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Les syndicats de l'éducation s'unissent pour défendre l'avenir de l'enseignement public dans une Europe sociale

Publié 2 décembre 2024 Mis à jour 10 décembre 2024

La conférence du Comité syndical européen de l'éducation (CSEE) a mis l'accent sur la solidarité, l'unité et le renouvellement des dirigeant·e·s, éléments essentiels pour garantir l'avenir de l'enseignement public en Europe. Ces thèmes ont résonné tout au long des discussions, soulignant la nécessité de stratégies syndicales cohérentes et solides pour défendre les éducateur·trice·s et le secteur de l'éducation.

Organisée les 26 et 27 novembre à Budva, au Monténégro, la conférence, intitulée « Lutter pour l'avenir de l'éducation publique dans une Europe sociale », a souligné l'importance cruciale de systèmes éducatifs inclusifs de qualité et du respect du personnel éducatif sur l'ensemble du continent.

Le président du CSEE, Larry Flanagan, a ouvert l'événement par un appel à l'action convaincant, exhortant le CSEE à être une formidable voix de la campagne en faveur des éducateur·trice·s et de l'enseignement public. « J'espère que cette conférence sera un catalyseur pour nos ambitions et nos campagnes. Il y a un sentiment de renouveau et de redynamisation du travail que nous réalisons », a-t-il déclaré.

Démontrant la solidarité du mouvement syndical mondial de l'éducation, le président de l'IE, Mugwena Maluleke, a souligné : « Soyons la génération qui défend l'enseignement public, la dignité des enseignants et enseignantes et un avenir où la connaissance et l'espoir l'emportent sur l'ignorance et le désespoir ».

Le dirigeant de l'IE a conclu : « Chaque génération doit découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. Nous sommes cette génération. Nous éduquons le monde. »

Pour le secrétaire général de l'IE, David Edwards, depuis la dernière conférence du CSEE, « nous avons redoublé de solidarité et de confiance dans le fait qu'un véritable leadership est en place en ces temps de défis et de conflits. Les vrais dirigeants vont au-devant des problèmes. C'est dans les moments difficiles que l'on est le plus fort. En ce moment, nous devons rester unis pour nos professions, pour l'enseignement public, pour les personnes et leurs droits, pour l'avenir. »

S'adressant à la conférence du CSEE, le vice-président de la Confédération européenne des syndicats (CES), Jarkko Eloranta, a reconnu la nécessité de garantir une éducation de qualité et l'égalité d'accès à l'éducation pour tous les enfants afin qu'ils deviennent les futurs dirigeant·e·s : « Nous devons nous assurer que tous les enfants ont droit à une éducation de qualité. Nous devons défendre la profession enseignante, cruciale pour des sociétés justes et inclusives. »

Programme stratégique

Les délégué·e·s ont également adopté le Programme stratégique 2025-2028 du CSEE, qui définit la stratégie et les objectifs de haut niveau du CSEE :

  • Renforcer la capacité et consolider la force collective des organisations membres.
  • Renforcer les activités de campagne et la négociation.
  • Influencer les politiques publiques pour l’éducation pour améliorer les résultats des élèves et revaloriser le statut de la profession.
  • Plaider fermement en faveur de sociétés justes et démocratiques, agissant de manière solidaire partout où les droits humains et syndicaux doivent être défendus.

Ces objectifs sont alignés sur les priorités de l'IE telles qu'elles ont été définies lors du récent 10e Congrès mondial de l'IE et permettront le développement d'un programme de travail détaillé du CSEE pour le mandat 2025-28. Ils soulignent la nécessité de disposer d'enseignant·e·s bien formé·e·s et respecté·e·s et d' utiliser les recommandations du Groupe de haut niveau des Nations Unies dans toute l'Europe, ainsi que de planifier et de hiérarchiser soigneusement les activités.

Lutter pour l'avenir de l'éducation publique dans une Europe sociale

La résolution « Lutter pour l'avenir de l'éducation publique dans une Europe sociale », adoptée à l'unanimité par les délégué·e·s, réaffirme que « l’éducation de qualité est non seulement un bien public, mais aussi un droit humain. Tous les personnels de l’éducation doivent rejoindre le CSEE dans cette lutte, afin de défendre le rôle sociétal de l’éducation dans la création de démocraties plus justes à l’avenir. »

Alors que l’éducation publique est « la pierre angulaire de la démocratie, de la cohésion sociale et du développement humain » et « est essentielle à l’émancipation des citoyens et citoyennes, à la promotion de l’esprit critique et au respect de la diversité », la résolution note que « l’éducation publique en Europe est confrontée à une multitude de défis qui menacent sa qualité, son inclusivité et sa durabilité ».

