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Asie du Sud-Est : les stratégies des syndicats de l’éducation pour poursuivre la campagne « La force du public : ensemble on fait école ! »

Publié 11 mars 2025 Mis à jour 18 mars 2025

Les organisations membres de l’Internationale de l’Éducation (IE) en Indonésie, au Cambodge, à Singapour, en Malaisie et aux Philippines se sont réunies à Bangkok le 7 mars pour discuter et planifier la prochaine phase de la campagne « La force du public : ensemble on fait école ! » dans leurs pays respectifs ainsi qu’au sein de la région.

Les Recommandations des Nations Unies pour une profession enseignante forte et résiliente ont figuré en bonne place dans les débats, apparaissant comme un outil essentiel de plaidoyer syndical, et les participant·e·s ont fait part des stratégies retenues dans leurs contextes respectifs pour encourager la mise en œuvre de ces recommandations.

Dans son allocution d’ouverture, le président du Comité régional Asie-Pacifique de l’Internationale de l’Éducation Tsukasa Takimoto a encouragé les syndicats à continuer d’utiliser les Recommandations des Nations Unies dans le cadre de leur plaidoyer en faveur de conditions de travail décentes et pour mettre fin à la pénurie d’enseignant·e·s dans la région.

David Edwards, secrétaire général de l’Internationale de l’Éducation, a salué le fait que les organisations membres de l’IE aient pris les rênes de la campagne « La force du public ». Il a également mis en lumière le soutien continu de l’IE à ses organisations membres ainsi que son plaidoyer soutenu en faveur de l’enseignement public et de la profession enseignante aux niveaux régional et mondial.

Oktavianto Pasaribu, directeur adjoint du Bureau de pays de l’Organisation internationale du Travail (OIT) pour la Thaïlande, le Cambodge et la République démocratique populaire lao, a exprimé le soutien de l’OIT aux efforts déployés par les syndicats pour assurer la mise en œuvre des Recommandations des Nations Unies. Le représentant de l’OIT a souligné l’importance du dialogue social et politique, la nécessité d’investir dans le développement professionnel continu pour donner aux enseignant·e·s et aux éducateur·trice·s la possibilité d’acquérir de nouvelles compétences à l’ère numérique, et le besoin impératif d’augmenter le financement de l’enseignement public par l’État. « La campagne ‘La force du public : ensemble on fait école !’ représente un mouvement suffisamment puissant pour apporter des changements systémiques dans le domaine de l’éducation. Le corps enseignant est l’épine dorsale de notre système éducatif – investir dans les enseignants et enseignantes et les éducateurs et éducatrices, c’est investir dans l’avenir de la société », a conclu Oktavianto Pasaribu.

Relever les défis majeurs auxquels la profession est confrontée en Asie du Sud-Est

Cambodge : nouer des alliances pour enrayer la pénurie d’enseignant·e·s

Le syndicat cambodgien National Educators’ Association for Development (Association nationale des éducateurs et éducatrices pour le développement – NEAD) a signalé de graves pénuries d’enseignant·e·s dans le pays et des efforts sont en cours pour établir des politiques plus claires en faveur du personnel contractuel. La NEAD s’emploie activement à remédier à cette pénurie en dialoguant avec les responsables d’établissements, les communautés et le ministère de l’Éducation en vue d’améliorer la condition de la profession enseignante.

En 2025, la NEAD prévoit de renforcer la coopération avec diverses institutions nationales et de plaider en faveur d’une politique de protection des droits et du bien-être mental de la profession.

Indonésie : des victoires syndicales significatives et une action militante déterminée

Dans le cadre de sa mobilisation en faveur de la campagne « La force du public : ensemble on fait école ! », la Persatuan Guru Republik Indonesia (Association des enseignants et enseignantes de la République d’Indonésie – PGRI) a obtenu la promotion de 1.009.920 enseignant·e·s contractuel·le·s au statut d’enseignant·e·s PPPK (fonctionnaires travaillant sur la base de contrats de travail) entre 2021 et 2024.

