Tanzanie : les dirigeants syndicaux libérés de prison remercient l’Internationale de l’Éducation et ses organisations membres pour leur solidarité
Les dirigeants du syndicat tanzanien de l’éducation qui avaient été arrêtés ont été libérés après que l’Internationale de l’Éducation (IE), le bureau régional africain de l’IE et des syndicats membres dans les pays de la région se sont mobilisés rapidement pour prendre leur défense.
L’IE et ses organisations membres avaient fermement condamné l’arrestation, la torture et la détention prolongée de Japhet Maganga, secrétaire général du syndicat des enseignant·e·s de Tanzanie (Tanzania Teachers Union - TTU) ainsi que de neuf autres dirigeants syndicaux, à Dodoma. Nous en avions appelé au gouvernement tanzanien pour que leur soit accordée une libération immédiate et sans condition et que soit garanti le respect de la liberté d’association pour les employé·e·s du secteur de l’éducation.
Les syndicalistes libérés sont tout de même encore contraints de se présenter à la police et ils ont informé l’IE que « l’affaire n’est pas résolue car existe la possibilité qu’ils soient renvoyés devant un tribunal à tout moment. »
« C’est dans les termes les plus sévères que nous dénonçons ces arrestations, ainsi que l’interférence dans les affaires internes du syndicat de la part de plusieurs personnes occupant des postes décisionnels au sein du gouvernement. Par la présente déclaration, nous exigeons la libération immédiate et sans condition de Japhet Maganga et de tous les dirigeants syndicaux arrêtés vendredi par la police, et nous vous demandons instamment de bien vouloir exercer votre autorité afin de garantir que les membres du gouvernement tanzanien cessent de s’immiscer dans les affaires internes du syndicat », avait écrit David Edwards, secrétaire général de l’IE, dans une lettre adressée à Samia Suluhu Hassan, présidente de la République de Tanzanie, en réaction à la détention des leaders syndicaux.
Japhet Maganga et les autres dirigeants syndicaux avaient été arrêtés le vendredi 16 février au cours d’une réunion du conseil national du TTU, tout à fait légale et protégée par la charte des syndicats et le droit tanzanien du travail.
Edwards a ajouté que le gouvernement tanzanien ne devait pas interférer dans les affaires internes du syndicat, sous peine de commettre « une violation patente des acquis internationaux en termes de droit du travail. Les membres du gouvernement doivent renoncer à vouloir déterminer de façon directe ou indirecte qui devrait être élu ou maintenu comme secrétaire général ou membre représentatif du TTU. »
« Nous vous prions de bien vouloir accorder sans délai votre attention à cette question et vous invitons instamment à prendre les mesures nécessaires afin de protéger les droits et l’autonomie du TTU », a conclu Edwards.
Dennis Sinyolo, directeur du bureau de l’IE pour l’Afrique (IEA), a lui aussi condamné l’action menée par la police, considérant qu’il s’agissait d’une grave violation des acquis internationaux du droit du travail, en particulier des conventions 87 et 98 de l’Organisation internationale du Travail (OIT), lesquelles garantissent la liberté d’association ainsi que le droit de s’organiser et de mener des négociations collectives. La Tanzanie est l’un des pays signataires de ces conventions, a précisé Sinyolo.
« L’Internationale de l’Éducation pour l’Afrique condamne fermement le harcèlement, l’intimidation et l’arrestation de Japhet Maganga ainsi que d’autres dirigeant syndicaux. Nous appelons à leur libération immédiate et sans condition. En conformité avec le droit international du travail, il est impératif que le gouvernement tanzanien respecte le droit du TTU à élire de façon indépendante les personnes qui le dirigeront et à mener ses activités sans être soumis à quelque forme d’interférence que ce soit », avait déclaré Sinyolo.
Sinyolo avait également appelé les organisations membres de l’IE en Afrique et les partenaires dans la coopération pour le développement à faire pression sur les autorités de Tanzanie afin que Japhet Maganga et les autres leaders syndicaux soient libérés immédiatement et sans condition, et pour que lesdites autorités cessent de s’immiscer dans les affaires internes du syndicat, et ceci afin de garantir le respect des droits des syndicats professionnels, et notamment la liberté d’association.
En Afrique, d’autres syndicats de l'éducation ont dénoncé la situation. C’est en particulier le cas, en Afrique du Sud, de l’Organisation nationale professionnelle des enseignant·e·s d’Afrique du Sud (National Professional Teachers' Organisation of South Africa, NAPTOSA) et du Syndicat sud-africain démocratique des enseignant·e·s (South African Democratic Teachers' Union (SADTU), qui en ont appelé au gouvernement tanzanien sur les points suivants :
- Garantir la libération immédiate et sans condition de Japhet Maganga, secrétaire général du TTU, et des autres dirigeants du TTU arrêtés alors qu’ils menaient une tâche tout à fait légale dans le cadre de leur travail syndical (ce que protège la charte syndicale tout comme le droit du travail en Tanzanie) et ensuite détenus illégalement ;
- Respecter et appuyer les droits et les libertés fondamentaux des enseignant·e·s et des travailleur·euse·s du secteur de l’éducation, notamment la liberté d’association et de parole mais aussi le droit de se réunir de façon pacifique sans que l’État intervienne ;
- Révoquer la décision annoncée du renvoi de M. Maganga de son poste d’enseignant ;
- Garantir que les membres du gouvernement et la police renoncent effectivement à s’immiscer dans les affaires internes du syndicat, et ceci afin de respecter le droit international du travail ainsi que les lois tanzaniennes ;
- Enfin, s’assurer qu’existe un dialogue continu avec le TTU afin d’apporter une réponse aux questions concernant les politiques éducatives et les enseignant·e·s.
L'Association nationale des enseignant·e·s d'Eswatini (Swaziland National Association of Teachers, SNAT) a fait remarquer que « le harcèlement à l’encontre du secrétaire général Maganga n’est pas nouveau, puisque le même gouvernement a refusé de reconnaître ce dirigeant démocratiquement élu à la tête du TTU, puis de payer son salaire avant de lui ordonner par la force de renoncer à ses fonctions au sein du TTU et de reprendre son travail d’enseignant dans son établissement. »
Le syndicat d’Eswatini a également demandé au gouvernement de Tanzanie de mettre rapidement un terme à « de telles dérives dictatoriales et aux actes destinés à instiller la peur chez les membres des syndicats dans le pays », ajoutant que, « par nature, les syndicats professionnels lutteront toujours contre la violation des droits de leurs adhérent·e·s et seront toujours indépendants de tout gouvernement qui ne sera pas établi par les travailleur·euse·s eux·elles-mêmes. »
Le Syndicat National de l’Enseignement Primaire Public de Côte d’Ivoire (SNEPPCI) et le Syndicat National des Agents de la Formation et de l’Éducation du Niger (SYNAFEN) ont eux aussi condamné les arrestations, soulignant qu’elles constituaient « une grave violation des acquis internationaux en matière de droit du travail, en particulier de la convention 87 de l’OIT sur la liberté d’association et la protection du droit de s’organiser, ainsi que de la convention 98 de l’OIT sur le droit de s’organiser et de mener des négociations collectives, conventions dont la Tanzanie est signataire. »
L’Internationale de l’Éducation s’est engagée à surveiller scrupuleusement la situation et, le cas échéant, à rapporter toute violation des droits syndicaux en Tanzanie auprès d’organismes internationaux comme les Nations unies, l’OIT, l’UNESCO, le Partenariat mondial pour l’éducation ou encore la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.