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Mondes de l'éducation

Image from https://www.labor4sustainability.org/
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Pour des écoles plus vertes : Comment les syndicats prennent les devants en matière de justice climatique aux États-Unis

Publié 21 avril 2025 Mis à jour 22 avril 2025
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Le changement climatique est un problème urgent à l’échelle mondiale. Cependant, arriver à un consensus international concernant les mesures à mettre en œuvre reste un défi de taille. Aux États-Unis, la politique climatique est souvent dictée par le parti au pouvoir au niveau fédéral, n’amenant que peu d’avancées cohérentes. Compte tenu du contexte politique actuel, il est peu probable que des mesures significatives soient prises au niveau fédéral pour lutter contre le changement climatique.

Conclusion, les mesures importantes sont de plus en plus souvent prises aux niveaux local et étatique, où les politiques peuvent être implantées plus efficacement. En particulier, les syndicats deviennent des acteurs essentiels dans la lutte contre le changement climatique, faisant valoir leur pouvoir collectif pour promouvoir un avenir plus vert et plus résilient.

Alors que le changement climatique, conséquence de l’activité humaine, engendre une recrudescence des phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les vagues de chaleur, les épisodes de sécheresse, les inondations ou les feux de forêt, les impacts se font ressentir dans les écoles publiques. Expert du travail et des questions climatiques, Todd Vachon, directeur du réseau Labor Education Action Research Network et vice-président de l’AFT-New Jersey pour l’enseignement supérieur, souligne que les écoles publiques offrent des opportunités uniques pour mener des actions en faveur du climat. Les établissements scolaires consomment des quantités énormes d’énergie, produisent un volume considérable de déchets et exploitent d’importantes flottes de bus alimentés principalement par des combustibles fossiles, contribuant ainsi aux émissions de carbone et à la pollution de l’air au niveau local. Elles représentent aussi un parc immobilier important, dont les toits pourraient être utilisés pour produire des énergies renouvelables.

De quelle façon les écoles peuvent-elles jouer un rôle central dans l'action climatique ? Une des réponses réside dans la négociation collective. Les syndicats peuvent utiliser leur pouvoir de négociation pour promouvoir des politiques au niveau des districts scolaires qui réduisent les émissions de carbone, investissent dans les énergies renouvelables et mettent en avant les pratiques durables dans les écoles.

Traditionnellement, les syndicats négocient les salaires, les prestations de soins de santé et la durée du temps de travail − des questions dont les employeurs sont légalement tenus de discuter. Mais les syndicats peuvent également amener d’autres questions sur la table, que les employeurs ne sont pas obligés de négocier, sauf si les deux parties en conviennent. La justice climatique entre dans cette catégorie.

Plusieurs affiliés de l’AFT, notamment les syndicats United Teachers Los Angeles, Chicago Teachers Union et Boston Teachers Union, nous prouvent que l’action climatique peut être intégrée aux négociations syndicales, établissant ainsi un précédent important pour les autres syndicats du pays.

Los Angeles : lutter pour des écoles publiques vertes et saines

Le syndicat United Teachers Los Angeles a été l’un des premiers à intégrer la justice climatique dans ses stratégies de négociation. Julie Van Winkle, éducatrice et vice-présidente de l’UTLA/AFT, précise que son syndicat a introduit les revendications climatiques au milieu des années 2010 dans le cadre de « négotiations pour le bien commun ». Cette stratégie établit des coalitions entre les personnels, les élèves, les parents et les membres de la communauté pour promouvoir des changements sociaux plus larges au travers de la négociation collective.

En 2023, UTLA a conclu un protocole d’accord avec le district scolaire unifié de Los Angeles, intitulé « Écoles publiques vertes et saines ». Ce projet prévoit la création, l’expansion et la maintenance d’espaces de formation en extérieur, ainsi que des programmes et des espaces verts ; l’installation de stations de filtration des eaux et l’élimination de toute trace de plomb détectable ; l’augmentation du nombre de bus électriques au sein de la flotte du district ; l’installation de panneaux photovoltaïques sur les campus ; et le lancement du programme Champions du climat – à travers lequel des personnels enseignants reçoivent des subventions pour intégrer la justice environnementale dans les programmes d’études et les programmes de développement durable.

Bien que des progrès aient été accomplis, il reste des défis à relever. Exemple, UTLA a découvert que les bus électriques étaient rechargés à partir de générateurs utilisant des combustibles fossiles − un problème que le syndicat s’efforce activement de résoudre.

