La force du public, une force de croissance : se mobiliser pour financer le bien public
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Alors que nous sommes cette année à mi-chemin de l’échéance de 2030 pour la mise en œuvre des Objectifs de développement durable, qui avait été convenue à l’unanimité par les Nations Unies, il est quasiment certain aujourd’hui que la communauté internationale ne soit plus en mesure de respecter cet engagement.
Le quatrième objectif – une éducation inclusive de qualité au profit de chaque élève – illustre toute l’urgence de la question. Des centaines de millions d’enfants, de jeunes et d’adultes parmi les plus vulnérables restent exclu·e·s de l’éducation. Des millions d’autres sont certes scolarisé·e·s, mais sans bénéficier d’un environnement adéquat, d’enseignant·e·s formé·e·s, de ressources pédagogiques et, par conséquent, de perspectives d’apprentissage. Selon les projections, seuls six jeunes sur dix seront scolarisé·e·s dans le secondaire à l’horizon 2030. Dans l’intervalle, alors que le monde se relève du pire de la crise de la COVID, le déficit de financement annuel estimé en vue de concrétiser les ambitions du quatrième objectif s’élève désormais à près de 200 milliards de dollars américains.
La situation de l’éducation constitue un baromètre national. Elle reflète très précisément les perspectives offertes aux enfants, l’état de santé de la population, le niveau de revenu et les droits civils des femmes, la probabilité d’innovation et d’esprit d’entreprise, ainsi que sa propre capacité à réagir et à s’adapter aux crises, y compris les conflits, le changement climatique et les catastrophes naturelles, ce que la Vice-Secrétaire générale des Nations Unies Amina Mohammed a récemment qualifié d’« une série de crises en cascade », « multiples » et « interconnectées », exigeant une action immédiate.
Un rapport publié le mois dernier par l’institution américaine Brookings Institution offre un exemple peu réjouissant de cette situation : « Les pays d’Afrique subsaharienne sont confrontés à un double défi à l’origine du ralentissement de la croissance et de l’érosion des gains réalisés depuis plusieurs dizaines d’années en matière de développement : la hausse des niveaux d’endettement ainsi que la fréquence et la gravité croissantes des chocs climatiques. Étant donné leur nature concomitante, ces problèmes ont entraîné une dégradation des finances publiques et sont à l’origine d’une piètre résilience des pays face aux chocs climatiques et d’une capacité limitée en termes de financement des mesures d’adaptation. »
Aujourd’hui, les ressources nécessaires pour permettre à un secteur public opérationnel de répondre aux besoins fondamentaux de la population sont rares et s’amenuisent. Les ressources des systèmes éducatifs accusent un repli dans 65 pour cent des pays à revenu faible et intermédiaire et 33 pour cent des pays à revenu élevé et à revenu intermédiaire depuis le début de la pandémie.
Manifestement, la dette nationale contractée par de nombreux pays compte parmi les raisons qui concourent à cette situation. Trop souvent, les conditions d’emprunt imposent aux États de priver le secteur public des ressources nécessaires, y compris en cessant de financer l’éducation, la santé et d’autres services publics, et cela, au moment même où le recrutement de plusieurs dizaines de millions d’enseignantes et d’enseignants s’impose dans le monde entier. En imposant délibérément des contraintes à la « masse salariale des personnels enseignants », les agences de financement mondiales bloquent le recrutement et les salaires de ces personnels, décimant encore davantage le corps enseignant.
Face à cette pénurie, la solution est claire. Nous devons nous mobiliser, mobiliser nos collègues et mobiliser nos communautés, afin de mettre en lien la crise du financement et le monde durable que nous voulons instaurer.
Cette mobilisation est déjà bien engagée dans le cadre de la campagne La force du public : Ensemble on fait école ! lancée plus tôt cette année par l’Internationale de l’Éducation. Notre campagne mondiale pour financer l’enseignement public et la profession enseignante réunit nos 383 organisations membres dans 178 pays et leurs 32 millions de membres dans le cadre de la lutte pour assurer une éducation financée par les pouvoirs publics et doter le secteur public des ressources nécessaires en vue de construire des systèmes éducatifs publics inclusifs et de qualité, pour toutes et tous.
