« Les enseignant·e·s mènent la lutte organisée contre l'offensive en faveur de la privatisation en Uruguay », par José Olivera.
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Les premiers cas de COVID-19 ont été identifiés sur notre territoire le 13 mars 2020, inscrivant ainsi l’Uruguay dans le contexte mondial de la pandémie et amenant le pouvoir exécutif à placer le pays en « état d’urgence sanitaire » par décret officiel.
Quelques jours auparavant, le 1er mars 2020, un autre virus a commencé à sévir dans le pays : l’installation à la tête du gouvernement national d’une coalition néolibérale et conservatrice formée de partis politiques de droite et d’extrême droite, voire fascistes, dont la base sociale regroupe les secteurs où se concentre le capital, en particulier l’industrie agricole et le capital financier spéculatif, ainsi que les propriétaires de médias de masse et les secteurs évangéliques.
Leur programme politique, qui représente et exprime les intérêts d’une seule classe, vise à procéder à un ajustement structurel du capital par rapport au travail, en profitant de la crise provoquée par la pandémie pour introduire une série de réformes structurelles, avec l’assentiment d’une majorité de parlementaires et au travers d’un instrument aussi peu démocratique qu’une « loi d’urgence ».
Cette loi d’urgence, ley de urgente consideración(LUC), adoptée en juillet 2020 dans le contexte de mesures sanitaires strictes limitant la mobilisation populaire et en l’absence de tout débat public, constitue le pivot central du programme de cette « utopie réactionnaire », qui encourage le démantèlement de l’État et la suprématie du marché, le rôle prépondérant du capital privé, auquel il est permis de maximiser les taux de profit au détriment de la grande majorité de notre peuple, ainsi que le durcissement du pouvoir répressif et punitif de l’État, en limitant ou en supprimant les libertés individuelles et collectives.
Dans cette loi, l’éducation occupe une place centrale. Sur les 476 articles qu’elle contient, 78 concernent l’éducation. Il s’agit notamment de :
- Démanteler le système national d’éducation publique, conformément au principe de l’« État minimal ».
- Créer une nouvelle ingénierie institutionnelle, où la politique éducative publique est soumise à un contrôle strict des partis politiques et ouvrir le secteur de l’éducation à la participation du secteur privé.
- Progresser dans le cadre des définitions de la privatisation de/au sein de l’éducation et de sa commercialisation.
- Promouvoir une réforme des programmes d’études, alignée sur les lignes directrices établies par le Mouvement mondial pour la réforme de l’éducation, dont les caractéristiques distinctives sont le développement des compétences, la décentralisation des responsabilités vers les institutions (concept désigné par l’euphémisme « autonomie du centre ») et un système d’évaluation et de contrôle normalisé.
- Abandonner progressivement le développement professionnel des enseignant·e·s, réduisant ainsi leur autonomie professionnelle et les soumettant à une sorte de « vassalité pédagogique » induite par l’imposition d’une méthodologie de travail unique et de conditions de travail précaires comme mécanisme de contrôle.
Sous-financement du secteur public
Il importe de souligner le rôle que jouent ceux et celles qui, depuis plusieurs années, encouragent la privatisation et la commercialisation de l’éducation. Selon une logique mise en évidence par les recherches menées dans notre pays par l’IE, dans le cadre de sa campagne Réponse mondiale, les protagonistes de la « privatisation de la politique éducative publique », comme le groupe de réflexion Eduy21 au travers de ses principaux·ales représentant·e·s, occupent les postes les plus importants auprès des autorités éducatives.
