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Les syndicats de l’éducation aux avant-postes de la promotion et de l’avancée des droits des LGBTI+ au niveau mondial

Publié 27 juillet 2024 Mis à jour 28 juillet 2024

Alors que les personnes LGBTI+ sont aujourd’hui représentées, à tort, comme une « menace morale » pour la société afin de détourner l’attention loin des échecs des politiques d’austérité et de supprimer davantage de droits civils et humains, le Caucus LGBTI+ a discuté de l’état actuel des droits des LGBTI+ dans le monde du travail et dans les systèmes éducatifs à l’échelle mondiale. Le Caucus LGBTI+ a également exploré les actions entreprises par les syndicats et leur impact sur la progression des droits des LGBTI+.

Offrant un espace sécurisé aux délégué·e·s participant au Congrès mondial de l’Internationale de l’Éducation (IE) 2024, ce Caucus est un événement collaboratif invitant les participant·e·s à prendre part à des discussions de groupe afin de partager leurs expériences et stratégies en vue d’encourager la solidarité.

Dans son allocution d’ouverture, Mugwena Maluleke, membre du Bureau exécutif de l’IE et Vice-président pour l’Afrique, a souligné : « Je suis né en Afrique du Sud, un pays qui s’est rendu coupable de crimes contre l’humanité à cause de l’apartheid. Les libertés et les droits dont jouissaient les autres êtres humains n’étaient pas automatiquement accordés à la majorité noire et la constitution de l’apartheid criminalise toute liberté fondée sur l’identité de genre, l’orientation ou la préférence sexuelle. J’ai grandi pendant cette période où, en tant que militantes et militants, nous nous sommes battus pour que ces libertés et ces droits fassent partie de la constitution de la République. Je vous exhorte à poursuivre le combat pour les droits LGBTI+ car ce sont des droits humains, et c’est notre affaire en tant que syndicats et militants. »

Il a également noté que l’IE reste ferme dans ses valeurs selon lesquelles chaque enseignante et enseignant et chaque membre des personnels de soutien à l’éducation a le droit de travailler sans discrimination ni violence, quelle que soit son orientation sexuelle, son identité de genre, son expression de genre ou ses caractéristiques sexuelles. « Nos syndicats jouent un rôle crucial dans la défense de systèmes éducatifs inclusifs et de communautés scolaires où les élèves, les enseignantes et enseignants, les personnels de soutien à l’éducation LGBTI+ et leurs familles se sentent les bienvenus, en sécurité, valorisés et respectés. »

« Face à un recul mondial inquiétant des droits des personnes LGBTI+, nous savons que nos efforts de plaidoyer sont une force indispensable pour le progrès. Nous devons remettre en question les systèmes oppressifs, exiger des comptes des gouvernements, encourager la solidarité internationale et, surtout, créer un espace de joie », a-t-il ajouté.

Il a conclu en annonçant que « dans un geste fort, l’IE a rejoint ILGA World, l’association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées, une fédération mondiale d’organisations de plus de 160 pays et territoires qui font campagne pour les droits humains des personnes LGBTI+ ».

En collaboration avec d’autres syndicats mondiaux, l’IE organisera une délégation syndicale à la Conférence et accueillera un Forum des travailleur·euse·s et des syndicats LGBTI+. Cet événement créera une plateforme de dialogue, de partage des connaissances et de planification stratégique entre les participant·e·s afin d’amplifier la voix des travailleur·euse·s LGBTI+.

Un aperçu mondial des droits des LGBTI+ dans l’éducation

Lainie Keper, de l’IE, a également présenté les conclusions de la section du Rapport quadriennal de l’IE sur l’égalité des genres et la diversité explorant le travail mené par les syndicats de l’éducation afin de promouvoir les droits des personnes LGBTI+.

Insistant sur la multiplication par 2 du nombre de réponses, passant de 59 à 114 réponses en comparaison avec la dernière enquête LGBTI+ menée par l’IE en 2014, et une répartition régionale plus équilibrée des réponses. Lainie Keper a déclaré que ces résultats indiquent que davantage de syndicats de l’éducation considèrent les questions touchant les LGBTI+ comme un enjeu syndical.

Lainie Keper a également souligné que les réponses au questionnaire mettaient en évidence un nombre déjà considérable (42,1 %) de syndicats menant des activités de plaidoyer ou de recherche pour soutenir les droits LGBTI+ au niveau national, la proportion la plus élevée se trouvant en Amérique latine. La nature des activités ainsi menées est très disparate, allant de l’organisation de formations à la participation à des événements des Fiertés en passant par la mise en place d’un soutien aux membres des syndicats dans les affaires de discrimination.

