« Le gouvernement brésilien fait du racisme une politique d’État »
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Depuis le coup d’État contre la présidente Dilma Rousseff, en 2016, la population noire assiste à une recrudescence de la violence. Avec l’élection de Jair Bolsonaro, en 2018, le racisme est pratiquement devenu une politique d’État. Ce problème a toujours existé dans le pays mais les racistes se montrent aujourd’hui au grand jour, pratiquant avec fierté leurs préjugés au quotidien. Par conséquent, la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale que nous avons célébré le 21 mars dernier, une date importante pour le mouvement des hommes et des femmes noirs du monde entier, a pris des contours dramatiques au Brésil.
Deux cas en témoignent : l’assassinat de João Alberto par des agents de sécurité de Carrefour à Porto Alegre (RS), en novembre de 2020, et l’impunité qui persiste dans le cas de la mort de Marielle Franco à Rio de Janeiro (RJ), survenue en mars 2018. Malgré le soulèvement des mouvements noirs, le racisme structurel rend difficile une lecture pertinente de la grave situation actuelle.
La fusillade qui a coûté la mort à la conseillère municipale Marielle Franco et à son chauffeur Anderson Pedro Gomes continue de trouver des échos non seulement au Brésil, mais aussi dans le monde entier. En effet, les bourreaux de Marielle ne pouvaient pas prévoir qu’elle allait faire autant d’adeptes et que son influence allait perdurer et inspirer tous ceux et celles qui se battent pour la justice sociale.
Ce sont là des cas emblématiques. Avec plus de 300 ans d’histoire – l’esclavage n’ayant été aboli qu’en 1888 –, le racisme est enraciné dans la société brésilienne et oblige le mouvement noir national à livrer un dur combat. Sachant que la discrimination raciale soutient la structure sociale, politique et économique de la société brésilienne, il convient de réagir à la normalisation des situations qui provoquent le racisme.
Tout d’abord, il est urgent de reconnaître qu’un génocide de la jeunesse noire brésilienne est en cours, avec le silence complice de la société. Les données de l’Atlas de la violence 2018, qui reprend les chiffres de 2016, montrent que sur les 61 283 morts violentes survenues 2016 au Brésil, la plupart des victimes étaient des hommes (92 %), noirs (74,5 %) et jeunes (53 % dans la tranche de 15 à 29 ans). Il s’agit d’une violence mortelle et intentionnelle envers la population noire.
Jair Bolsonaro est en train d’anéantir toutes les politiques visant à valoriser les personnes noires, qui représentent 56 % de la population. Dans son gouvernement, la reconnaissance des quilombos est tombée au plus bas de l’histoire. Sans attestation officielle, ces territoires où se réfugièrent les hommes et femmes noirs durant la période coloniale restent en dehors des politiques publiques et tendent à devenir la cible de conflits.
En outre, avec la pandémie de Covid-19, les difficultés manifestes qu’ont les hommes et les femmes noirs à se faire une place sur le marché du travail se sont accentuées. Compte tenu de leur situation de vulnérabilité en termes de revenus et de logement, sans possibilité de s’isoler correctement pour éviter la propagation du virus, ces personnes sont plus exposées à la contamination, étant contraintes de faire de longs déplacements dans les transports publics des grandes villes pour assurer leur subsistance.
Sous ce gouvernement inepte et indifférent, les hommes noirs sont les principales victimes de la Covid-19 au Brésil, totalisant 250 morts pour 100 000 habitants, contre 157 décès pour 100 000 chez les blancs, selon les chiffres d’une enquête de l’ONG Instituto Polis. Parmi les femmes, celles qui ont la peau noire sont également plus touchées : 140 morts pour 100 000 habitants contre 85 pour 100 000 chez les femmes blanches.
Cette tendance, qui s’explique par les inégalités sociales et les préjugés raciaux, est mise en évidence dans une autre enquête réalisée par l’Institut brésilien de géographie et de statistiques (IBGE), qui montre que les femmes, les noirs et les pauvres sont les plus touchés par la maladie. Sur dix personnes déclarant plus d’un symptôme de la Covid-19, sept sont noires ou métisses.
Au cours des deux dernières années, 49 déclarations racistes ont été faites par des personnes représentant les autorités publiques. Un quart d’entre elles ont été prononcées par le président Jair Bolsonaro. Ces chiffres proviennent d’une enquête effectuée par la Coordination nationale des communautés noires rurales quilombolas (Conaq) et par l’ONG Terra de Direitos, qui ont cartographié les déclarations racistes faites par des membres du gouvernement fédéral, des parlementaires et des magistrat·e·s entre 2019 et 2020.
Face à l’amplification du racisme au Brésil, nous avons rappelé ce 21 mars, notre engagement dans la lutte contre le racisme à travers le monde. Nous devons nous faire entendre en élargissant les espaces de réflexion et en visibilisant la situation de vulnérabilité dont souffrent les quilombolas et les jeunes noir·e·s dans les agendas des différents segments sociaux.
La conscience internationale doit s’élever contre le racisme, mais cela ne se produira que lorsque la population noire réagira à la violence dont elle fait l’objet. Face à un gouvernement génocidaire et raciste, prenons soin les uns des autres. Protégeons nos jeunes, les quilombolas, les femmes. Ce n'est qu’en renforçant les mouvements sociaux que nous garantirons le respect de la diversité et que nous ferons entendre la voix de la population noire dans tous les espaces de notre société.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.