Elle confirme donc l'engagement des organisations membres du CSEE à « plaider en faveur d’un soutien ferme et indéfectible à l’éducation, en tant que bien public et droit humain universels, et appeler les gouvernements nationaux et les autorités compétentes à assurer et accroître le financement public durable et fiable de l’éducation − une condition préalable indispensable pour garantir une éducation de qualité et inclusive pour tous les individus et améliorer les conditions de travail, les salaires et les pensions dans ce secteur ».

Elle reconnaît que les syndicats de l'éducation se mobilisent « en vue de défendre et renforcer le dialogue social et la négociation collective à tous les niveaux, en renforçant notamment les pratiques nationales, en établissant des stratégies pour améliorer les conditions d’emploi et de travail des enseignants et enseignantes, des responsables d’établissement scolaire, des universitaires, des chercheurs et chercheuses et de l’ensemble des personnels de l’éducation, et contribuer au renouvellement et à l’organisation des syndicats ».

Elle encourage également les syndicats de l'éducation à « amplifier et développer la campagne de l'IE « La force du public : ensemble on fait école ! » dans le cadre européen ».

Les délégué·e·s à la Conférence du CSEE ont également adopté la résolution « Action syndicale pour lutter contre la pénurie mondiale d'enseignant∙e∙s ». Quarante-quatre millions d'enseignant·e·s supplémentaires sont nécessaires d'ici 2030 pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) en matière d'éducation. Cette résolution indique que le CSEE soutiendra les affiliés « à faire pression sur les gouvernements pour renforcer les systèmes éducatifs publics et cesser tous les investissements dans l’enseignement à but lucratif, y compris via des investissements intermédiaires, reconnaissant ainsi qu’il s’agit là de l’unique moyen équitable et soutenable de renforcer le personnel enseignant et d’atteindre l’éducation pour tou∙te∙s ».

Le document invite également les gouvernements à « mettre en œuvre la totalité des recommandations du Groupe de haut niveau sur la profession enseignante et du Rapport mondial sur les enseignant·e·s » et à « soutenir le recrutement, la rétention et la formation d’un nombre d’enseignant·e·s qualifié·e·s respectant la parité entre les hommes et les femmes, à travers davantage de coopération au développement et des partenariats flexibles et durables, en accordant la priorité aux pays enregistrant le plus d’enfants non scolarisés et où la pénurie d’enseignant·e·s qualifié·e·s est la plus criante ».

Suite à cette résolution, les membres du CSEE feront également pression sur leurs gouvernements pour qu'ils travaillent « avec la communauté internationale pour créer et alimenter un fonds mondial pour les salaires des enseignant·e·s ».

Exploiter l'IA dans l'éducation

Le document d’orientation politique adopté par le CSEE présente la vision et les priorités des syndicats de l'éducation en Europe concernant l'impact des technologies d’intelligence artificielle (IA) sur l'éducation.

Reconnaissant la dualité de l'IA qui comporte à la fois des risques et des opportunités pour le personnel de l'éducation, le document d'orientation vise à : établir des principes directeurs de base pour garantir un impact bénéfique de l’IA sur les employé·e·s de l’éducation ; déterminer le principal impact de l’IA sur les employé·e·s de l’éducation, sur leurs droits et sur leurs conditions de travail ; et proposer des recommandations au CSEE et à ses organisations membres.

Les délégué·e·s se sont mis·es d'accord sur des principes directeurs, identifiés comme des conditions essentielles à respecter pour garantir une utilisation responsable et efficace de l'IA dans l'éducation. Le respect de ces principes est essentiel pour garantir que les technologies ne portent pas atteinte aux droits humains fondamentaux et aux droits des travailleur·euse·s, qu'elles favorisent l'inclusion et la diversité et qu'elles défendent les valeurs démocratiques.

La Conférence du CSEE mandate en outre le CSEE pour soutenir les syndicats de l'éducation dans l'identification de l'impact évolutif des technologies basées sur l'intelligence artificielle sur l'éducation par le biais d'activités de formation et de recherche continue. Les organisations membres devraient également partager leurs idées et encourager les stratégies des syndicats de l'éducation pour évaluer l'impact des réglementations européennes récentes (par exemple, la loi sur l'IA, la prochaine Convention du Conseil de l'Europe sur l'IA et l'éducation).

