Le bien-être et la santé mentale des enseignants et enseignantes et du PSE sont essentiels pour une éducation de qualité
Résolution du 10e Congrès mondial
Le 10e Congrès mondial de l'Internationale de l'Education, réuni à Buenos Aires, en Argentine, du 29 juillet au 2 août 2024 :
- rappelle les résolutions de l’IE sur la santé mentale des enseignants et enseignantes et du personnel de soutien à l’éducation adoptées par le 8e congrès mondial en 2019 ; et sur la condition des enseignantes et enseignants adoptée par le 1er congrès mondial en 1995 ;
- rappelle la Recommandation OIT/UNESCO concernant la condition du personnel enseignant (1966) ; la Recommandation UNESCO concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur (1997) et les Directives de l’OIT sur la promotion du travail décent pour le personnel de l’éducation de la petite enfance (2013).
Le 10e Congrès mondial reconnaît que :
- le bien-être des enseignants et enseignantes et du personnel de soutien à l'éducation (PSE) [1] est une question complexe, subjective et dépendante de la culture, dont la définition est fonction du contexte, affectant différemment les individus et les groupes ;
- il existe un consensus définissant le bien-être comme un concept large faisant référence à un fonctionnement psychologique positif, à la santé mentale, à un sentiment d’auto-efficacité et à d’autres facteurs;
- la recherche scientifique sur le bien-être des enseignantes et enseignants et du PSE s'est développée depuis le Covid-19, mais il subsiste un déficit de recherche au niveau mondial. Malgré les études commandées par l'IE, il n'existe qu'une gamme limitée de recherches et de littérature sérieuses et mondiales relatives aux opinions de la profession sur le bien-être, avec un manque chronique d’études concernant les communautés marginalisées et vulnérables et les contextes de crise et de conflit ;
- peu de politiques gouvernementales abordent directement le bien-être des personnels ou fournissent des ressources pour une mise en œuvre efficace de ce dernier, et que la détérioration alarmante des conditions qui favorisent le bien-être pendant la pandémie de Covid-19 a amplifié les déficiences existantes ;
- souvent, là où des politiques de bien-être existent, elles ne reposent pas sur un changement global des conditions de travail, mais sur des enseignants et enseignantes et des membres du PSE qui recherchent des conseils externes à titre individuel et sont censé·e·s prendre soin de leur propre bien-être de manière proactive, impliquant ainsi des coûts supplémentaires et rendant les enseignants et enseignantes responsables de conditions systémiques sur lesquelles ils et elles ont peu ou pas de contrôle ;
- les directions d'établissement respectueuses du personnel et du dialogue social, jouent un rôle crucial dans la protection de la santé mentale du corps enseignant;
- il apparaît de plus en plus qu'il existe une forte corrélation entre le bien-être des enseignant·e·s et du PSE et la réussite, la satisfaction, le bien-être et la réussite des élèves ;
- il apparaît également qu'il existe une forte corrélation entre les niveaux de pauvreté et de dénuement des enfants, d'une part, et le bien-être des enseignant·e·s et du PSE, d'autre part ;
- bien que les enseignant·e·s et le PSE jouent un rôle important dans le soutien aux élèves, ils et elles ne sauraient se substituer à des professionnel·le·s de la santé mentale dûment qualifié·e·s et spécialisé·e·s ;
- le bien-être des enseignant·e·s et du PSE doit être une priorité en tant que responsabilité collective de la communauté éducative mondiale afin de respecter les engagements énoncés dans l’Objectif de Développement Durable 4 pour garantir une éducation de qualité inclusive et équitable pour tous et toutes ;
- le mal-être présente un risque important à long terme pour la qualité de l’éducation dans la plupart des pays, car il est lié à des conditions de travail dégradées, à une mauvaise santé, à une satisfaction réduite, au surmenage, à l’épuisement professionnel et, en fin de compte, à l’attrition, exacerbant la pénurie mondiale d’enseignants et enseignantes ;
- lorsque les parties prenantes de l’éducation aux niveaux mondial, national et local mettent en œuvre des politiques et des pratiques qui soutiennent le bien-être des enseignants et enseignantes, en particulier dans des contextes de faibles ressources, de crise ou de conflit, il peut être possible de les garder, de rendre la profession plus attrayante et de créer des environnements d’apprentissage inclusifs qui soutiennent de plus grandes opportunités d’équité.
