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L’Internationale de l’Éducation réclame la réforme du droit d’auteur pour l’éducation et la recherche

Publié 15 avril 2025 Mis à jour 28 avril 2025

La 46e session du Comité permanent du droit d’auteur et des droits connexes (SCCR) de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) s'est achevée sur de médiocres progrès concernant un sujet d'une importance capitale : les exceptions et les limitations pour l'éducation et la recherche.

L'OMPI est l'agence spécialisée des Nations unies responsable de la protection de la propriété intellectuelle dans le monde par le biais de la coopération entre les États membres et de l'administration des traités internationaux. L'Internationale de l'Éducation (IE) poursuit le plaidoyer qu'elle a initié depuis longtemps en faveur d'un instrument juridique international qui garantirait aux éducateur·rice·s et aux chercheur·euse·s le droit à un accès équitable à des documents protégés par le droit d’auteur et à leur usage dans le cadre de leur travail, une condition essentielle du droit à l'éducation et à la liberté académique.

Malgré les efforts acharnés de la présidence cette année, Vanessa Cohen Jimenez, Costa Rica, pour parvenir à un consensus au sein du SCCR, de profondes divisions entre les États membres les ont empêché de s’entendre sur les prochaines étapes pourtant déterminantes. Même si tous les États membres ont déjà accepté en 2023 un programme de travail proposé par le groupe des pays africains pour réaliser le mandat de 2012 de l’OMPI : travailler à un instrument juridique international approprié sur les limitations et exceptions pour l’éducation, la recherche, les bibliothèques, les archives et les musées.

Alors que la réticence de nombreux pays industrialisés à œuvrer à l'élaboration d'un traité contraignant est inébranlable, il semble toutefois y avoir une volonté croissante d'au moins entamer des discussions sur les objectifs, les principes et d'autres options non contraignantes, pour commencer. Cependant, ce petit progrès n'a pas suffi pour que les pays en développement tout comme les pays industrialisés parviennent à un consensus sur la manière d'aller de l'avant. Par conséquent, toute avancée significative a été bloquée, et aucun accord n'a été trouvé, même sur les mesures les plus élémentaires à prendre.

« Les lois sur les droits d'auteur doivent servir le bien public, pas les intérêts des entreprises », a déclaré Mugwena Maluleke, le président de l'Internationale de l'Éducation. « Nous avons besoin de cadres juridiques qui reconnaissent l'éducation comme un droit humain et qui permettent aux enseignants et aux étudiants d'accéder aux connaissances, de les partager et de les développer sans crainte ni obstacle. Les gouvernements doivent agir dès à présent pour aligner les droits d'auteur sur les réalités de l'apprentissage au XXIe siècle. »

L'usage équitable est un droit de l'enseignement

Au cours de la semaine, l'IE et la Coalition pour l’accès au savoir (Access to Knowledge - A2K) ont rappelé aux gouvernements que le temps des débats de procédure était terminé. On a maintenant besoin de progrès sûrs, pas de procédure. Les gouvernements doivent aller au-delà de la réaffirmation de leurs positions et débuter un travail de rédaction concret qui reflète le mandat de 2012 et le plan de mise en œuvre déjà adopté lors de la 43e session du SCCR (SCCR 43).

En tant que membre de la délégation de l'IE, Miriam Socolovsky, du CONADU (Argentine), s'est également adressée au Comité, avertissant que les restrictions en matière de droits d'auteur contribuent directement à la précarité des enseignant·e·s et à l'affaiblissement du droit à l'éducation :

« Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une pénurie de 44 millions d'enseignants – une crise qui est bien plus qu'un simple chiffre et qui est le résultat des conditions dans lesquelles nous travaillons », a déclaré Mme Socolovsky. « L'absence de limitations et d'exceptions obligatoires au droit d'auteur fait partie du problème. Elle crée des barrières juridiques et financières à la préparation du matériel pédagogique dont nous avons besoin pour enseigner à divers groupes d'apprenants, dans des contextes qui évoluent rapidement, et elle aggrave la précarité de notre environnement de travail. »

Mme Socolovsky a appelé les gouvernements à démarrer le travail intersessions qui a déjà été convenu et à avancer en utilisant les textes déjà sur la table. « Nous avons besoin de toute urgence d'un cadre juridique qui favorise la dignité et la sécurité des conditions de travail et qui garantisse le droit à l'éducation en tant que bien public », a-t-elle conclu.