Dans le même temps, les médias de communication de masse, constructeurs et vecteurs de ces discours, cherchent à protéger les haut·e·s responsables du secteur de l’éducation au travers de campagnes de persécution politique, ayant pour objectif de criminaliser les organisations syndicales du secteur, ses dirigeant·e·s et ses militant·e·s
D’autre part, entre août et novembre 2020, le budget général de l’État a été discuté et approuvé en Uruguay. Les budgets étant en définitive le miroir économique et financier d’un programme gouvernemental, l’ajustement structurel des dépenses publiques a été réalisé conformément au programme préconisé par la LUC, notamment sous la forme de coupes budgétaires dans différents secteurs. Le secteur le plus touché par ces mesures est l’enseignement public, regroupant 84 % des élèves, de l’enseignement primaire à l’enseignement supérieur.
Une réduction de 0,6 % du PIB, soit environ 360 millions de dollars, sera en effet appliquée au budget des trois principaux établissements d’enseignement public à la fin du quinquennat, les institutions les plus touchées étant l’ANEP (administration nationale de l’éducation publique) et l’Université de la république (UDELAR). Les principales composantes de ces coupes budgétaires sont, entre autres, les suivantes : réduction de la masse salariale (perte de salaire et réduction des postes dans l’enseignement, l’administration et les services), réduction des investissements dans les infrastructures (construction et amélioration des bâtiments, achat de matériel), diminution des programmes d’alimentation scolaire et réduction du nombre d’élèves par classe pour améliorer les conditions de travail et d’apprentissage.
En 2021, toujours dans le contexte d’une situation sanitaire dramatique pour le pays, plusieurs impacts de ces coupes budgétaires sur le système éducatif ont commencé à se faire sentir : augmentation du nombre d’élèves par classe, impossibilité de s’inscrire en bonne et due forme dans les établissements, chômage ou sous-emploi dans un grand nombre de secteurs de l’enseignement, perte de salaire et pénurie de personnel et de matériel permettant de garantir la sécurité sanitaire dans les établissements scolaires, un facteur essentiel dans le cadre de la pandémie.
Les perspectives ne sont pas du tout encourageantes. Au contraire, la situation aura tendance à s’aggraver, en raison de la multiplication des coupes budgétaires préconisées par le gouvernement national et avalisées par les autorités éducatives pour les années à venir.
Enseigner et non pas profiter
Ce scénario de réintégration et de progression de l’« utopie réactionnaire » au sein du gouvernement constitue un pas en arrière pour tout le camp populaire. Raison pour laquelle le mouvement syndical en général et les syndicats de l’éducation en particulier ont lancé une série d’actions pour trouver des formes d’organisation politique permettant de faire face à ce programme d’ajustement du capital par rapport au travail.
Sur le plan formel, il s’agit de constituer un large bloc politico-social, qui s’appuie sur le mouvement syndical, la communauté estudiantine, les coopératives de logements, le mouvement féministe, les organisations environnementales et de défense des droits humains, les collectifs et les organisations sociales, ainsi que les organisations proches des partis politiques de gauche et des secteurs progressistes, ou même des partis traditionnels de droite.
Sur le plan du contenu, il s’agit de promouvoir un référendum, mécanisme de démocratie directe prévu dans la Constitution de la République qui, à condition de recueillir les signatures de 25 % de la population habilitée à voter (environ 750.000 signatures), permettrait d’organiser une consultation obligatoire de l’ensemble de la population. L’objectif est de révoquer 135 articles de la LUC, dont 34 concernent sur l’éducation.
Les conditions sanitaires, ainsi que les restrictions légales appliquées par le gouvernement à des droits aussi fondamentaux que le droit de réunion, nous placent dans des conditions défavorables pour mener nos actions. Convaincus que la réalisation de nos objectifs constitue pour l’instant notre principal combat, en tant que syndicats de l’éducation, et dans le cadre de la campagne de l’IE Réponse mondiale à la privatisation et à la commercialisation de l’éducation, nous continuerons à défendre une éducation publique de qualité, considérée comme un droit humain fondamental, et à lutter contre la privatisation et la commercialisation de/au sein de l’éducation.
Notre contribution à cette campagne de l’IE sera notre lutte organisée et consciente, menée aux côtés de notre peuple.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.