Uruguay : l’importance d’une campagne mondiale pour défendre notre système national d’éducation publique
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L’Amérique latine, la région la plus inégalitaire du monde, affiche l’un des taux les plus élevés de concentration des richesses mais aussi, en contrepartie, de pauvreté et de marginalisation de la majorité de sa population. Le continent se caractérise en outre par une distribution inégale des revenus, tant directement, en termes de salaires et de pensions, qu’indirectement, en raison du faible investissement des États dans les dépenses sociales publiques.
À cela, il faut ajouter que dans cette région, les budgets de l’État destinés aux politiques publiques garantissant les droits (éducation, santé, logement, entre autres) sont sujets aux cycles économiques, de sorte que le moindre signal négatif dans le domaine de l’économie est susceptible d’entraîner comme première réaction la réduction des budgets dans ces domaines, ce qui a clairement un impact négatif sur la garantie des droits.
Par ailleurs, c’est aussi dans cette région que le processus de marchandisation et de privatisation de l’éducation a connu son essor le plus important. C’est ce qui ressort clairement des travaux de recherche menés par l’Internationale de l’Éducation dans le cadre de la Campagne mondiale contre la privatisation de l’éducation. La convoitise du secteur privé à l’égard des fonds publics destinés à l’éducation, elle-même motivée par l’appât du gain, est un autre élément important à prendre en compte.
Les syndicats de l’éducation ont toujours été engagés dans la lutte pour le financement de l’enseignement public. À la fin du 20e siècle et au cours de la première décennie du 21e siècle, sous la conduite de gouvernements populaires, démocratiques et progressistes, plusieurs pays de la région ont vu leurs budgets de l’éducation augmenter, dans le cadre de programmes gouvernementaux qui visaient à étendre et à concrétiser le droit à l’éducation, en assumant celui-ci comme une responsabilité de l’État.
Bien qu’ayant pris un certain retard par rapport à d’autres pays de la région, l’Uruguay n’a pas fait exception à ce processus, passant d’un investissement dans l’enseignement public de 2,7% du PIB en 2005 à 4,9% du PIB en 2019, avec un taux de fréquentation de 84 % à tous les niveaux. Et ce, en dépit d’un contexte marqué par une offensive vigoureuse contre l’enseignement public, soutenue par les lobbies favorables à la commercialisation de l’éducation, dont les médias de masse se font les porte-voix.
Depuis sa formation en mars 2020, le gouvernement de coalition de droite et d’extrême droite dans notre pays, dont la base idéologique est néolibérale et conservatrice, a impulsé une réduction budgétaire de 0,6 % du PIB (environ 150 millions de dollars américains), des réformes institutionnelles qui ont concentré et privatisé l’élaboration des politiques publiques en matière d’éducation, une transformation de l’éducation selon les directives de la Banque mondiale, de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de la Banque interaméricaine de développement, ainsi qu’une offensive médiatique et une persécution judiciaire systématiques contre les personnels éducatifs, leurs organisations syndicales et leurs responsables.
Dans ce contexte, la Federacion Nacional de Profesores de Enseñanza Secundaria (Fédération nationale des professeurs de l’enseignement secondaire ; FENAPES) a mené une intense campagne qui vise à : mettre fin aux coupes budgétaires et à exiger des investissements accrus ; mettre en évidence et dénoncer le processus de commercialisation et de privatisation de l’éducation ; dénoncer les objectifs de la transformation de l’éducation telle que promue par le gouvernement en exercice, qui menace la qualité de l’éducation des générations futures, en particulier l’accès démocratique à la connaissance ; et dénoncer les attaques contre les personnels éducatifs, leurs conditions de travail et leur développement professionnel, ainsi que leur exclusion de l’élaboration des politiques publiques d’éducation.
Nous avons eu recours à des campagnes d’information et de dénonciation, y compris à travers des approches originales, notamment dans le cadre d’activités culturelles telles que le carnaval et les festivals de musique, d’activités sportives telles que le football et le cyclisme, de la réalisation et de la diffusion d’études mettant en évidence les processus de marchandisation et de privatisation de l’éducation, de l’impression et de la diffusion de matériel graphique destiné aux élèves et aux familles.
Des activités de formation ont été mises en œuvre à l’intention du personnel enseignant, ainsi que des discussions ouvertes avec les travailleuses et les travailleurs de différents secteurs, avec les familles et les élèves. En outre, une campagne de communication a été lancée à la radio et à la télévision, de même qu’une campagne intense sur les réseaux sociaux, sans oublier la tenue d’un congrès pédagogique qui a permis de dégager une série de propositions à mettre en avant par le syndicat.
Ces initiatives ont permis de percer le bouclier médiatique du gouvernement et son plan de réforme, d’atteindre une grande partie de notre société qui a manifesté son soutien à la position syndicale, évitant ainsi la mise à l’écart de notre organisation, qui est devenue un interlocuteur social de poids dans le cadre du débat sur l’éducation et dans la promotion d’un mouvement pour la défense de l’enseignement public.
La réalisation de ces activités a été rendue possible notamment grâce au concours et au soutien de l’Internationale de l’Éducation dans le cadre de la campagne mondiale contre la privatisation et la commercialisation de l’éducation. Pour ce qui concerne l’avenir immédiat, il est essentiel de maintenir ces contributions et ce soutien au travers de cette nouvelle campagne La force du public : Ensemble on fait école !, afin de continuer à peser dans le débat sur le futur de l’éducation, son financement et la protection de la profession enseignante, et de faire front à la commercialisation et à la marchandisation de l’éducation.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.