#16Jours | Faire appel à la technologie pour favoriser des discussions constructives sur la violence liée au genre
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Au cours des deux dernières années, le monde a connu d’importants changements dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Brutales et imprévisibles, ces transformations nous ont obligés à adapter notre façon de travailler et à repenser, réévaluer et reformuler nos approches et nos interactions. Les efforts déployés par Gender at Work, en collaboration avec l’Internationale de l’Éducation, afin de renforcer les capacités des membres des syndicats de l’éducation, n’y ont pas dérogé.
La pandémie ayant frappé de plein fouet les apprenant·e·s, les enseignant·e·s et leurs organisations aux quatre coins du monde, l’Internationale de l’Éducation (IE) et Gender at Work (G@W) ont estimé qu’il était à la fois nécessaire et opportun de faire avancer notre travail sur la violence basée sur le genre en milieu scolaire (VGMS), alors que les réunions ou les ateliers en personne avaient été suspendus en raison de la crise sanitaire. C’est ce qui nous a amenés, aux côtés de l’IE et de ses syndicats membres, à nous poser la question suivante : « Comment faire en sorte que les dirigeant·e·s des syndicats de l’éducation en Afrique s’appuient sur les approches en ligne pour renforcer l’action menée contre la VGMS en période de COVID ? »
En 2021-2022, avec l’appui technique de G@W et la contribution financière de la National Education Association (NEA, États-Unis), l’IE a mis en place des « cercles d’apprentissage » en ligne sur une période de neuf mois dans le but de faire fond sur la dynamique amorcée par les syndicats de l’éducation en Afrique en vue d’éradiquer la VGMS. Cette initiative s’est fondée sur les compétences et les expériences préalablement acquises par les organisations membres de l’IE dans la région africaine et le Bureau régional de l’IE en Afrique dans le cadre du programme « Les syndicats de l’éducation agissent pour éradiquer la violence liée au genre en milieu scolaire » (2016-2019). L’initiative en ligne entendait à la fois permettre aux participant·e·s de faire le point sur l’incidence de la VGMS sur leurs membres et leurs apprenant·e·s dans le contexte de la fermeture puis de la réouverture des écoles et améliorer les compétences des dirigeant·e·s syndicaux·ales pour ce qui est de définir de nouvelles stratégies afin de relever ces défis.
L’expérience nous a montré qu’aborder le sujet de la violence fondée sur le genre, survenant dans un cadre directement ou indirectement associé au milieu scolaire, n’est pas chose aisée. Les témoignages d’intimidation, de harcèlement, de châtiments corporels ou d’agression sexuelle, vécus par nous-mêmes ou par d’autres, peuvent laisser un sentiment de colère, de peur, de désespoir ou de honte. En décidant d’aborder la complexité de la VGMS en ligne, nous nous sommes donc heurtés à un véritable casse-tête, en particulier dans un monde en mutation. Il n’a pas été facile de créer un espace virtuel ouvert et sécurisant pour partager sa vulnérabilité, où les personnes (membres des syndicats et animateur·trice·s) puissent se sentir épaulées, rassurées et entendues. Mais nous avons rapidement pu constater l’importance d’un travail fondé sur les principes féministes de l’écoute active, du respect, de l’appropriation et de la confiance mutuelle.
En outre, pour répondre à la question directive ci-dessus, dans le cadre de nos interactions avec les membres des syndicats, l’approche que nous avons utilisée se fonde sur l’idée que des dimensions distinctes, mais de même importance, interviennent dans le cadre de l’apprentissage humain : il s’agit de l’approche « tête-cœur-corps ». Sur le plan conceptuel, on apprend ainsi avec la tête (approche cognitive). Mais on apprend aussi à partir de son ressenti (dimension du cœur, approche émotionnelle) vis-à-vis d’une question particulière et à partir des idées mises en pratique et des actions entreprises pour atteindre les objectifs fixés (dimension du corps, approche somatique).
