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Mondes de l'éducation

Soutenir les personnels en situation de handicap : l’engagement du syndicat japonais JTU pour une éducation inclusive

Publié 28 mars 2025 Mis à jour 28 mars 2025
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L’île d’Oshima, où je travaille, a une circonférence d’environ 15 km et une population d’environ 700 personnes. Pour s’y rendre depuis le port de Fukuoka, il faut prendre un ferry pendant 25 minutes. Encerclée par la mer, l’île est dotée d’importantes ressources marines et d’une industrie de la pêche florissante. L’école d’Oshima où j’enseigne les arts, comprend les cycles primaire et secondaire. Il s’agit d’un petit établissement scolaire qui accueille 37 élèves de la première à la neuvième année. J’emmène les enfants au bord de la mer, pour y peindre les bateaux, ou dans un temple en haut de la montagne pour y dessiner les poulets élevés en plein air. Associant les enseignements d’économie domestique, nous réalisons aussi des happis, des manteaux traditionnels japonais à manches droites, à l’occasion du festival Yamakasa. En cours d’économie domestique, les élèves créent la forme tandis qu’en arts plastiques, ils dessinent de beaux motifs pour rendre leur happi unique. Tous les projets artistiques tels que celui-ci permettent aux enfants d’exprimer leur amour de l’île.

À l’âge de 37 ans, j’ai été victime d’une paralysie latéral gauche à la suite d’un accident vasculaire cérébral. Quand je suis retournée au travail, tout le monde, à l’exception de ma famille, a désapprouvé cette décision. Cependant, chaque fois que je me demandais s’il serait douloureux de reprendre mon activité, je sentais que je penchais légèrement en faveur d’un retour à mon métier que j’aime tant. J’ai aussi pris conscience que la direction de l’école, qui affirmait que cela serait impossible, ne comprenait pas réellement ce qui serait impossible puisque moi-même je ne connaissais pas mes propres limites. J’ai donc décidé de reprendre le chemin du travail, quitte à démissionner plus tard si je n’y arrivais pas. Il me semblait que j’aurais regretté d’abandonner a priori. Comme je souffrais d’aphasie au début, j’ai suivi des cours de langue et effectué des exercices. Avec le recul, je suis heureuse de ne pas avoir baissé les bras à ce moment-là et je suis reconnaissante envers le syndicat japonais des enseignantes et des enseignants, le Japan Teachers’ Union (JTU), pour son soutien tout au long de mon parcours professionnel en tant qu’enseignante en situation de handicap.

En 2013, le JTU a mis en place un réseau des personnels en situation de handicap. Treize années plus tard, le réseau dispose d’un comité directeur composé de cinq membres : quatre membres du secrétariat du JTU qui appuient notre travail, et moi-même. Nous nous réunissons trois fois par an pour préparer la conférence nationale annuelle du réseau, qui se tient chaque mois de novembre.

Notre réseau offre trois avantages. Premièrement, les conférences nationales constituent un moyen puissant de renforcer nos capacités. Lors de la dernière rencontre, par exemple, nous avons pu bénéficier d’un exposé portant sur les recherches concernant les difficultés auxquelles les personnels de l’éducation en situation de handicap doivent faire face, nous avons pris connaissance des obligations légales en matière de taux d’emploi des personnes en situation de handicap et nous avons entendu des témoignages encourageants, tels que celui d’une personne atteinte de déficience visuelle, qui a obtenu un diplôme et fait une carrière dans la recherche, ou ceux d’autres personnes qui ont réussi à surmonter toutes sortes d’obstacles liés au handicap. Ces témoignages ont été utiles, informatifs et inspirants.

Deuxièmement, le réseau offre un espace où les personnels éducatifs en situation de handicap de tout le pays peuvent se retrouver, communiquer des informations à l’échelle régionale et faire part de leurs difficultés mais aussi de leurs joies. Cet espace nous permet de sentir que nous ne sommes pas seul·es, de renforcer les solidarités et de nous soutenir mutuellement.

Enfin, le réseau est un interlocuteur du ministère de l’Éducation. Il est très important pour nous d’avoir l’occasion d’expliquer au ministère à quels obstacles les personnels éducatifs en situation de handicap se heurtent et quelles améliorations pourraient être apportées au matériel. Nouveauté prometteuse : le réseau accueille désormais les personnes souffrant de troubles mentaux, ce qui assure une plus grande diversité.

Les évolutions constatées aux niveaux politique et institutionnel sont également porteuses d’espoir. C’est le cas notamment des importantes recommandations du Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la profession enseignante. D’après la recommandation 10, « les gouvernements devraient élaborer des politiques et des mesures en vue de promouvoir l’équité, la diversité et l’inclusion au sein du corps enseignant, en particulier pour les groupes vulnérables et marginalisés, en commençant par une planification des effectifs ». C’est exactement ce que nous réclamons auprès des autorités publiques. La recommandation 16, quant à elle, prévoit que « dans le cadre de la transformation de l’éducation, les sources de l’identité, de la dignité et du respect des enseignants doivent également changer. Les enseignants ne sont plus les seuls vecteurs de savoir, mais ils ont désormais pour rôle essentiel de guider les apprenants tout au long du processus de découverte de soi en promouvant un apprentissage inclusif, effectif et pertinent ». Nos écoles accueillent nombres d’élèves en situation de handicap. Il parait donc pertinent que des personnels éducatifs en situation de handicap soient présents dans les écoles au côté de ces élèves. Compte tenu du travail important mené par le JTU, je suis heureuse de voir que de multiples autres recommandations soulignent le rôle majeur que les syndicats enseignants jouent en faveur d’une éducation inclusive de qualité.

J’aimerais que davantage de personnes aient connaissance des activités que les réseaux syndicaux tels que celui du JTU entreprennent pour les personnels enseignants en situation de handicap. Avec le secrétariat du JTU, je continuerai d’œuvrer de manière à renforcer notre réseau pour rendre la société plus accessible et plus inclusive, afin que les personnes en situation de handicap puissent exercer un métier et que les enfants en situation de handicap puissent apprendre et s’épanouir.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.