« L’éducation de la petite enfance: miser sur le jeu et le bien-être pour débuter l’apprentissage tout au long de la vie », par Lasse Bjerg Jørgensen.
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L’éducation de la petite enfance (EPE) est enfin à l’ordre du jour d’un Sommet international sur la profession enseignante (ISTP). Cette année, l’ISTP 2019 met l’accent sur l’importance de l’EPE pour l’apprentissage tout au long de la vie. Le bien-être constitue quant à lui, pour la première fois, l’un des trois thèmes des séances plénières du Sommet.
En tant qu’éducateur de la petite enfance, ou pédagogue comme nous appelons la profession au Danemark, je m’en réjouis tout particulièrement. Contrairement à ce que l’on pensait il y a quelques années à peine dans le monde de l’éducation, les enfants ne naissent pas à l’âge de six ans. On estimait en effet que la petite enfance n’avait rien de spécial et n’était qu’une période d’attente avant d’entrer à l’école primaire et de commencer sa vie. Cette conception est on ne peut plus fausse! La courbe de Heckmann soutient qu’une intervention précoce dans les établissements de garde d’enfants s’avère payante plus tard dans la vie. Comme le montre l’enquête du Programme international pour le suivi des acquis des élèves de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les résultats scolaires des élèves de 15 ans sont meilleurs s’ils·elles ont suivi un programme d’éducation de la petite enfance lorsqu’ils·elles étaient enfants. Et ces résultats sont encore meilleurs si le programme était de haute qualité et offrait un environnement sûr et encadré par un personnel professionnel. Je m’attends à ce que la prochaine enquête TALIS (Petite enfance, grands défis – TALIS Starting Strong) de l’OCDE aborde plus en profondeur les questions des qualifications, des salaires et des conditions de travail des éducateur·rice·s de la petite enfance, et démontre l’importance de l’EPE.
Au Danemark, l’EPE est appelée Education et accueil des jeunes enfants (EAJE). Dans un document de recherche qui vient d’être publié ( Effective education in ECEC, par Charlotte Ringsmose et Lone Svinth, Université d’Aarhus, 2019), les deux chercheuses soutiennent que le bien-être, la confiance et l’attachement de l’enfant sont la clé du travail éducatif dans les centres d’EAJE de qualité. Elles ont concentré leurs recherches sur les centres d’EAJE dans lesquels sont inscrits de nombreux enfants à risque. Les chercheuses affirment qu’un établissement professionnel de haute qualité s’appuie sur une approche attentive et pédagogique axée sur le bien-être et le développement socio-émotionnel de l’enfant. Elles sont arrivées à la conclusion que la relation entre les enfants et les éducateur·rice·s ainsi que la sensibilité et l’attention de ces dernier·ère·s sont essentiels à la qualité des centres d’EAJE.
Je dois avouer que l’intérêt croissant de l’OCDE à placer l’EPE au centre des politiques éducatives me préoccupe. Cet intérêt est-il dirigé par une tentative unilatérale de préparer les enfants à entrer à l’école? Abandonnons-nous une ancienne idéologie erronée du gardiennage au profit d’une simple formation académique, en oubliant le bien-être et la valeur intrinsèque de l’enfance et de l’importance du jeu?
Si l’EAJE est un droit pour les enfants danois dès leur plus jeune âge, les centres d’EAJE ne sont pas gratuits, contrairement à l’école primaire. Toutefois, ces centres constituent le premier maillon de l’apprentissage, du développement et de la formation continue, et jettent par conséquent les bases de l’éducation tout au long de la vie. Ainsi, les centres d’EAJE font partie intégrante du système éducatif et doivent naturellement être inclus dans les débats mondiaux sur les politiques éducatives, comme c’est le cas pour les cibles de l’Objectif de développement durable 4 des Nations Unies.
Cela ne veut toutefois pas dire que les pédagogies et méthodes des écoles primaires ou d’autres établissements du système éducatif doivent simplement être répliquées dans les centres d’EAJE.
Les centres d’EAJE ont leurs propres valeurs et méthodologies. En tant qu’éducateur·rice·s de la petite enfance, nous mettons l’accent sur les relations avec les enfants et entre eux·elles, et sommes sensibles à leurs idées ainsi qu’à leurs activités. Nous ne divisons pas la pédagogie en différentes matières à enseigner par des adultes, mais explorons ensemble, avec les enfants, au sein de leur environnement, en plein air et à partir des expériences communes de la vie quotidienne. Notre approche professionnelle de l’EAJE consiste à créer pour les enfants et les adultes des environnements d’échange bienveillants qui favorisent l’apprentissage, le bien-être et le développement de l’enfant.
Au Danemark, le syndicat BUPL a suivi ces principes lorsqu’un nouveau programme pédagogique consolidé a été proposé par le gouvernement il y a deux ans. L’intention initiale du gouvernement était de promouvoir le renforcement des compétences académiques des enfants dans les centres d’EAJE. En mettant à profit les connaissances professionnelles du personnel d’EAJE dans le dialogue avec les partenaires sociaux, les partis politiques et le public, nous sommes toutefois parvenus à faire comprendre à l’échelle mondiale l’importance du jeu chez l’enfant en tant que fondement de l’apprentissage dans l’EAJE. Ainsi, le programme actuel qui est entré en vigueur en 2018 a été élaboré autour du rôle du jeu, de la curiosité de l’enfant et de la communauté des enfants. Il incombe aux éducateur·rice·s de développer un environnement d’apprentissage global, inclusif et bienveillant – un programme pédagogique.
C’est cette vision globale et holistique de l’enfance que j’aimerais que l’OCDE retienne lors des discussions sur l’EPE. En outre, je m’attends à ce que l’intérêt pour l’EPE renforce la volonté politique des gouvernements d’améliorer les conditions de travail et le statut des éducateur·rice·s de la petite enfance, notamment en ce qui concerne le ratio enfants-personnel, la taille des classes, les salaires, le développement professionnel ainsi que le temps de planification et de réflexion.
Je me réjouis d’assister à l’ISTP 2019, mais j’ai également hâte de participer à la conférence EAJE – The Nordic Way, qui se tiendra en Norvège les 26 et 27 mars. Cette conférence vise à analyser et à comprendre les approches de l’éducation et de l’accueil des jeunes enfants ainsi que les méthodes pédagogiques mises en œuvre par les pays scandinaves, en insistant tout particulièrement sur les qualités des systèmes d’EAJE dans ces pays en ce qui concerne le bien-être, le jeu et l’apprentissage des enfants. Nous pensons que c’est dans ces conditions que les enfants pourront débuter au mieux leur vie et assurer de cette manière leur avenir à l’école, tout au long de leur parcours éducatif et dans leur vie de citoyen·ne·s actif·ive·s.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.