Les educateur·rice·s et leurs syndicats prennent l’initiative
Résolution du 8e Congrès Mondial
Le 8ème Congrès mondial de l’Internationale de l’Education (IE) réuni à Bangkok, Thaïlande, du 21 au 26 juillet 2019 :
(1) Préoccupé par les attaques incessantes à l’encontre des enseignant·e·s, du personnel de soutien à l’éducation et de leurs syndicats dans de nombreuses régions du monde.
(2) Notant avec inquiétude la menace constante qui pèse sur les droits humains et syndicaux, y compris la liberté syndicale, le droit d’organisation et le droit de négociation collective, ainsi que les nombreux cas de membres et dirigeant·e·s syndicaux·ales intimidé·e·s, emprisonné·e·s, torturé·e·s, réduit·e·s au silence ou assassiné·e·s ou mis·es sous silence ;
(3) Réaffirmant le rôle essentiel des droits humains, des valeurs démocratiques et de l’esprit critique pour le développement et le progrès humains, et la nécessité de les défendre à travers la solidarité mondiale et la mobilisation dans un monde où les « faits alternatifs », les régimes autoritaires, le racisme, le fascisme, le sectarisme et la haine gagnent du terrain ;
(4) Préoccupé par le recul rapide des libertés civiles, des droits humains et des acquis en matière d’égalité, conquis de haute lutte, dans un contexte de polarisation croissante entre pays et en leur sein, et soulignant que l’éducation peut être un antidote à la régression des idéaux démocratiques au sein de la société ;
(5) Convaincu qu’aujourd’hui, plus que jamais auparavant, le monde a besoin d’une éducation inclusive de qualité, de syndicats démocratiques forts et d’autres alliés ;
(6) Affirmant que les enseignant·e·s, le personnel de soutien à l’éducation et leurs syndicats comptent avec leurs allié.es de la société civile parmi les derniers bastions de la société déterminés à défendre l’éducation publique gratuite et de qualité, la démocratie, et les droits humains et syndicaux ;
(7) Préoccupé par le fait qu’affaiblir la profession met en péril l’éducation de qualité, par l’insuffisance des effectifs d’enseignant·e·s et du personnel de soutien à l’éducation, par le fait que leur formation initiale et continue, leurs qualifications et leur statut perdent de leur substance, et par le fait qu’existe un risque réel de voir les enseignant·e·s remplacé·e·s par un personnel non-qualifié ou par des robots et une « intelligence artificielle », et soucieux également du recul de leur sécurité, de leur liberté et de leur autonomie professionnelle ;
(8) Soulignant qu’à travers leur voix et leur force collectives au sein des syndicats et des associations professionnelles, les enseignant·e·s et le personnel de soutien à l’éducation jouent un rôle primordial afin de promouvoir une éducation publique inclusive gratuite de qualité, pour toutes et tous, et pour concrétiser les ODD ;
(9) Soulignant le fait que des politiques éducatives devraient être mises au point à l’échelon national ou régional et devraient être développées grâce à un dialogue social institutionnalisé efficace, qui reconnaît le rôle central des travailleurs et travailleuses du secteur de l’éducation et de leur expertise en matière d’élaboration des politiques et de prise de décisions ;
(10) Réaffirmant que pour attirer les meilleur·e·s candidat·e·s et retenir des enseignant·e·s et du personnel de soutien à l’éducation qualifié·e·s, motivé·e·s et expérimenté·e·s, il faut améliorer le statut et l’image de la profession enseignante ;
(11) Affirmant que les enseignant·e·s et le personnel de soutien à l’éducation sont les mieux placé·e·s pour définir une pratique éthique et pertinente de l’enseignement et les exigences en matière de qualifications des enseignant·e·s (formation initiale), de perfectionnement professionnel (formation continue) et de soutien professionnel à leur égard ;
(12) Rappelant que les syndicats de l’éducation sont les mieux placés pour définir les conditions d’emploi et de travail de qualité des enseignant·e·s et du personnel de soutien à l’éducation, y compris la rémunération, et pour assurer la défense et l’amélioration de la profession ;
