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Mondes de l'éducation

Améliorer la condition des enseignant·e·s à travers un professionnalisme intelligent

Publié 4 octobre 2021 Mis à jour 29 octobre 2021
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Le statut des enseignant·e·s reste une préoccupation constante des syndicats et des gouvernements. Selon un adage courant, la qualité d’un système éducatif ne peut dépasser la qualité de ses enseignant·e·s. Il est temps de redéfinir cet adage : la qualité d’un système éducatif ne peut dépasser la mesure dans laquelle il soutient, entretient et investit dans la condition de ses enseignant·e·s.

Le Rapport mondial sur la condition du personnel enseignant 2021 (résumé ici) commandé par l’Internationale de l’Éducation, a demandé aux syndicats du monde entier ce qu’était la condition des enseignant·e·s dans leurs juridictions.

Les réponses ont permis d’identifier que le statut des enseignant·e·s est affecté par le salaire et les conditions de travail, qu’il est lié au stress sur le lieu de travail, qu’il influence l’attrait de la carrière d’enseignant·e pour les jeunes et qu’il a un impact sur la volonté des enseignant·e·s qualifié·e·s de poursuivre leur carrière. Le statut est influencé par les messages que les gouvernements et les médias choisissent de transmettre au sujet des enseignant·e·s, par les politiques que les gouvernements choisissent d’imposer et par la mesure dans laquelle les gouvernements sont prêts à financer la qualité de l’éducation qu’ils prétendent souhaiter.

« Le statut des enseignant·e·s n’est pas seulement à facettes multiples, chaque facette dépend des autres facettes. L’amélioration du statut ne peut pas se résumer à l’amélioration des salaires OU à l’amélioration des conditions OU au fait de parler de façon positive des enseignant·e·s dans les médias de temps en temps. »

Dans l’ensemble, le statut des enseignant·e·s ne s’est pas amélioré de manière significative depuis la publication de la précédente édition du rapport en 2018. Les mises en garde signalées alors, concernant les salaires, les conditions de travail, la privatisation, les pressions liées à la responsabilisation et les représentations des enseignant·e·s dans les médias restent des sujets de préoccupation pour les syndicats en 2021.

Une occasion vitale a été manquée pour améliorer la condition des enseignant·e·s. La plupart des syndicats se disent frustrés par l’image négative que les médias et les gouvernements donnent des enseignant·e·s. De plus en plus d’enseignant·e·s sont employé·e·s de manière précaire car les Etats utilisent davantage de contrats à court terme et informels. Les syndicats continuent d’affirmer que les salaires des enseignant·e·s sont trop bas, que les conditions de travail se détériorent, que les dépenses en infrastructures pour soutenir l’enseignement et l’apprentissage ne sont pas une priorité pour les gouvernements et que, dans de nombreuses juridictions, il ne s’agit pas d’une carrière attrayante pour les jeunes.

L’impact de la pandémie de COVID-19 ne peut être sous-estimé. Les syndicats ont fait état, entre autres, d’un stress important des enseignant·e·s causé par les inquiétudes relatives à la santé et la sécurité de leurs élèves, la complexité du passage à l’enseignement en ligne, la gestion de l’accès inéquitable des élèves à l’apprentissage en ligne, les craintes pour le statut de leur emploi et les craintes incessantes pour leur santé et leur sécurité lorsque les écoles sont revenues aux cours en présentiel. La pandémie a considérablement augmenté la charge de travail, les programmes et l’apprentissage ayant dû être repensés pour permettre l’enseignement en ligne. Les coupes budgétaires, les licenciements de personnel et la nécessité d’essayer de rattraper le temps d’apprentissage et les évaluations manqués à cause de la pandémie ont fait que le stress au travail s’est poursuivi lors de la réouverture des écoles. L’impact de la COVID-19 a exacerbé les inégalités déjà évidentes dans les systèmes éducatifs, causées par le manque de financement, les effets pernicieux de politiques mal pensées et le manque de participation réelle de la profession à celles-ci dans de nombreuses juridictions.

Pendant la pandémie, cependant, de nombreux syndicats ont indiqué que les enseignant·e·s étaient présenté·e·s de manière plus positive par les médias et les gouvernements, en partie en raison des sacrifices consentis pour continuer à enseigner pendant la pandémie, et en partie parce que les parents ayant fait l’expérience de l’apprentissage à domicile en sont venus à apprécier les compétences et les connaissances nécessaires pour gérer les élèves et leur apprentissage. Cependant, cela n’a pas correspondu à une amélioration de leur statut : leurs salaire, conditions et charge de travail en particulier s’étant détériorés.

Cela indique que le statut des enseignant·e·s n’est pas seulement à facettes multiples, mais que chaque facette dépend des autres facettes. L’amélioration du statut ne peut pas se limiter à l’amélioration des salaires OU à l’amélioration des conditions de travail OU au fait de parler de façon positive des enseignant·e·s dans les médias de temps en temps. Il doit s’agir du salaire ET des conditions ET de la représentation médiatique ET du financement ET des conditions d’emploi ET de la politique d’éducation ET du développement professionnel continu, etc.

Tel est le défi posé par l’amélioration de la condition qui nécessite une intervention à facettes multiples devant inclure les syndicats, les gouvernements, les administrations et autres parties prenantes. Sans cela, il y a un risque, dans certaines juridictions, de pénurie critique d’enseignant·e·s et de départs de la profession.

« Le professionnalisme intelligent, s’il est considéré comme une éthique des relations entre les parties prenantes, pourrait améliorer la condition de la profession dans l’ensemble des systèmes éducatifs. »

Le défi consiste à repenser la manière d’aborder la condition des enseignant·e·s afin que, dans trois ans, nous ne fassions plus les mêmes constatations. Une possibilité est que les syndicats et leurs membres plaident pour un professionnalisme qui reconnaisse les compétences et l’expertise uniques dont disposent les professionnels de l’éducation et qui devraient être mieux utilisées dans les systèmes éducatifs.

Le professionnalisme intelligent signifie que les enseignant·e·s, les directeur·trice·s d’établissements et leurs représentant·e·s élu·e·s des associations/syndicats devraient être dans tous les cas des « expert·e·s » des divers processus et mécanismes qui soi-disant améliorent l’éducation. L’éducation (à tous les niveaux) sera toujours une profession encadrée par l’État, mais il existe des possibilités d’incorporer de manière plus significative la profession dans le processus décisionnel en matière d’éducation. Le professionnalisme intelligent reconnaît que de nombreuses juridictions ont des problèmes structurels uniques qui nécessitent une consultation et une prise de décision dirigée par la profession. Il s’agit d’une approche collective, qui reconnaît que pendant trop longtemps, les individus ont été rendus responsables de problèmes systémiques, ce qui a augmenté la charge de travail et le stress tout en diminuant le plaisir et la satisfaction.

Le professionnalisme intelligent, s’il est considéré comme une éthique des relations entre les parties prenantes, pourrait améliorer la condition de la profession dans l’ensemble des systèmes éducatifs sans qu’il soit nécessaire d’adopter des solutions politiques standardisées et « standardisantes ».

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.