Le 10e Congrès mondial note que le bien-être des enseignants et enseignantes et du PSE est mis à mal par :
- la réduction des dépenses publiques et des budgets de l’éducation, privant les personnels de salaires dignes et fiables et des ressources nécessaires pour effectuer leur travail ;
- des classes surchargées et dont la composition (défis et difficultés rencontrés par les élèves) complexifie leur travail;
- un manque de développement professionnel continu de qualité et accessible pour répondre aux besoins changeants des élèves et pour répondre aux réels besoins de formation du personnel de l’éducation ;
- une charge de travail excessive et croissante, l’expansion des rôles, des exigences administratives et un déséquilibre persistant entre les hommes et les femmes dans les activités de soins, dans les contextes professionnels et personnels, qui entravent la capacité d’une personne à jouir d’un équilibre satisfaisant entre vie professionnelle et vie privée ;
- des réformes constantes imposées à la gouvernance des systèmes scolaires et à la profession enseignante qui changent avec chaque nouveau gouvernement ou sans représentation et participation adéquates des syndicats d’enseignant·e·s et du PSE dans les processus de décision et d'élaboration des politiques ;
- des enjeux élevés et des systèmes de responsabilité et d'évaluation punitifs ;
- des opportunités limitées d’évolution de carrière et des contrats précaires et temporaires ;
- un mépris pour le leadership des enseignant·e·s et un manque de respect de leur jugement professionnel, ce qui fait partie intégrante du sentiment d’efficacité personnelle des personnels;
- le statut social inférieur, le manque de respect pour la profession et les attaques des employeurs, des médias, de la communauté et/ou des parents ;
- l'ingérence et/ou les interdictions du gouvernement dans la création et l'utilisation de programmes, de matériels et de méthodes d'enseignement ;
- la violence accrue et les attaques dirigées contre les élèves, les personnels, les écoles et les universités, affectant gravement les groupes marginalisés et vulnérables ;
- la discrimination systémique ayant un impact sur les caractéristiques individuelles ou communes telles que l'origine ethnique, l'identité ou l'expression de genre, l'orientation sexuelle, l'indigénéité, le handicap ou le statut migratoire ;
- le rôle croissant des technologies numériques et de l’IA dans l’éducation, qui a contribué à une augmentation de la charge de travail, à une diminution de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et à une plus grande marchandisation et privatisation de l’éducation ;
- l’inadéquation des politiques de santé, de protection sociale et des conventions collectives concernant le congé parental, la garde d'enfants et les soins de santé physique et mentale, en particulier en tant que profession largement féminisée dans de nombreux aspects ;
- la crise climatique actuelle et existentielle qui menace l'humanité et donc le bien-être de toutes et tous, mais qui mine aussi l'optimisme des jeunes vis-à-vis de l'avenir.
Le 10e Congrès mondial appelle les organisations membres à :
- approfondir leur compréhension des facteurs ayant un impact sur le bien-être, notamment une perspective de genre, dans les contextes nationaux et locaux grâce à des consultations de leurs membres et des activités de recherche ;
- inclure les questions de bien-être et de santé mentale comme partie intégrante de leurs politiques et plaidoyer, aux côtés d’autres questions professionnelles telles que les conditions de travail et les salaires, et à montrer l'exemple en adoptant des politiques et des pratiques internes qui favorisent le bien-être du personnel du syndicat, ainsi que de leurs représentant·e·s élu·e·s ;
- développer des mécanismes ou des mesures appropriées spécifiques au contexte pour surveiller le bien-être des membres et, en fin de compte, guider les politiques et les activités des organisations ;
- plaider pour que leurs gouvernements prennent des mesures politiques, législatives et autres mesures concrètes appropriées pour :
- financer entièrement leurs systèmes éducatifs pour garantir que la rémunération des enseignant·e·s et du PSE soit adéquate et équitable et que tous les besoins en matière d'infrastructure et d'éducation de base soient satisfaits, car aucun changement de politique sans un investissement financier substantiel du gouvernement n'est durable ;
- plaider pour l'inclusion du bien-être et de la santé mentale des enseignant·e·s et du PSE dans les politiques éducatives nationales et pour des partenariats efficaces entre les écoles, les gouvernements et les organisations d'enseignant·e·s afin de créer un changement systémique dans le soutien au bien-être et à la santé mentale des enseignant·e·s et du PSE ;
- conduire des politiques qui aboutissent à des réductions durables et à long terme de la pauvreté des enfants, en vue de son éradication ;
- développer des programmes de mentorat pour les enseignant·e·s débutant·e·s et novices et intégrer le soutien au bien-être des enseignant·e·s dans les programmes de formation des enseignant·e·s et du PSE en travaillant en partenariat avec les enseignant·e·s, le PSE et leurs syndicats ;
- développer un soutien et des structures pour adapter le travail des enseignant·e·s et du PSE au cours des dernières années de leur carrière ;