(13) Préoccupé par la remise en question de la notion d’éducation en tant que droit humain et bien public par l’édu-business et les théoriciens du marché, à une échelle inédite, et par l’émergence de nouveaux acteurs en matière de prestations éducatives, de gouvernance et d’administration de l’éducation ;
(14) Notant l’influence politique et financière croissante et excessive qu’exercent les organisations internationales et les entreprises à but lucratif dans le cadre des débats relatifs aux politiques nationales d’éducation, façonnant ces derniers dans le but de servir leurs propres intérêts, tout en encourageant la déréglementation, en portant atteinte aux systèmes d’éducation publique et en ouvrant la voie à une privatisation accrue de l’éducation ;
(15) Dénonçant le fossé important, et sans cesse grandissant, qui existe entre le débat autour des politiques éducatives au niveau mondial, les politiques prônées par les agences de développement et les autres acteurs non étatiques, et la réalité des classes dans tous les établissements d’enseignement supérieur ; et
(16) Réaffirmant que l’IE et ses organisations membres s’engagent pour que les syndicats se renouvellent et prennent l’initiative, notamment par l’unité, par la solidarité et par la sensibilisation des enseignant·e·s jeunes et en début de carrière, du personnel de soutien et des groupes défavorisés au sein des syndicats de l’éducation.
(17) Le Congrès mondial décide de prendre l’initiative pour :
(i) Promouvoir la démocratie, les droits humains et syndicaux, l’équité et la justice sociale ;(ii) Faire progresser la profession et réaffirmer le rôle crucial des enseignant·e·s et du personnel de soutien à l’éducation dans l’éducation et dans la société ; et
(iii) Garantir le droit à une éducation publique gratuite et de qualité, pour toutes et tous.
(18) Le Congrès mondial appelle ses organisations membres à faire pression sur leurs gouvernements en vue d’adopter les politiques, lois et autres mesures concrètes appropriées, aux fins suivantes :(i) Respecter et garantir la démocratie, les droits humains et syndicaux, y compris le droit d’organisation, la liberté syndicale et la négociation collective ;(ii) Protéger et promouvoir l’enseignement en tant que profession et garantir une formation initiale et continue de qualité à tous les enseignant.e.s ;(iii) Garantir le droit à une éducation publique gratuite, inclusive et de qualité pour toutes et tous, dans des conditions d’équité et à tous les niveaux (de la petite enfance à l’enseignement supérieur) et assurer la pleine mise en œuvre des objectifs de développement durable des Nations Unies, en particulier l’ODD 4 sur une éducation de qualité ; et
(iv) Assurer un financement public de l’éducation afin de s’assurer que les écoles et tous les établissements d’enseignement disposent de ressources suffisantes pour offrir une éducation inclusive de qualité, dans des conditions d’équité, et dans des environnements sains, sûrs et propices à l’enseignement et à l’apprentissage.
(19) Le Congrès mondial de l’IE donne au Bureau exécutif mandat pour :
(i) Intensifier les efforts visant à protéger et à renforcer les systèmes d’éducation publique et garantir le droit fondamental de tous les enfants, les jeunes et les adultes, à une éducation gratuite et de qualité ;
(ii) Affirmer notre définition de ce qui nous définit en tant que profession, ce qui constitue une pratique éthique et pertinente de l’enseignement et ce qui est nécessaire en matière de qualifications (formation initiale), de perfectionnement professionnel (formation continue) et de soutien professionnel, ainsi que de rémunération et de conditions de travail ;
(iii) Mobiliser les organisations membres afin de placer la réalité des conditions d’enseignement et d’apprentissage au centre du débat relatif aux politiques d’éducation, aux niveaux local, national, régional et mondial ;
(iv) Renforcer la capacité des organisations membres à s’engager dans le dialogue autour des politiques d’éducation et à formuler des propositions qui répondent au contexte national ainsi qu’aux priorités identifiées à l’échelon national ; et
(v) Créer de nouvelles opportunités au profit des organisations membres, afin de partager leurs expériences, montrer leurs capacités et assumer un rôle actif dans le cadre du dialogue engagé autour des politiques éducatives mondiales.