En outre, la PGRI a milité avec succès pour la participation de 580.000 enseignant·e·s à des programmes de formation professionnelle visant leur certification. Dans ce contexte, les éducateur·trice·s ont bénéficié du soutien du syndicat qui leur a assuré une formation en vue de leur examen de certification. L’Indonésie compte 1.932.666 enseignant·e·s certifié·e·s, mais 806.486 éducateur·trice·s n’ont encore aucune certification.

En 2025, la PGRI continuera de militer en faveur d’une allocation budgétaire de 20 % en faveur de l’éducation, comme le prévoit la constitution indonésienne. La PGRI s’assurera également de l’utilisation effective de l’enveloppe budgétaire aux fins d’améliorer le bien-être et les compétences de la profession enseignante, l’infrastructure scolaire et l’apprentissage des élèves.

Le syndicat est déterminé à assurer la continuité de la campagne sur le long terme et à consolider sa position de défenseur de longue date du financement durable de l’éducation et des réformes politiques. Au cours de la prochaine phase de campagne, la PGRI se concentrera sur l’expansion de la campagne « La force du public » au niveau régional, en élaborant des plans d’action spécifiques à la région, axés sur les défis locaux.

Malaisie : renforcer les syndicats pour instaurer un changement systémique

Le Malaysian Academic Movement (Mouvement universitaire malaisien – MOVE) a souligné les défis auxquels se heurte le secteur de l’enseignement supérieur, en mettant en exergue les questions d’ingérence politique et de gouvernance, y compris la suppression chronique de la liberté académique à travers l’interdiction de certains livres et les restrictions imposées aux débats étudiants. La corruption et le clientélisme influencent les nominations à l’université, privant les universitaires de leurs droits. Le syndicat s’emploie à recruter un plus grand nombre de membres et continue de plaider pour des réformes politiques, l’intégrité académique et la transparence financière. MOVE dénonce également l’utilisation abusive des subventions à la recherche et la corruption institutionnelle.

Le National Union of the Teaching Profession (Syndicat national de la profession enseignante – NUTP) et le Sarawak Teachers Union (Syndicat des enseignants et enseignantes du Sarawak – STU) s’emploient quant à eux à renforcer la représentation et la participation de la profession enseignante et proposent des formations au leadership.

Philippines : devant la grave pénurie d’enseignant·e·s, la nécessité d’améliorer les conditions de travail est implacable

Aux Philippines, le système éducatif est en proie à une crise profonde, caractérisée par d’importantes pénuries d’enseignant·e·s, une mauvaise utilisation du budget et un taux élevé d’abandon scolaire dans l’enseignement supérieur.

Entre 2018 et 2022, 35 % à peine du budget alloué au matériel didactique a effectivement été utilisé, ce qui témoigne d’un manque d’efficacité en matière d’exécution budgétaire. En outre, 43.014 postes d’enseignant·e·s restent vacants. On estime que 86.000 enseignant·e·s supplémentaires sont nécessaires pour permettre un ratio élèves/enseignant·e de 1:30. Le taux de réussite déplorable aux examens ouvrant droit à exercer la profession (33 % pour l’enseignement primaire, 40 % pour l’enseignement secondaire) ajoute encore à la crise.

Les membres de l’Internationale de l’Éducation aux Philippines continuent de faire pression pour une revalorisation des salaires, une amélioration des conditions de travail et des droits de négociation collective, tout en abordant les questions de migration des enseignant·e·s.

Singapour : face à des exigences professionnelles croissantes, le syndicat accompagne les enseignant·e·s

Le Singapore Teachers’ Union (Syndicat des enseignants et enseignante de Singapour – STU) met l’accent sur une plus grande transparence dans l’évaluation de la profession enseignante, des modalités de travail flexibles et un soutien au développement professionnel. Le STU propose des services d’accompagnement professionnel, de conseil juridique et de conseil en santé mentale pour soutenir les enseignant·e·s dans un métier de plus en plus exigeant.