Avec des milliards de nouveaux fonds liés à l’adoption de mesures au niveau local, UTLA se déclare prêt à poursuivre ses initiatives en faveur de la justice climatique au cours des années à venir.

Chicago : une victoire historique pour les écoles vertes

En décembre 2024, le syndicat de l’éducation Chicago Teachers Union (CTU) a décroché un accord de principe concernant les écoles vertes, une victoire historique qui, pour la première fois, inclut les revendications en matière de justice environnementale et climatique dans les conventions collectives signées entre le CTU et les écoles publiques de Chicago. Cette avancée, alors même que d’autres négociations contractuelles plus larges sont au point mort, a pu être réalisée grâce à une stratégie développée par les personnels enseignants et les activistes écologistes : exposer les problèmes d’infrastructures urgents auxquels doivent faire face les élèves et les personnels et associer leurs revendications aux luttes plus larges pour la justice raciale et climatique.

Les dispositions du nouveau contrat du CTU permettront de créer des filières de formation pour les élèves du secondaire ouvrant la voie vers des emplois verts, d’augmenter les ressources pour l’enseignement de la justice climatique et d’offrir des opportunités de moderniser les bâtiments pour les rendre plus écologiques. En particulier, le document envisage la création d’un comité conjoint syndicat-patronat pour les écoles vertes et la préparation au climat, qui obligera le district à collaborer avec le syndicat en vue d’assurer un financement spécifique pour ces initiatives.

Boston : intégrer la justice climatique à l’éducation

Le Boston Teachers Union (BTU) a, lui aussi, fait pression en faveur de la justice climatique, par l’intermédiaire de son Comité de la justice climatique, dirigé par Betsy Drinan. Contrairement aux autres syndicats, centrés sur les changements infrastructurels, le BTU s’est principalement employé à inscrire la justice climatique aux programmes d’études.

Le BTU a récemment obtenu un accord de principe concernant une proposition d’inscrire au nouveau contrat la création d’une équipe de gestion conjointe entre organisations patronales et syndicales, chargée d’intégrer la justice climatique, la formation au climat et les sciences climatiques au programme de la maternelle au secondaire.

Cette initiative marque un pas important pour intégrer l’éducation au climat dans toutes les disciplines en tant que volet fondamental de la formation des élèves.

Au niveau national

Les syndicats ne mènent pas uniquement leur combat pour la justice climatique au niveau local, ils cherchent également à exercer leur influence sur les politiques nationales. En 2017, l’AFT a adopté une résolution intitulée « Une transition juste vers une économie pacifique et durable ». Cette résolution engage l’AFT à jouer un rôle de premier plan dans le mouvement pour la justice climatique en soutenant les efforts déployés par la communauté à cet égard, notamment les campagnes de formation, l’action directe non violente et l’élection de représentantes et représentants accordant la priorité à l’action climatique.

Afin d’atteindre ces objectifs, l’AFT a également créé en son sein un groupe de travail sur la justice climatique, chargé de promouvoir et de coordonner ses initiatives dans ce domaine et de s’assurer que les syndicats du pays continueront à mener des activités en faveur du développement durable.

Comités d'action pour le climat : changement de donne pour les syndicats

Une des principales stratégies à l’origine de ces victoires a été de créer des comités d’action pour le climat au sein des syndicats. Ces comités sont chargés de garantir que la justice climatique demeure une priorité dans les négociations, de former leurs membres aux questions environnementales et de formuler des revendications spécifiques dans le cadre des négociations qui soient alignées sur les objectifs à la fois syndicaux et environnementaux.

Selon Vachon, le rôle de ces comités est crucial pour répondre aux nombreuses priorités entrant parfois en concurrence au sein des syndicats. En institutionnalisant la justice climatique dans leurs activités, les syndicats contribuent à promouvoir un engagement à long terme en faveur de l’action environnementale.

Ces victoires remportées à Los Angeles, Chicago et Boston montrent que les syndicats peuvent représenter une force exceptionnelle dans la lutte pour la justice climatique. En s’appuyant sur la négociation collective, les syndicats ne se limitent pas uniquement à améliorer les conditions de travail, ils transforment également les établissements scolaires en environnements plus sains et plus durables pour les élèves et les communautés.

À l’heure où les syndicats du pays suivent de près l’évolution de la situation, l’élan en faveur d’une négociation collective centrée sur le climat ne fait que croître. Grâce à la force de leurs partenariats, à l’engagement des communautés et à leur plaidoyer infatigable, les syndicats démontrent que la justice climatique et les droits du travail demeurent indissociables.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.