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Mondes de l'éducation

Discrimination fondée sur les cheveux et préjugés culturels dans l'éducation en Afrique du Sud

Publié 21 mars 2025 Mis à jour 24 mars 2025
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En tant que jeune fille sud-africaine, j'ai été confrontée à des formes de discrimination fondée sur les cheveux à l'école et dans ma communauté. J'ai fréquenté des écoles africaines où enseignaient des personnels africains. Ces derniers nous déconseillaient de porter les cheveux longs, sous prétexte qu'ils n'avaient pas l'air « propres », et ils nous obligeaient à les garder courts ou à les tresser. Nous utilisions alors des crèmes lissantes et des teintures contenant de nombreux produits chimiques pour modifier l'aspect naturel de nos cheveux, ce qui nous exposait à des lésions cutanées sur le cuir chevelu. J'ai également eu des boutons sur le front pendant ma jeunesse. Lorsque j'ai commencé à travailler, j'ai consulté un médecin pour mon problème de peau, et il m'a conseillé d'arrêter immédiatement d'utiliser des produits chimiques pour mes cheveux. Ce n'est qu'après avoir suivi les conseils de ce médecin que je n'ai plus eu de problèmes de peau ou de cuir chevelu.

La discrimination fondée sur les cheveux (ou discrimination capillaire) est une histoire vieille comme le monde en Afrique du Sud, notamment avec l'inimaginable test du crayon largement utilisé pendant l'apartheid. Grâce à la popularité et à l'accessibilité croissantes des réseaux sociaux et d'autres formes de médias, la discrimination capillaire a fait beaucoup plus souvent les grands titres ces derniers temps, plaçant la question sur le devant de la scène. Le présent article se propose de donner au lecteur un aperçu de la discrimination capillaire et des préjugés culturels dans le système éducatif sud-africain, et de formuler quelques recommandations sur la manière d'y remédier.

Incidents de discrimination capillaire en Afrique du Sud

Les médias se sont fait l'écho de plusieurs exemples de discrimination fondée sur les cheveux, notamment à la Pretoria High School for Girls (PHSG), où des élèves noires ont protesté contre la politique capillaire de l'établissement, qu'elles considéraient comme discriminatoire à l'égard de coiffures naturelles telles que la coiffure afro. En 2016, cet incident a déclenché un débat national sur la discrimination capillaire dans les écoles, avec le hashtag #StopRacismAtPretoriaGirlsHigh utilisé plus de 150 000 fois sur X, anciennement connu sous le nom de Twitter. Une pétition demandant la fin de la discrimination capillaire a recueilli plus de 30 000 signatures. Les membres du Conseil exécutif de l'éducation ont ouvert une enquête sur l'école et ont conclu que les allégations des apprenantes étaient fondées. En conséquence, les recommandations suivantes ont été formulées :

  • des mesures devaient prises à l'encontre des personnels enseignants responsables ;
  • le code de conduite de l'école devait être revu et 
  • l'école devait mettre en place des programmes de formation à la diversité et de sensibilisation culturelle.

D'autres exemples de discrimination capillaire ont été constatés à la Sans Souci Girls’ High School, au Cap : l'école a été accusée de pratiques discriminatoires à l'encontre d'étudiantes noires au sujet de leur coiffure et de leur usage de la langue. Un autre établissement prestigieux, St. Michael's à Bloemfontein, n'a pu éviter le scandale lorsqu'un parent en colère a posté des photos de filles noires alignées pour tester leur propreté : ces élèves étaient contraintes de mettre leurs cheveux dans un bonnet de bain ou une coiffe d'école pour respecter le code de l'uniforme. Enfin, à la Crowthorne Christian Academy de Midrand, en 2023, une élève a été renvoyée pour avoir porté des dreadlocks. Cet incident a suscité un vif débat et soulevé de nombreuses critiques, qui ont conduit à des discussions sur la légalité et l'équité de telles politiques scolaires.

À la suite de ces incidents, le ministère de l'Education fondamentale a déclaré qu'une révision complète, déjà entamée, de la législation nationale en matière d'éducation contribuerait à garantir que les enfants ne fassent pas l'objet d'une discrimination à l'école.