Informations et stratégies de campagne émanant de collègues de la région élargie

Des syndicalistes de Mongolie et du Népal ont partagé les stratégies fructueuses mises en application dans le cadre de la campagne « La force du public : ensemble on fait école ! » au sein de leurs pays.

Mongolie : renforcer le syndicat, la profession et l’enseignement public

La Federation of Mongolian Education and Science Unions (Fédération des syndicats mongols de l’éducation et de la science – FMESU) peut se prévaloir d’avancées significatives en faveur de la profession enseignante et de l’éducation, grâce à une stratégie axée sur le renforcement des capacités, le plaidoyer et l’application de la convention collective. Rien qu’en 2024, la FMESU a organisé 33 activités de plaidoyer et de diffusion dans le cadre de la campagne « La force du public : ensemble on fait école ! », qui ont impliqué 14.000 syndicalistes dans la capitale et au niveau régional.

Les efforts de mobilisation et d’organisation du syndicat ont abouti à d’importantes victoires, notamment des revalorisations salariales de 15 à 30 %, une amélioration des repas pour les enfants d’âge préscolaire, une augmentation de l’indemnité de repas pour la profession enseignante et un soutien financier accru au profit des universités publiques.

Grâce à la campagne, le syndicat a également vu le nombre de ses membres augmenter de 20 %, renforçant ainsi sa position dans les négociations avec le gouvernement.

Népal : une campagne syndicale rallie le soutien du public en faveur des enseignant·e·s

Actuellement, le Népal manque de plus de 65.000 enseignant·e·s, en particulier aux premier et second cycles de l’enseignement secondaire. De plus, 12,6 % des postes permanents sont pourvus par du personnel intérimaire, ce qui indique un taux de postes vacants important.

Sous la bannière « La force du public : ensemble on fait école ! », les organisations membres de l’IE dans le pays appellent le gouvernement à garantir des salaires compétitifs à la profession enseignante afin d’améliorer le recrutement et la rétention, ce qui rendra la profession plus attrayante et plus gratifiante.

En renforçant leurs capacités de campagne, en faisant pression sur les partis politiques, en dialoguant avec les médias et en développant la campagne au niveau local, les syndicats ont sensibilisé à la pénurie d’enseignant·e·s, rallié un soutien accru du public à leur cause et progressé de manière significative dans leurs négociations avec les autorités fédérales et locales.

« La force du public : ensemble on fait école ! » : la campagne en 2025

Dix syndicats de 5 pays de la sous-région de l’ASEAN ont débattu de leurs plans de campagne pour 2025. Bon nombre concentrent leurs efforts sur l’augmentation du financement de l’éducation, l’élargissement de l’offre de possibilités de perfectionnement professionnel continu, la garantie de conditions de travail décentes et le renforcement de la négociation collective. Les syndicats aspirent également à mettre en œuvre la Recommandation no 48 du Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la profession enseignante qui met l’accent sur un dialogue social et politique fort et continu dans le secteur.

« Face à une pénurie de 4,5 millions d’enseignants et enseignantes, l’avenir des enfants dans les pays de l’ASEAN est menacé. Il ne s’agit pas simplement d’un déficit de personnel, mais d’une crise de potentiel non réalisé, nécessitant un investissement public urgent et substantiel », a fait observer Anand Singh, directeur régional pour l’Asie-Pacifique de l’Internationale de l’Éducation, en soulignant le besoin critique d’accroître le financement public de l’enseignement dans l’ensemble de l’Asie du Sud-Est et le fait que chaque jour d’inaction ne fait qu’aggraver les inégalités en matière d’éducation. Il a ajouté que la campagne « La force du public : ensemble on fait école ! » n’est pas seulement un appel à l’action à l’endroit des gouvernements, il s’agit aussi d’un mouvement porté par les syndicats de l’éducation afin de renforcer l’enseignement public et la profession enseignante dans l’intérêt de l’ensemble des étudiant·e·s et des communautés de la région.