Renforcer l’enseignement en Afrique : faire front pour obtenir la justice fiscale et une augmentation des financements publics
Nombre de professionnel·le·s de l’enseignement en Afrique se sont réunis au Forum pour le Financement de l’enseignement La force du public : Ensemble on fait école !, à Accra, au Ghana, les 21 et 22 juin. L’événement, organisé en collaboration avec l'Alliance Taxe et Éducation (TaxEd), avait pour objectif de consolider la capacité des syndicats à appeler à une fiscalité juste et équitable permettant de financer totalement les systèmes d’éducation publique.
Plaçant au premier plan la campagne mondiale menée par l’Internationale de l’Éducation « La force du public : Ensemble on fait école ! », le Forum a rassemblé des organisations membres de l’Internationale de l’Éducation du Ghana, du Sénégal et de Zambie afin qu’elles mettent en commun leurs connaissances, établissent des stratégies et donnent davantage d’envergure à l’appel lancé en faveur d’une augmentation du financement public de l’enseignement.
Répondre aux problèmes en appelant à un financement équitable
Le 21 juin, les participant·e·s ont pu suivre une présentation d’ensemble de l’état actuel du financement de l’enseignement dans le monde et des problèmes et solutions identifiés dans le cadre d’une mise au clair des stratégies syndicales dans la lutte pour un financement équitable de l’enseignement. Au cours des observations qu’il a faites en préambule, Christian Addai-Poku, président du comité régional de l’IE pour l’Afrique, a déclaré : « Selon l’UNESCO, il existe un manque de 100 milliards de dollars américains qu’il est nécessaire de combler pour pouvoir atteindre l’Objectif de développement durable (ODD) no 4. De nombreux pays d’Afrique subsaharienne vont devoir doubler leur budget de l’enseignement pour pouvoir atteindre l’ODD 4 d’ici à 2030. Le fait que la part des investissements publics consacrée à l’enseignement soit faible agit comme un catalyseur favorisant la privatisation et la marchandisation de l’éducation. »
Le Forum a porté un éclairage particulier sur l’un des principaux obstacles à l’obtention d’un enseignement public pour tous : la pénurie mondiale d’enseignant·e·s, qui s’élève dans le monde à un déficit d’environ 70 millions d’enseignant·e·s. Cette pénurie a eu un effet particulièrement néfaste en Afrique, comme le prouvent les statistiques alarmantes établies par l’UNESCO :
- Les pays d’Afrique subsaharienne se trouvent devant la nécessité de recruter au moins 16 millions d’enseignant·e·s pour remplacer ceux et celles qui sont parti·e·s, mais ces pays doivent aussi réduire le nombre d’élèves par classe, pour arriver à un ratio enseignant·e-élève de 1:40 (dans le primaire) et de 1:25 (dans le secondaire), alors que les ratios respectifs sont de 1:56 (primaire) et de 1:34 (secondaire) (chiffres de 2020).
- La République centrafricaine, le Tchad, le Malawi, le Mozambique et le Niger devront augmenter le nombre d’enseignant·e·s dans le secondaire d’au moins 15 % par an, et l’Afrique du Sud, de 3,7 % par an.
- L’Afrique subsaharienne est la région qui a le plus bas pourcentage d’enseignant·e·s qualifié·e·s : 57 % en pré-primaire, 67 % en primaire et 61 % dans l’enseignement secondaire.
Les politiques d’austérité et les contraintes des lois sur les salaires du secteur public, imposées par le Fonds Monétaire International (FMI), sont tenues pour des obstacles majeurs à la valorisation de la profession enseignante. L’Internationale de l’Éducation n'a eu de cesse d'en appeler au FMI pour qu’il arrête de recommander aux gouvernements de réduire ou de geler les salaires dans leur pays, par les lois sur les salaires du secteur public, car, comme le montre la recherche dans le domaine, cela a des conséquences dévastatrices sur le secteur de l’éducation, ces politiques constituant un frein au recrutement ainsi qu’au maintien à leur poste des enseignant·e·s qualifié·e·s, de même qu’elles ruinent tous les efforts faits pour consolider les systèmes d’enseignement public.
Pour lutter contre ce recul, les participant·e·s à la réunion ont analysé diverses manières de soutenir, en s’engageant activement au niveau de leur pays, la campagne « La force du public » ainsi que d’autres initiatives visant à évaluer, surveiller et promouvoir l’augmentation et la cohérence d’un financement public de l'enseignement en Afrique.
Le Forum a souligné combien il était important de militer pour que les gouvernements augmentent le financement de l’enseignement public dans leur pays respectif, et ceci, en instaurant des pratiques équitables d’imposition. À ce titre, l'Alliance Taxe et Éducation (TaxEd) joue un rôle crucial dans la sensibilisation sur ce sujet et favorise la compréhension du lien direct qui existe entre les impôts et le financement de l’enseignement.
« La force du public » : un appel commun à un financement complet de l'enseignement public en Afrique
Le 22 juin, l’Internationale de l’Éducation a organisé une réunion de premier plan à laquelle ont pris part d’importantes personnalités politiques et divers acteurs du secteur, notamment Yaw Osei Adutwum, ministre de l’Éducation du Ghana. La résolution de l’IE Afrique sur le financement de l’enseignement était au centre des débats, en tant qu’appel unitaire des syndicats des enseignant·e·s du Ghana, du Nigeria, du Sénégal et de Zambie, mettant en avant les recommandations essentielles et les priorités dans la lutte pour un financement durable de l'éducation dans la région.
La résolution appelle instamment les gouvernements africains à accorder leur priorité à l’enseignement public, à lui consacrer des budgets adéquats et à investir dans la profession enseignante en « augmentant le financement national de l’enseignement, notamment par le biais d’une fiscalité juste et et la mise en place d’impôts progressifs. »
La résolution appelle également les institutions financières internationales et en particulier le FMI et la Banque mondiale à « cesser d’imposer des mesures d’austérité et des conditions d’emprunt dommageables aux nations africaines. » Le texte appelle instamment les Nations unies, ainsi que les institutions financières au niveau mondial ou transnational et les autres partenaires dans le développement, à « accorder aux pays africains l’effacement de leurs dettes. »