Nous avons cherché en priorité à toucher les personnes au niveau émotionnel et créer des espaces basés sur la confiance mutuelle, afin de favoriser la discussion, le partage et les témoignages. Sous l’effet de la pandémie, diverses formes de VGMS ont vu le jour ou ont été exacerbées en Afrique – à l’instar du traumatisme suscité par les confinements, de l’augmentation alarmante des mariages précoces, des grossesses d’adolescentes et d’autres problèmes contextuels liés à la COVID-19 qui ont apporté de nouvelles dimensions à la VGMS. Il était essentiel de soulever ces questions, d’en apprendre davantage à leur sujet et d’en parler. Le fait de connaître, comprendre et aborder les complexités de la COVID-19 et de la VGMS peut stimuler et autonomiser les enseignant·e·s, les personnels de soutien à l’éducation et les militant·e·s syndicaux·ales afin de mobiliser et d’agir dans leurs propres contextes. Comme l’a dit Rex Fyles, un collègue de G@W, « Chez Gender at Work, nous avons constaté à maintes reprises que le fait de partager des témoignages et communiquer avec d’autres suscite chez les militantes et militants et les éducatrices et éducateurs un besoin d’agir immédiat. »
Dans le cadre de cette initiative, les membres du réseau des femmes africaines dans le secteur de l’éducation (AWEN) et les structures sous-régionales de ce réseau, ainsi que le personnel du Bureau régional de l’IE pour l’Afrique se sont réunis en juillet-août 2021 à l’occasion de trois webinaires en ligne ou « cercles d’apprentissage ». Ces événements étaient proposés sur la base de trois groupes linguistiques distincts – anglais, français et portugais. Dans le cadre d’une deuxième phase, chaque réseau sous-régional de femmes a organisé des webinaires en fonction des besoins et des intérêts particuliers des pays et des syndicats participants. Ces webinaires ont été planifiés et co-animés par l’équipe G@W et les coordonnateur·trice·s du réseau. Une ultime rencontre d’apprentissage a rassemblé les participant·e·s des trois premiers « cercles d’apprentissage » afin de partager les connaissances acquises et les pistes d’interventions futures entre les trois groupes linguistiques. Au cours de cette initiative, 28 coordonnateur·trice·s de réseaux de femmes et près de 1 230 dirigeant·e·s syndicaux·ales et membres représentant 27 syndicats dans 21 pays d’Afrique ont participé aux webinaires proposés. Tous ces ateliers en ligne étaient organisés sur Zoom, une plateforme de visioconférence offrant une disponibilité et un accès à l’échelle mondiale ainsi que des fonctionnalités d’interprétation croisée uniques.
En tant que telle, la technologie s’est avérée cruciale pour permettre une participation active. Le processus de renforcement des capacités a été mis en œuvre en recourant uniquement à Zoom, mais nous avons utilisé des groupes WhatsApp parallèlement aux réunions afin de faciliter la participation des personnes dont l’accès à Internet ou la bande passante étaient limités. Chacune des interventions menées au cours des sessions zoom en direct a été partagée simultanément sur les groupes WhatsApp liés au projet. Les réponses des participant·e·s qui n’étaient pas en mesure de rester connecté·e·s pendant les sessions en direct ont été partagées dans la boîte de dialogue (chat) de la réunion. Grâce à cette approche, les participant·e·s ont pu faire part de leur point de vue durant la session en direct, même en cas de problèmes liés à la technologie. En outre, en plus des services d’interprétation simultanée assurés en anglais, français et portugais lors des ateliers interrégionaux, l’équipe G@W a également animé différentes sessions dans différentes langues afin que les participant·e·s ne soient pas tributaires de l’interprétation tout au long de la session ou pour leur éviter la fatigue auditive généralement causée par l’écoute monotone d’un son unique, ici la voix de l’interprète. L’animation multilingue a également favorisé la création d’un espace de partage ouvert dans la langue privilégiée par les participant·e·s. Tout au long de cette initiative, nous avons appris, réfléchi et adapté notre manière de faire au fur et à mesure.
Cette initiative a marqué une occasion d’apprentissage significative pour l’ensemble des participant·e·s. Au début de l’année 2021, nous nous sommes lancés dans l’aventure sans aucune certitude quant à l’évolution de la pandémie ou quant à la façon de créer des espaces en ligne suffisamment sûrs pour y exposer sa vulnérabilité, permettant aux syndicalistes d’échanger de manière approfondie sur les questions complexes entourant la COVID-19 et la VGMS. Nous avons appris sur le tas et à travers nos interactions avec les coordonnateur·trice·s de réseaux et les organisations membres de l’IE, qui ont travaillé sans relâche pour assurer des collaborations constructives aux fins de renforcer le travail de lutte contre la VGMS dans le contexte de la pandémie. Le recours aux plateformes en ligne restera un outil essentiel de formation et d’organisation à l’avenir.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.