- veiller à ce que les chef·fes d'établissement reçoivent une formation en leadership financée par le gouvernement, contextuellement pertinente et sur mesure, ainsi qu'un développement professionnel continu et un soutien afin de pouvoir jouer un rôle constructif pour assurer le bien-être de leur équipe scolaire ;
- offrir des opportunités et un soutien aux enseignant·e·s et au PSE pour qu'ils et elles puissent exercer un leadership dans le développement et l'amélioration de la pratique professionnelle ;
- travailler en partenariat avec les syndicats de l'éducation pour élaborer des orientations sur l’introduction de leadership partagé et le leadership des enseignant·e·s dans les établissements ;
- établir pour les syndicats de l’éducation le droit d'être entendus et d'exercer une influence à tous les niveaux d'élaboration des politiques, y compris le contenu et la structure du programme et les décisions concernant l'utilisation de la technologie et de l’IA ;
- protéger et valoriser l’apprentissage professionnel auprès des collègues et permettre aux enseignantes et enseignants de participer à des activités qui conduisent à la création et au transfert de connaissances professionnelles ;
- élaborer des politiques équitables de recrutement, de déploiement et d’avancement qui tiennent compte de la diversité des genres et sensibles à la diversité des cultures ;
- élaborer des politiques qui engagent et sensibilisent les responsables d’établissement à l’importance du bien-être des personnels ;
- garantir une protection sociale adéquate, des prestations de retraite, des dispositions en matière de garde d'enfants, ainsi que des horaires de travail qui permettent des temps de repos et l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, notamment par le droit à la déconnection, idéalement à travers des conventions collectives ;
- plaider pour la reconnaissance du fait que l'environnement de travail des enseignant·e·s est important à la fois pour un apprentissage et un enseignement de qualité et pour que les enseignant·e·s s'épanouissent dans leur travail et que leur engagement professionnel dans l'enseignement soit durable et satisfaisant ;
- plaider en faveur d'un partenariat entre les organisations enseignantes et les organisations d'employeurs afin de mettre en place les conditions permettant d'éviter les situations de violence et les menaces envers les enseignant·e·s et le PSE.
Le 10e Congrès mondial appelle l'IE à :
- continuer à promouvoir les idéaux positifs de la profession et, ce faisant, mettre en évidence les liens étroits entre le bien-être des enseignant·e·s et du PSE d’une part et la santé mentale et le bien-être des élèves d’autre part, ainsi que la qualité de leur travail ;
- tout mettre en œuvre pour garantir que les recherches commandées, les expert·e·s consulté·e·s et les intervenant·e·s invité·e·s aux événements et activités de l'IE liés au bien-être des enseignant·e·s et du PSE lors d'événements nationaux, régionaux et mondiaux présentent une grande variété de perspectives, d'ensembles de connaissances et d'approches ;
- aider les membres dans la réalisation de politiques à l’échelle de leur juridiction visant à améliorer le bien-être et la santé mentale des enseignant·e·s et du PSE ;
- développer davantage de recherches et de politiques sur le rôle de la protection sociale sur le bien-être, en particulier pour les femmes et les groupes marginalisés et vulnérables ;
- développer des supports et des orientations pratiques que les membres peuvent utiliser pour promouvoir un équilibre travail-vie personnelle satisfaisant dans leur contexte ;
- poursuivre le développement de collaborations stratégiques et de partenariats avec des institutions et des parties prenantes au niveau international pour rechercher les meilleures voies à suivre pour faire progresser le bien-être des enseignantes et enseignants et du PSE ;
- plaider en faveur de la promotion du bien-être des enseignant·e·s et des membres du PSE travaillant dans des situations de conflit, de crise et de déplacement, à travers des politiques et des mesures de soutien solides et ciblées qui répondent aux besoins physiques, émotionnels et psychosociaux spécifiques ;
- continuer à documenter les facteurs ayant un impact sur le bien-être et la santé du personnel éducatif au travail, notamment en réalisant l’enquête mondiale sur la condition de la profession enseignante de l'IE et en collaborant avec des partenaires internationaux ;
- plaider en faveur de l'expansion et du financement des services de garde d'enfants afin d'alléger le fardeau des responsabilités familiales qui ont traditionnellement un impact sur le bien-être des femmes dans la profession ;
- faciliter les échanges entre les organisations membres de l'IE, notamment par le biais de conférences, de séminaires et de la création d'une base de données en ligne pour les organisations membres afin de leur permettre de faire du réseautage et de partager des connaissances, des expériences et des ressources liées au bien-être et à la santé mentale des enseignant·e·s et du PSE.
1. ^
Aux fins de la présente résolution, la catégorie « enseignant·e·s et PSE » sera utilisée pour désigner une large catégorie d’éducateur·trice·s, d’enseignant·e·s, de formateur·trice·s, de personnel académique et de chercheur·euse·s représenté·e·s par les affiliés de l’IE. Le terme « enseignement » dans cet article doit être compris comme incluant la recherche, dans le contexte du travail dans l’enseignement supérieur et la recherche.