L’enseignement public: un droit que les portugais(es) luttent pour conserver
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Par Mário Nogueira, Secrétaire général de la FENPROF, Federação Nacional dos Professores (Portugal)
Le Portugal est un pays où l'école publique est prédominante et où la réussite de cette dernière peut être mesurée de différentes façon en fonction du contexte.
Dans certains cas, les écoles publiques renforcent l'apprentissage des étudiant(e)s qui obtiennent en conséquence des résultats scolaires exemplaires. Dans d'autres cas, surtout dans les zones au contexte économique, social et culturel très complexe, le succès peut ne pas se refléter complètement dans les résultats scolaires, mais il a une répercussion extrêmement importante sur l'éducation holistique des étudiant(e)s.
C’est pourquoi le succès de l’enseignement public au Portugal, malgré les difficultés qu'il rencontre, est dû au fait qu’il suit une approche visant à l'intégration et souvent inclusive, grâce en bonne partie à la qualité du travail du personnel éducatif et au niveau d’attention que celui-ci prête aux étudiant(e)s.
Contrastant avec cette approche visant à l'intégration et l’inclusion, les écoles privées sont sélectives par nature. Certaines choisissent leurs étudiant(e)s, en rejetant ceux/celles qui présentent des besoins spéciaux en tous genres, que ce soit un handicap, un trouble comportemental ou autres. D'autres écoles reçoivent de l’argent de l’Etat, sous prétexte qu'elles fournissent un service public malgré leur nature privée.
La Constitution de la République portugaise oblige l'Etat à garantir un réseau d'écoles publiques capable de satisfaire les besoins de toute la population.
La Constitution reconnaît également l'enseignement privé. Elle lui attribue un statut de complémentarité, soit parce qu’il assume un caractère supplétif dans des régions où la réponse publique serait insuffisante (avec un enseignement privé garanti par des fonds publics), soit parce qu’il résulte du choix des familles.
Au cours des dix dernières années du XXe siècle et des 15 premières du XXIe, les entrepreneurs/euses du secteur de l'éducation ont exercé de fortes pressions sur les gouverneur(e)s et politiques influent(e)s, certain(e)s de ces hommes/femmes d’affaires ayant des liens avec les établissements privés, d’autres en intégrant les organes de décision. Ceci a conduit à une concurrence directe entre écoles privées et publiques, les établissements privés recevant un financement public considérable chaque année.
Pour attirer des étudiant(e)s, beaucoup de ces écoles privées ont développé des campagnes de diffamation envers les écoles publiques, en plus de l’adoption de stratégies variées visant à vider les établissements publics pour que leurs propres affaires puissent continuer de grandir.
Face à cette situation, des plaintes contre les pratiques illégales de ces écoles privées, et contre le possible favoritisme dont elles faisaient l’objet, ont commencé à se multiplier, la Federação Nacional dos Professores (FENPROF) jouant un rôle moteur auprès de l'opinion publique par l’utilisation des média.
La FENPROF a attiré l'attention sur l'enrichissement rapide de nombreux opérateurs privés et leur violation des normes et conventions légales: par exemple, les opérateurs privés payaient leurs personnels enseignants en dessous du minimum en vigueur, leurs imposaient des horaires allant bien au-delà de ceux établis par la loi, refusaient à leurs travailleurs/euses l’application de leurs droits fondamentaux, et collectaient des frais de scolarité auprès des familles, malgré le financement par l’Etat des étudiant(e)s qui fréquentaient ces établissements. Il en résulte que nombre de ces pratiques adoptées par ces écoles privées ont fait l'objet d'enquêtes de la part de l'Inspection générale de l'Education, donnant lieu à d'innombrables actions disciplinaires.
Au fil des années, les fonds publics ont permis à plusieurs entrepreneurs/euses du secteur de l’éducation de se constituer des empires privés: par exemple, un groupe d'entreprises comptait plus de 30 lycées, un établissement universitaire et toute une variété d’écoles professionnelles, le tout étant connecté à entreprises opérant dans des secteurs apparemment liés, tel que le transport ou le logement. Ces activités néanmoins étaient souvent reliées entre elles de manière nébuleuse et opaque.
Les plaintes ont été si nombreuses qu'une chaîne de télévision portugaise a décidé de mener une enquête approfondie, et ce que l'on craignait est apparu au grand jour. La journaliste Anna Leal a dénoncé l'enrichissement incroyablement fulgurant et rapide des entrepreneurs impliqués, l'usage indu des deniers publics et des pratiques irrégulières ayant violé de nombreuses règles, lors d'une émission qui a eu un grand retentissement et a bénéficié du soutien de plusieurs enseignant(e)s, parmi lesquel(le)s certain(e)s dirigeant(e)s de la FENPROF:
https://www.youtube.com/watch?v=_9vgmMwLXkU.
Le changement politique intervenu au Portugal à la fin de l’année 2015, lorsque le dirigeant socialiste Antonio Costa fut nommé premier Ministre, a toutefois amené des coupes dans le financement public des écoles privées opérant dans des endroits desservis par les écoles publiques. Les propriétaires des écoles privées ont réagi en encourageant des manifestations contre ces coupe, voire même en menaçant et insultant les gouverneur(e)s, les député(e)s des partis de gauche et les dirigeant(e)s syndicaux/ales.
En réponse, la FENPROF a développé diverses initiatives et porté cette problématique au premier plan nationalement en s’appuyant sur des organisations dirigées par des étudiant(e)s et autres organisations culturelles, politiques et sportives, ainsi que sur des artistes, athlètes, sportifs/ives, politiques, pédagogues et dirigeant(e)s du monde associatif et syndical dans différents secteurs d'activité professionnelle, entre autres.
Parmi ces initiatives, on trouve l’installation de tribunes publiques dans les rues, des manifestations et une campagne au cours de laquelle une caravane a parcouru tout le Portugal pendant un mois, afin d’accompagner le dévoilement dans les principales villes du pays des actions d'étudiant(e)s et d’enseignant(e)s dans les écoles.
En outre, la FENPROF a organisé la plus grande manifestation jamais intervenue au Portugal en défense de l’enseignement public au Portugal. Cette manifestation a eu lieu
le 18 juin 2016 à Lisbonne, rassemblant plus de 80 000 personnes lors d’un défilé
. Cet événement fut un grand moment de soutien à l’enseignement public et y ont participé non seulement les organisateurs/trices eux/elles-mêmes, mais aussi des milliers de citoyen(ne)s ordinaires: ceux/celles-ci considèrent l’enseignement public comme un bien social d'une importance capitale pour la nation dans son entier.
Il est évident que la défense de l’enseignement public ne passe pas simplement par l’abolition du financement public d’écoles privées. Défendre l’enseignement public implique également le renforcement des écoles publiques en leur apportant les ressources dont elles ont besoin: ressources matérielles, financières et humaines. La suite au prochain numéro.
Reportage sur le site de la FENPROF ici
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Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.