restreindre la fourniture d’une éducation sexuelle complète, résiste aux efforts visant à éliminer les stéréotypes sexistes des programmes scolaires et des supports d’apprentissage ou crée et promeut des supports qui les renforcent. Dans le même temps, les enseignant·e·s LGBTQI+ et leurs allié∙e∙s qui enseignent sur le genre ou les droits des LGBTQI+ sont l’objet de menaces et les fonctionnaires du ministère qui promeuvent une éducation sexuelle complète ou des contenus sur l’égalité des genres subissent diffamation ou éviction.

Les stratégies mises en place pour contrer le mouvement anti-droits dans l’éducation

Les éducateur·trice·s et leurs syndicats jouent un rôle essentiel dans l’opposition au mouvement anti-droits dans l’éducation et la promotion de l’égalité des genres. Le rapport de l’ODI décrit certaines stratégies clés à l’endroit des éducateur·trice·s, notamment la promotion de valeurs équitables entre les genres, le renforcement d’une culture médiatique et numérique déterminante, la communication d’informations factuelles claires concernant les relations et l’éducation sexuelle, et le dialogue avec les parents et les communautés.

Évoquant le travail d’opposition au mouvement anti-droits mené par son syndicat au Brésil, Fatima Silva, de la CNTE, a souligné qu’il était important de nouer des alliances afin de créer un vaste mouvement populaire pour les droits et l’égalité des genres. Alors que les protagonistes du mouvement anti-genre tentent de démanteler les droits à tous les niveaux, les forces progressistes doivent se rassembler et contrer ces efforts partout où ils se déploient. Se mobiliser pour voter pour des gouvernements progressistes, protester contre tout recul des droits, œuvrer au niveau local pour sensibiliser, partager les expériences et apprendre les un·e·s des autres sont autant de stratégies essentielles.

Les syndicats doivent veiller à ce que tou·te·s les enseignant·e·s ciblé·e·s par ce mouvement bénéficient d’un soutien sur les plans juridique et émotionnel. Les syndicats doivent utiliser les mécanismes de dialogue social afin d’assurer que les conventions collectives couvrent les enseignant·e·s et les personnels de soutien à l’éducation dans toute leur diversité. Les responsables d’établissement doivent également s’attacher à soutenir les enseignant·e·s et à les protéger de tout effort visant à influencer indument le processus éducatif. La violence à l’encontre des éducateur·trice·s ne saurait être tolérée.

L’égalité des genres, une priorité pour les syndicalistes de l’éducation

Lors du 10e Congrès mondial de l’Internationale de l’Éducation organisé en Argentine du 29 juillet au 2 août 2024, les syndicalistes de l’éducation du monde entier ont adopté cinq résolutions sur l’opposition au mouvement anti-droits. Plus précisément, le Congrès de l’IE a adopté des résolutions sur les thèmes suivants :

  • S’organiser contre les attaques politiques et idéologiques visant la liberté académique et l’autonomie institutionnelle ;
  • Programmes scolaires pour lutter contre le fascisme ;
  • Protéger les personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche des attaques contre les libertés académiques ;
  • Condamnation de la montée d’une idéologie anti-LGBTQIA+ à l’extrême droite ; et
  • Défendre la démocratie contre le populisme et l’extrémisme de droite dans l’éducation.

En outre, le 30 juillet, les participant·e·s au Congrès s’étaient réuni·e·s dans le cadre d’une session intitulée « Se mobiliser pour les droits et l’égalité de genre face au nationalisme et à l’autoritarisme d’extrême droite », à l’occasion de laquelle des syndicalistes de l’éducation d’Iran, du Paraguay, de Pologne, d’Afrique du Sud, du Royaume-Uni et des États-Unis ont partagé leurs expériences en matière de lutte pour l’égalité des genres et les droits individuels pour toutes et tous.