La tenue, ce mois-ci, des réunions de printemps de la Banque mondiale marque le prochain point d’inflexion de notre lutte mondiale contre les coupes budgétaires, l’austérité et la privatisation. Pour les syndicats du monde entier, ces réunions sont l’occasion d’appeler la Banque mondiale et le Fonds monétaire international à concourir à la réalisation des ambitions des ODD en augmentant l’investissement public dans le but de créer des emplois décents – y compris dans la profession enseignante, permettre une croissance équitable et bâtir une économie plus résiliente.
Pour y parvenir, les leaders du secteur financier devront répondre aux revendications démocratiques mondiales et embrasser le nouveau contrat social qui est au cœur de notre campagne. Il n’est plus possible de permettre aux grandes entreprises et aux plus riches de tirer parti du système financier à des fins de spéculation et en vue d’engranger des bénéfices à court terme, tout en augmentant les prix, en dissimulant des actifs et en entravant la collecte des recettes publiques.
Il convient de lever les milliards d’impôts jusqu’ici non perçus en vue d’investir massivement dans les biens publics tels que l’éducation et bâtir des économies aptes à assurer une croissance durable et généralisée.
Notre campagne met particulièrement l’accent sur la responsabilisation des gouvernements. Les gouvernements devront non seulement identifier et récupérer les milliards de recettes fiscales perdues en raison de l’évasion fiscale des sociétés, mais aussi prendre leurs responsabilités concernant un éventail de comportements prédateurs sur le marché.
Les entreprises qui spéculent dans le secteur de l’enseignement privé devraient toutes être soumises à un cadre de réglementation et de contrôle efficace, y compris et surtout celles qui, comme New Globe/Bridge, savent user de manœuvres trompeuses et abusives et apparaissent pourtant dans les petits papiers de ces fondations puissantes, au demeurant naïves, telles que Gates et Chan-Zuckerberg. Si l’IE a défendu et soutenu la décision de la Banque mondiale de mettre un terme au financement des écoles privées à but lucratif, le fait que la Banque poursuive ses investissements en faveur de la privatisation, y compris les entreprises de l’EdTech, demeure pour nous préoccupant.
Ces entreprises de technologie sont bien trop nombreuses à avoir dépensé l’argent de leurs investisseurs en écrasant les gouvernements et leurs systèmes scolaires sous leurs discours accrocheurs et leurs publicités, pour finalement laisser place à des résultats décevants tout en engrangeant des milliards de dollars sur le dos des systèmes éducatifs.
Comme l’a déclaré la Présidente de l’IE Susan Hopgood lors du Sommet sur la transformation de l’éducation du Secrétaire général de l’ONU à l’automne dernier, « l’utilisation à grande échelle des technologies de l’éducation n’a été que peu testée et réglementée et ses avantages (...) n’ont pas été prouvés ». Ce qui a été démontré en revanche, a-t-elle ajouté, c’est que « lorsque les outils numériques sont mis entre les mains des enseignantes et des enseignants dans le cade d’un choix pédagogique et que le personnel enseignant a toute latitude pour décider de l’outil à utiliser, les chances de réussite des élèves sont supérieures ».
Lors de ce même Sommet, le Secrétaire général António Guterres a décidé d’accorder la priorité au financement de l’éducation, les Nations Unies ont annoncé la constitution d’un Groupe de spécialistes de haut niveau chargé de soutenir la profession enseignante et les nations se sont engagées à investir davantage et plus équitablement dans l’éducation.
Notre campagne est en cours et notre mouvement prend de l’ampleur. Désormais, une occasion unique nous est donnée d’organiser et de mobiliser aux niveaux local, national, régional et mondial afin que les gouvernements et les institutions mondiales assument la responsabilité d’une éducation publique de qualité en tant que droit humain fondamental et bien public.
Le mandat qui nous est confié par nos membres et par la profession enseignante est clair. Mais nous ne réussirons qu’en nous mobilisant et en nous unissant avec les communautés au sein desquelles nous travaillons et nous vivons. Commencez ici. Ensemble, nous allons bâtir le mouvement en faveur du financement de l’enseignement public.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.