États-Unis : Les syndicats de l’éducation dénoncent les attaques lancées par Trump à l’encontre des étudiant·e·s, des enseignant·e·s, des écoles, de la liberté académique, des droits civils, de l’éducation publique, de la démocratie et même des repas scolaires au profit des enfants vulnérables
Aux États-Unis, la communauté éducative se dresse contre une avalanche de mesures prises par la nouvelle administration du Président Donald Trump, qui a fait de la privatisation, du démantèlement du ministère de l’Éducation, des attaques à l’encontre des étudiant·e·s et des familles issus de l’immigration, de l’abolition des droits civils et des restrictions à la liberté académique le cheval de bataille de son agenda en matière éducative.
Trump a dégainé toute une série de directives qui compromettent le droit à l’éducation aux États-Unis, parmi lesquelles un décret présidentiel permettant le transfert illégal de fonds fédéraux vers des établissements d’enseignement privés, privant ainsi les élèves des écoles publiques de ressources vitales, et diverses mesures visant à siphonner le financement fédéral au profit des élèves en situation de handicap, à autoriser les descentes de la police fédérale de l’immigration en milieu scolaire, à réformer la manière d’enseigner l’histoire, à abaisser les dépenses en recherche et à réduire le financement des repas scolaires pour les élèves vulnérables.
Raids anti-immigré∙e∙s : des communautés scolaires traumatisées
Selon la National Education Association (NEA), « depuis l’investiture de Trump, la Maison Blanche a émis des directives inconsidérées, destructrices et même illégales pour déstabiliser l’École publique et cibler une partie de nos élèves les plus vulnérables ». Des propos confirmés par l’ American Federation of Teachers (AFT), à travers sa présidente Randi Weingarten, expliquant qu’« aux États-Unis, nous nous heurtons à une menace autoritaire qui dépasse tout ce que nous avons connu jusqu’ici. Le Président Donald Trump catapulte des diktats destructeurs, déshumanisants et antidémocratiques. »
L’abrogation d’une politique de longue date qui empêchait les agents de l’immigration d’intervenir dans des lieux sensibles tels que les écoles, les hôpitaux et les églises figure au nombre des premières mesures prises par la nouvelle administration. Traditionnellement menés par l’ Immigration and Customs Enforcement (ICE), l’agence fédérale américaine de contrôle de l’immigration, ces raids s’appuient souvent sur un personnel lourdement armé et du matériel de type militaire.
« En tant qu’éducateurs et éducatrices, nous faisons front commun pour soutenir chaque élève – quels que soient sa langue ou son lieu de naissance – et pour lui assurer l’accès à une école publique sûre et accueillante. Nous restons déterminés à utiliser le pouvoir et la force du plus grand syndicat du pays pour faire en sorte que chaque école publique représente un havre de sécurité pour l’ensemble des élèves, et à défendre le droit de tout élève d’accéder à une éducation publique, qui est un droit garanti par la Constitution », a déclaré Becky Pringle, présidente de la NEA et vice-présidente de l’Internationale de l’Éducation.
Les écoles devraient être des lieux sûrs et accueillants
L’AFT a elle aussi dénoncé ces mesures, dès lors que le fait d’autoriser des services répressifs à opérer des descentes dans les écoles ou dans les hôpitaux et les cliniques traumatise les enfants et les communautés.
« Les écoles et les hôpitaux sont censés être des lieux sûrs et accueillants. Une politique qui autorise les services répressifs à détruire cet environnement est vouée à causer des dommages irréparables, dont les stigmates marqueront à jamais les familles, et pas uniquement celles issues de l’immigration », a écrit Randi Weingarten dans une lettre adressée au Président américain. « Ces mesures sont traumatisantes pour l’ensemble des enfants, en particulier les jeunes, condamnés à vivre dans la peur et à se demander s’ils ou elles en seront les prochaines cibles. Ils ne voudront pas aller à l’école, et comment pourrait-il en être autrement dans un tel sentiment d’insécurité ? C’est de la cruauté. »
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Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle politique, le personnel scolaire a signalé une baisse de la fréquentation scolaire car les parents craignent pour leurs enfants. Même les activités extrascolaires en souffrent, depuis les mises en garde évoquant la probabilité que la police fédérale intervienne même à bord des autobus scolaires pour procéder à des arrestations. En Floride, l’ United Teachers of Dade a récemment dénoncé le traitement réservé à un professeur de sciences arrêté par les autorités de l’immigration puis expulsé malgré un permis de travail en bonne et due forme.
Des militant·e·s ont également signalé des raids de l’ICE sur les terres des tribus amérindiennes, et notamment l’arrestation de plusieurs membres de la nation Navajo, un groupe autochtone dont l’installation sur ces terres remonte aux années 1400.
Privatiser pour les mégariches
En plus des mesures drastiques en matière d’immigration, Trump s’emploie à privatiser l’enseignement public et promouvoir les chèques scolaires (vouchers). Récemment, dans le cadre d’un décret présidentiel, il a ordonné à plusieurs agences fédérales d’accorder la priorité aux écoles privées et confessionnelles et de réorienter les fonds afin de promouvoir des programmes basés sur les chèques scolaires. Le décret a suscité une vive réaction de la part de la NEA et de l’AFT.
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« Au lieu de voler l’argent des contribuables pour financer les écoles privées, nous devrions nous concentrer sur les écoles publiques, qui accueillent 90 % des enfants et 95 % des enfants en situation de handicap en Amérique, et ne pas les priver de ces fonds indispensables. Si nous voulons vraiment agir dans le meilleur intérêt des élèves, réduisons la taille des classes afin de permettre un suivi plus individualisé et augmentons les salaires pour combler les pénuries d’enseignants et enseignantes et de personnel. Le fait est que les chèques scolaires se sont révélés un échec catastrophique partout où ils ont été mis en place », a déclaré Becky Pringle.