Ne coupez pas le signal : le traité sur la radiodiffusion menace l'accès aux savoirs

Le projet de traité de l'OMPI sur la radiodiffusion a également prédominé dans les discussions de la SCCR 46. Destiné à l'origine à protéger les signaux de radiodiffusion traditionnels, son champ d'application s'est étendu aux plateformes numériques, telles que les services de diffusion sur le web et les plateormes comme YouTube. Bien que des améliorations mineures aient été apportées au texte du traité, l'IE reste profondément préoccupée par l'absence d’exceptions obligatoires pour l'éducation et la recherche.

L'IE a exprimé sa forte opposition à un traité qui risque de « couper le signal » pour les enseignant·e·s et les élèves. Si des garanties appropriées font défaut, le traité pourrait restreindre considérablement l'utilisation de matériel télévisuel enregistré ou en direct ou de contenus éducatifs diffusés en ligne, dans les écoles et les établissements universitaires.

Grace Nyongesa, de l'Universities Academic Staff Union (UASU) au Kenya, a délivré un message clair et percutant au nom de l’IE. Elle a souligné le rôle vital du matériel radiodiffusé et télédiffusé dans l’enseignement, en particulier dans les contextes en crise et manquant de ressources : « La télédiffusion reste un outil essentiel pour l'éducation en périodes difficiles, comme la pandémie de Covid-19 et la crise climatique actuelle », a-t-elle déclaré. « Nous vous demandons instamment de reconnaître l'éducation comme un droit humain et un bien public et de garantir la liberté académique des enseignants d'utiliser ces documents en prévoyant des exceptions obligatoires dans ce projet de texte. »

L’IE reste profondément inquiète de voir le temps démesurément consacré au traité sur la radiodiffusion détourner l'attention de l'engagement de longue date du SCCR à développer un cadre international sur les exceptions et les limitations pour l'éducation et la recherche. Les délégués ont refusé de déplacer le traité vers une conférence diplomatique, et les débats devraient se poursuivre lors de la prochaine session en décembre 2025.

L’IA et le droit d'auteur : une nouvelle frontière

Le comité a également tenu de vastes discussions sur l'intelligence artificielle (IA), signalant les défis juridiques et politiques complexes posés par le contenu généré par l'IA et les données d'entraînement. Les gouvernements doivent jongler avec leur volonté d'encourager l'innovation et la nécessité de veiller à ce que les créateurs reçoivent une juste rémunération et que les grandes entreprises technologiques soient tenues responsables de la manière dont elles utilisent les œuvres protégées par le droit d'auteur, ainsi qu'avec le besoin de garantir des exceptions et des limitations adéquates pour les activités d'intérêt public.

L'IE a mis en évidence le fait que tout cadre réglementaire doit protéger l'intérêt public et préserver le rôle des éducateur·rice·s dans la navigation à travers les nouvelles technologies et leur application dans les salles de classe.

Supprimer les obstacles juridiques à l'apprentissage

La présence de l'IE au SCCR est motivée par son combat pour assurer un système de droits d'auteur juste et équilibré, qui permette aux enseignant·e·s de dispenser un enseignement inclusif et de qualité et aux chercheurs de se lancer dans la production de savoirs sans incertitude juridique.

Cet engagement respecte l'esprit de la campagne mondiale de l'IE, La force du public : ensemble on fait école, qui exhorte les gouvements et les institutions internationales à investir dans le corps enseignant et dans l'enseignement public. Le manque de clarté juridique en matière de droits d'auteur s'inscrit dans une crise plus large qui a entraîné un sous-investissement, une pénurie d'enseignant·e·s et des atteintes croissantes au droit à l'éducation.

Alors que le Comité se prépare à se réunir à nouveau en décembre 2025, l’IE continue d’appeler les gouvernements à donner la priorité à l’intérêt public et à revenir à la table des négociations avec la volonté politique de faire de réels progrès sur l'élaboration d'un instrument international pour les exceptions et limitations dans le domaine de l'éducation et de la recherche.

Pour en savoir davantage sur le travail de l'IE sur l'éducation, la recherche et les droits d'auteur, consultez cette page