La discrimination dans le nouveau régime démocratique en Afrique du Sud

Le nouveau régime démocratique en Afrique du Sud est fondé sur le droit constitutionnel, avec un ancrage spécifique de l'État de droit dans ses dispositions fondatrices. Ainsi, la Constitution de la République d'Afrique du Sud [1] est la loi suprême du pays et, par conséquent, aucune loi ne peut être contraire à ses dispositions. [2]

Les tribunaux sont habilités à contrôler et à interpréter la législation afin qu'elle ne contienne pas de dispositions incompatibles avec la Constitution. En cas d'incompatibilité, la loi peut être partiellement ou totalement abrogée ou remplacée conformément à la loi sud-africaine sur l'interprétation des lois. [3] Le chapitre 2 de la Constitution, intitulé « Déclaration des droits », insiste à plusieurs reprises sur les notions de dignité humaine, d'égalité et de liberté. [4] Ce chapitre énumère l'ensemble des droits de première, deuxième et troisième génération protégés par la Constitution, ainsi que leur clause limitative. [5]

À côté de la Constitution, la loi sur l'école et la loi sur la promotion de l'égalité et la prévention des discriminations (PEPUDA) visent à garantir que le code de conduite d'une école inclut la reconnaissance des croyances culturelles et religieuses, notamment en ce qui concerne les coiffures. [6] L'identité, la conscience de soi et la dignité humaine d'une personne sont fortement influencées par ses traditions culturelles. [7] La discrimination culturelle est interdite dans les écoles, et si une coiffure peut être considérée comme une pratique culturelle, un code de conduite qui l'interdit ou qui ne l'autorise pas est donc discriminatoire. [8] Dans les cas de ce type de discrimination, l'école doit démontrer son caractère équitable, [9] conformément au critère de la clause de limitation.

Il est également important de relever que les femmes et les filles sont davantage susceptibles d'être la cible d'une discrimination capillaire. Le 10e Congrès mondial de l'Internationale de l'éducation a fixé comme objectif le maintien des filles à l'école. La discrimination capillaire, associée à d'autres facteurs, tels que la honte ou la discrimination causées par une grossesse ou des cycles menstruels, créera un environnement qui ne sera pas propice à l'apprentissage et qui incitera un plus grand nombre de jeunes filles à quitter l'école.

La voie à suivre et les mesures à prendre

Ces incidents soulignent la persistance des défis à relever et la nécessité de mettre en place des politiques scolaires inclusives et respectueuses. L'atteinte à la liberté religieuse et culturelle d'une personne, qui joue un rôle essentiel dans la dignité, l'identité et l'autonomie d'un individu, ne peut être prise à la légère. Il est donc temps que les écoles reconsidèrent, redéfinissent, réimaginent et redynamisent leurs codes de conduite et évaluent honnêtement si ces codes reflètent l'esprit de la nation arc-en-ciel que l'Afrique du Sud aspire à devenir.

1. ^

Ci-après dénommée « la Constitution ».

2. ^

S 8(1) de la Constitution de la République d'Afrique du Sud, 1996 (ci-après « la Constitution »). Pour une discussion sur l'application horizontale des droits, voir Chirwa “The Horizontal Application of Constitutional Rights in a Comparative Perspective” 2006 10 Law, Democracy and Development 21 37−45.

3. ^

Loi 33 de1957.

4. ^

Waal, J.D., Currie, I. et Erasmus, G. (1999) The bill of rights handbook. 6th ed. Lansdowne, South Africa: Juta Legal and Academic.

5. ^

L'article 36 de la Constitution, tel qu'il est inclus dans la Déclaration des droits, est décrit comme la « clause de limitation ». Cette clause permet de limiter certaines dispositions de la Constitution. Dans l'affaire Harksen contre Lane, la Cour constitutionnelle a fourni un critère permettant de déterminer si une limitation était injuste, ce qui impliquait une évaluation de l'objectif et de l'effet de la disposition en question et une détermination de la proportionnalité de ladite disposition par rapport à la portée de l'atteinte à l'égalité.

6. ^

Osman, F. et Wilké, J. (2018) “Dress codes in schools: A tale of headscarves and hairstyles,” Obiter, 39(3). Disponible à l’adresse : https://doi.org/10.17159/obiter.v39i3.11318.

7. ^

Ibid.

8. ^

Ibid.

9. ^

Ibid.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.