Appel à la paix

L'adoption d'une Déclaration sur la paix a constitué un moment fort de la conférence du CSEE.

Soulignant que « l'éducation est un outil puissant pour la prévention et la résolution des conflits, et l’investissement dans l’éducation publique inclusive pour tou·te·s doit constituer une priorité en vue de construire une paix durable », le document reconnaît « l’importance primordiale de promouvoir une culture de paix et de respect de la dignité humaine au sein de nos communautés et de transmettre des valeurs de tolérance, de dialogue et de compréhension aux générations futures ».

Le CSEE estime que les concepts actuels d'enseignement de l'histoire comme une suite de guerres, de conflits et d'actes politiques devraient faire l'objet d'une réflexion approfondie, et appelle « à un changement dans les approches de l'enseignement de cette matière vitale, afin que l'enseignement de l'histoire prépare les générations futures à regarder vers l'avenir, et non à se complaire dans les stéréotypes et les préjugés ou à subir un lavage de cerveau ».

La déclaration conclut : « En solidarité avec les communautés affectées, appelant à la paix, basée sur la reconnaissance de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de chaque pays, et s'assurant que les pays agresseurs soient sanctionnés afin que la justice puisse être réalisée, et dans la poursuite d'un monde plus juste et plus pacifique, le CSEE réaffirme son engagement à défendre la paix, à promouvoir la résolution non violente des conflits et à favoriser le dialogue et la compréhension entre tous les peuples. Mettons à profit la voix collective et la force des syndicats pour travailler ensemble à la construction d’un avenir où prévaut la paix, où la dignité et les droits de chaque individu sont respectés et où l’éducation se fait symbole d’espoir pour les générations à venir. »

Cette déclaration reçoit l’appui d’une résolution sur la protection de l’éducation et le soutien à apporter à celle-ci en temps de guerre et de conflit armé, également adoptée à Budva.

Par ce document, les délégations des syndicats européens de l'éducation appellent notamment à : exploiter toutes les possibilités de mettre rapidement fin aux guerres et aux violences armées sur la base du droit international ; renforcer la solidarité internationale et à assurer la coordination des efforts visant à soutenir le système éducatif des pays en temps de guerre et pendant la période de redressement ; utiliser les canaux diplomatiques et internationaux pour insister sur les besoins éducatifs et attirer l’attention des parties aux conflits armés sur le caractère inacceptable des attaques perpétrées sur les civil·e·s et les infrastructures civiles, y compris éducatives.

Elles demandent également l'introduction dans les programmes éducatifs d' « une étude plus approfondie des concepts de paix, de tolérance, de respect de la diversité ethnique, raciale, religieuse et culturelle, de patriotisme, d’identité nationale, d’intégrité territoriale et de souveraineté, afin de construire une vision globale de la culture de la paix pour le bien commun et afin d’empêcher la survenue de conflits sanglants ».

Principales résolutions adoptées

D'autres résolutions importantes ont également été adoptées lors de la conférence du CSEE :

  • Se rassembler pour lutter contre la division et la haine - Pour l'inclusion et l'équité.
  • Résister au populisme de droite et à l'extrémisme en Europe.
  • Combattre la montée de l'extrême droite.
  • Lutter contre les effets négatifs des syndicats de droite, dont le pouvoir se renforce en parallèle à la montée de l'extrême droite, sur la lutte des classes ouvrières.
  • Recherche et innovation : soutenir la recherche fondamentale pour des sociétés résilientes.
  • Défendre l'enseignement supérieur et la recherche en période de crises.
  • Préparer le CSEE aux défis à venir.

Élections de la nouvelle direction du CSEE

Les délégué·e·s ont également élu le Comité chargé de diriger le CSEE pour la période 2025-2029. En particulier, le nouveau Bureau du CSEE est composé comme suit :

  • John MacGabhann, TUI/Irlande : Président.
  • Lasse Bjerg Jørgensen, BUPL/Danemark: Vice-président.
  • Rob Copeland, UCU/Royaume-Uni: Vice-président.
  • Julien Farges, SNES-FSU/France: Vice-président.
  • Valentina Ilic, TUS/Serbie : Vice-présidente.
  • Dorota Obidniak, ZNP/Pologne: Vice-présidente.
  • Cuqui Vera Belmonte, FECCOO/Espagne: Vice-présidente.

Ensemble, il·elle·s apporteront une grande expérience et un engagement fort pour que la voix de la profession enseignante soit entendue dans l'élaboration de l'avenir de l'éducation.