Investir dans l’avenir : financer l’éducation de la petite enfance
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Sur la base de mon expérience en tant qu’enseignante dans ce secteur, je peux témoigner du pouvoir transformateur que peut avoir pour les enfants une éducation de la petite enfance (EPE) de qualité. L’EPE va au-delà de l’apprentissage des chiffres ou des lettres de l’alphabet. Les jeux et le contact avec la nature en plein air sont tout aussi importants pour les enfants, dans la mesure où ils nourrissent leur créativité et jettent des bases solides pour leur épanouissement global. L’EPE constitue en outre la pierre angulaire du développement des compétences cognitives, socio-émotionnelles et psychomotrices des enfants, leur donnant les moyens de réussir à l’école et dans la société en général.
L’éducation est un droit humain et un bien public. Selon la Déclaration universelle des droits humains, tout enfant a droit à une éducation de qualité. À l’occasion de la Conférence mondiale sur l’éducation et la protection de la petite enfance (CMEPPE), en 2022, les parties prenantes ont réaffirmé que l’accès à une EPPE inclusive et de qualité favorise le bien-être et le développement global de l’individu, encourage l’apprentissage tout au long de la vie, l’égalité de genre, l’équité sociale et le développement durable, en dotant tous les enfants des bases nécessaires pour réaliser pleinement leur potentiel.
Cependant, malgré l’importance cruciale qu’elle revêt, l’EPE reste largement sous-financée par rapport aux autres niveaux d’éducation, a fortiori dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, ce qui a pour effet d’entraver la réalisation de la cible 4.2 [1] de l’objectif de développement durable n° 4 (ODD 4).
Pour atteindre cette cible, il est recommandé d’allouer à l’EPE 10 % du budget de l’éducation publique et 1 % du PIB ; or, les montants alloués par de nombreux pays à travers le monde sont nettement inférieurs à ces valeurs de référence.
Ainsi, la plupart des pays n’allouent en moyenne que 6,6 % du budget de l’éducation et 0,43 % de leur PIB à l’éducation de la petite enfance. De plus, dans des régions comme l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe, ainsi que le Moyen-Orient, les gouvernements allouent moins de 3 % de leur budget d’éducation à l’EPE. De même, les pays de l’OCDE consacrent en moyenne un peu plus de 0,8 % de leur PIB à l’EPE, avec des exceptions notables n’y consacrant que 0,5 % : Colombie, Costa Rica, Irlande, Portugal, Türkiye et États-Unis.
Le sous-financement menace l’accès équitable
L’insuffisance des investissements des gouvernements dans l’EPE a pour conséquence un accès limité et une participation accrue des acteurs non étatiques dans le secteur. De fait, sur les 183 pays pour lesquels des données sont disponibles, environ 120 (66 %) n’ont pas encore adopté de cadre législatif pour garantir une EPE gratuite et obligatoire. Il en résulte que seuls 60 % des enfants âgé·e·s de trois à six ans ont la possibilité de participer à des programmes d’EPE, alors que les taux de participation sont encore plus faibles dans les régions où les niveaux de revenus sont inférieurs.
Cette situation est aggravée par la présence croissante d’acteurs privés dans le secteur de l’éducation de la petite enfance. L’EPE est le secteur où la participation des acteurs privés est la plus élevée, or cette participation n’a cessé d’augmenter, passant de 28 % en 2000 à 38 % en 2020. Une telle montée en puissance des acteurs non étatiques représente une grave menace pour l’accès équitable à l’éducation de la petite enfance. Ainsi, dans l’éducation préscolaire, le taux de fréquentation des enfants issus des familles les plus pauvres d’Afrique subsaharienne est inférieur à 10 %. Cela s’explique par le fait que leurs familles n’ont pas les moyens de payer les frais d’inscription dans les établissements privés, ce qui exacerbe les inégalités et empêche les enfants de réaliser leur potentiel en vue d’un avenir meilleur.
L’impact sur le personnel de l’EPE
Les conditions de travail du personnel de l’EPE sont également impactées par la participation accrue des acteurs privés dans le secteur.
Pour atteindre l’ODD 4.2, il faut donner la priorité au secteur de l’EPE, ce qui implique de renforcer l’accès à une EPE de qualité pour toutes et tous, mais aussi d’investir dans un personnel bien formé et adéquatement encadré. Un personnel qualifié et adéquatement formé a un impact positif sur la qualité de l’EPE, ce qui, à son tour, a un effet positif sur les résultats cognitifs et sociaux des enfants. Toutefois, du fait du sous-financement structurel, le secteur reste confronté à des problèmes persistants qui affectent le personnel de l’EPE : mauvaises conditions de travail, bas salaires et manque de reconnaissance de la profession. L’ensemble de ces facteurs contribuent aux taux de rotation élevés, souvent supérieurs à 40 %, ainsi qu’à l’attrition et à la pénurie des personnels enseignants. Par ailleurs, le sous-financement chronique et les tendances qui en découlent ont un impact disproportionné sur les femmes, qui représentent 94 % des personnels de l’EPE à l’échelle mondiale.
L’heure est à l’action
Pour relever ces défis urgents, les gouvernements doivent remplir leurs obligations et consacrer au moins 10 % du budget national de l’éducation publique et 1 % du PIB à l’instauration d’une éducation de qualité et accessible. Ils doivent également allouer davantage de fonds aux enfants économiquement vulnérables et marginalisé·e·s. D’autre part, conformément aux directives de l’OIT sur la promotion du travail décent pour le personnel de l’éducation de la petite enfance, les organisations internationales doivent inciter les gouvernements à améliorer le statut des personnels de l’EPE, à améliorer leurs conditions de travail, à prévenir les pénuries et à veiller à ce que leurs qualifications, leur statut et leur rémunération soient comparables à ceux des personnels enseignants des autres niveaux d’enseignement, ainsi qu’à développer et à améliorer les mécanismes de régulation. Afin de remédier au sous-financement chronique de ce secteur, il conviendrait de mettre en place une fiscalité progressive permettant aux gouvernements de lever des fonds destinés au financement de l’EPE. La boîte à outils d’ActionAid sur le financement de l’éducation ( Transforming Education Financing Toolkit) offre des pistes précieuses en ce sens. Enfin, les gouvernements et les employeurs devraient s’engager activement dans un dialogue politique et social constructif avec les syndicats représentant le personnel de l’EPE. Des cadres d’évaluation et des rapports réguliers sur l’utilisation des ressources allouées à l’EPE devraient être disponibles, afin de garantir la transparence et la responsabilité vis-à-vis des syndicats et des citoyennes et citoyens.
En tant qu’enseignante passionnée qui a été témoin du pouvoir transformateur de l’EPE, je suis convaincue que la promotion de ces stratégies par le biais de cadres politiques mondiaux peut ouvrir la voie à une EPE de qualité et inclusive pour toutes et tous, préparant ainsi le terrain pour la réussite future de chaque enfant et une société plus uitable.
D’ici à 2030, faire en sorte que toutes les filles et tous les garçons aient accès à des activités de développement et de soins de la petite enfance et à une éducation préscolaire de qualité qui les préparent à suivre un enseignement primaire.
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.