Randi Weingarten a ajouté : « Nous savons déjà que les chèques profitent avant tout aux familles aisées dont les enfants fréquentent déjà l’école privée. Ce décret détourne des fonds fédéraux utilisés pour assurer des conditions équitables au profit des enfants des communautés pauvres et défavorisées, et les reverse directement à des opérateurs privés qui n’ont aucun compte à rendre — une réduction d’impôt qui profite aux riches. »
Les dirigeant·e·s syndicaux·ales ont mis en avant le rejet massif, par les électeur∙trice∙s, de l’escroquerie que représente le système de chèques scolaires soutenu par les milliardaires lors des élections de novembre – et ce également dans les États remportés par Trump – alors que plusieurs initiatives de privatisation avaient été mises en échec dans les urnes.
Dicter ce qui devrait être enseigné à l’école
Trump s’en est pris directement à la liberté académique et à l’autonomie des enseignant·es en signant un autre décret présidentiel visant à mettre fin au financement des écoles en fonction de la manière dont elles abordent des questions telles que le racisme systémique, l’esclavage et l’histoire. Le décret entend également pénaliser les écoles qui fournissent des services aux élèves transgenres. Il a été largement dénoncé par les éducateur·trice·s et les organisations de défense des droits humains, décrivant la mesure comme une tentative du Président de dicter ce que « les écoles locales peuvent enseigner et quel type d’élèves peuvent fréquenter nos salles de classe ».
« Au lieu de tirer les élèves vers le haut, Trump et ses alliés s’efforcent sans vergogne de restreindre la liberté d’enseigner des éducateurs et éducatrices et la liberté d’apprendre des élèves, tout en sanctionnant les professionnels et professionnelles de l’éducation qui s’emploient à faire de l’école un havre de sécurité auquel chaque élève a le sentiment d’appartenir – indépendamment de son identité de genre ou de sa race », a dénoncé Becky Pringle.
La science et la recherche attaquées
Une autre attaque contre la liberté académique émane d’un décret présidentiel visant à geler plusieurs milliards de dollars au profit de la recherche, dont une grande partie sert à financer des programmes scientifiques et des établissements d’enseignement supérieur. L’un des organismes touchés par cette mesure, le National Institutes of Health (NIH), finance plus de 300.000 chercheur∙euse∙s dans plus de 2.500 universités et autres établissements de recherche.
Le tollé a été tel que la mesure a été en partie modifiée, mais la menace reste présente.
« Ces gels de financement ne sont pas seulement une attaque contre les personnes qui travaillent dans ces laboratoires universitaires. Ils nuisent aussi très concrètement au public — c’est-à-dire à nous tous et toutes. Il s’agit d’une attaque sans précédent contre la santé publique et contre l’intégrité et l’indépendance de la recherche universitaire », a déclaré Andy Weingarten lors d’une récente conférence sur le thème de la liberté académique organisée par l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU) et l’Internationale de l’Éducation.
Et d’ajouter : « Malheureusement, dans le contexte d’intolérance actuel, nous avons également besoin de la liberté académique pour enseigner l’histoire avec sincérité, pour défendre les vérités scientifiques établies et pour lutter contre l’exclusion et la discrimination à l’égard des communautés marginalisées ».
Abolir le ministère de l’Éducation
L’abolition du ministère de l’Éducation et des services vitaux assurés par cette institution représente un objectif de première priorité pour Trump. Bien qu’il n’ait pas encore signé de décret à cet égard, il a indiqué publiquement que telle était son intention.
Le ministère de l’Éducation a été créé par le Congrès américain, et un décret présidentiel ne suffira pas à le démanteler. L’AFT et la NEA se préparent déjà à contester son plan, en mettant en lumière l’incidence négative sur l’éducation. Le démantèlement de cet organisme fédéral affecterait principalement les étudiant·e·s aux revenus modestes, celles et ceux qui ont besoin de financements pour poursuivre leurs études supérieures ou encore les élèves en situation de handicap.
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Lors d’une récente démonstration d’autoritarisme, plusieurs membres du Congrès démocrates se sont vu refuser l’accès au ministère de l’Éducation pour demander la convocation d’une réunion. Des gardes armés ont été appelés pour les empêcher d’entrer dans le bâtiment public abritant le ministère.
Éducation et résistance
En dépit de ces attaques, à l’évidence sans fin, les deux syndicats se sont engagés à affronter l’avalanche de mesures autoritaires, discriminatoires et chaotiques et à défendre les étudiant·e·s, les enseignant·e·s et les valeurs de l’École publique.
« Les éducateurs et éducatrices ne resteront pas sans réagir face aux responsables politiques opposés à l’enseignement public qui tentent de voler des opportunités à nos étudiants et étudiantes, à nos familles ainsi qu’à nos communautés dans toute l’Amérique », a déclaré Pringle. « Aux côtés des parents et de nos alliés, nous poursuivrons nos efforts d’organisation, de plaidoyer et de mobilisation pour permettre à chaque élève d’évoluer dans une école suffisamment dotée en ressources et ainsi de progresser en révélant tout son éclat. »
Et d’ajouter : « Nous allons poursuivre ce combat, aux côtés d’alliés comme nos partenaires de l’Internationale de l’Éducation, parce qu’il est au cœur même de notre identité en tant que syndicat et de la préservation de la démocratie. »