Dans l’ensemble, a-t-elle noté, les chercheur·euse·s ont constaté que les syndicats adoptent généralement une position plus progressiste que leurs gouvernements en ce qui concerne les droits des LGBTI+, et ce même dans les contextes les plus difficiles. Cependant, dans l’ensemble des régions, les syndicats ont déclaré être préoccupés en raison des réactions hostiles à l’égard des droits LGBTI+, alimentées par les gouvernements autoritaires et les personnalités politiques de droite ainsi que leurs alliés.

Fait important, parmi les syndicats interrogés, la majorité, soit 66 sur 114 (57,9 %), prévoient d’intensifier leurs efforts de défense des droits des personnes LGBTI+ dans les années à venir. De plus, dans l’ensemble des régions, les syndicats interrogés ont fait part de leur désir d’en apprendre davantage sur les options qui s’offrent à eux afin de mieux soutenir la communauté LGBTI+.

Les participant·e·s au Caucus n’ont pas seulement analysé les conclusions du rapport quadriennal de l’IE sur l’égalité des genres et la diversité de manière approfondie, il·elle·s ont également débattu et contribué à façonner les prochaines étapes du travail collectif engagé par l’IE afin de protéger et défendre les droits des personnes LGBTI+.

Encourager le leadership LGBTI+

La table ronde sur le leadership LGBTI+ en 2024, animée par Kirsty Farrant, secrétaire générale de la New Zealand Post Primary Teachers’ Association (NZPPTA), a réuni des dirigeant·e·s LGBTI+ des régions de l’IE qui ont discuté de la constitution de syndicats et des salles de classe inclusifs au profit des personnes LGBTI+ et la manière avec laquelle, il·elle·s vivent leur identité dans le monde syndical. La table ronde a également inspiré des idées aux dirigeant·e·s LGBTI+ de demain, révélant les voies qui s’offrent à nous pour construire des syndicats forts et accueillants, prêts à défendre les droits des personnes LGBTI+.

Mamoholoane Folene (Hully), secrétaire général du Syndicat des enseignants du Lesotho (LTTU), a déclaré : « Au Lesotho, il est difficile d'expliquer qui je suis tous les jours, alors je dis : appelez-moi comme vous voyez ».

La lutte pour les droits des LGBTI+ se poursuit, explique Folene : « Lorsqu'un enseignant a été harcelé à l'école en raison de sa sexualité et relevé de ses fonctions par le Conseil de l’école, le syndicat est intervenu et il a été réintégré. Et le ministère de l'Éducation reste silencieux sur les personnes LGBTI+. Nous demandons donc au ministère : Vous nous soutenez ou non ?

« Mon conseil », a conclu le syndicaliste, « est que les LGBTI+ doivent être intrépides et ne pas avoir peur de défendre leurs droits. Elles et ils ont le droit d'élire et ont le droit d'être élues et élus au sein de leurs syndicats. »

Pour Alex Hanke, membre de l'équipe de direction du Comité fédéral des femmes du syndicat allemand Gewerkschaft Erziehung und Wissenschaft (GEW), et membre du Comité fédéral du GEW pour les personnes queers, « il y a 35 ans, la situation des personnes LGBTI+ était très différente et les questions LGBTI+ sont désormais de plus en plus présentes dans le grand public. À l'école, je suis acceptée à la fois par les élèves et les enseignantes et enseignants. Il y a un besoin et la demande de formation dans ce domaine a augmenté. Les événements syndicaux sur les questions LGBTI+ sont toujours complets très rapidement. Auparavant, ces événements étaient principalement fréquentés par les enseignantes et enseignants et les étudiantes et étudiants LGBTI+, mais aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Les étudiantes et étudiants sont intéressés et pour elles et eux, l'inclusion des étudiantes et étudiants LGBTI+ est une question d’une importance cruciale. »

« Cependant, l'intérêt ne signifie pas nécessairement l'acceptation. En raison d'un mouvement anti-droits, des drapeaux arc-en-ciel ont été détruits dans des écoles. Nous avons besoin que des personnes défendent publiquement les droits des LGBTI+ et que les syndicats donnent une voix à ces personnes », a-t-elle souligné.

Nouer des alliances pour les droits des LGBTI+

Pendant la deuxième table ronde, « Avancer ensemble : l’impact des syndicats sur la progression des droits des LGBTI+ », les participant·e·s ont partagé les succès récents de leur syndicat dans la lutte pour les droits des personnes LGBTI+. Il·elle·s ont donné un aperçu des stratégies adoptées, partagé les leçons tirées de leurs expériences y compris les difficultés rencontrées et les stratégies pour les surmonter et ce qu’il·elle·s ont identifié comme facteurs de victoire.

Le modérateur de cette table ronde, Youri Blanchet, président de la Fédération de l'enseignement collégial-Centrale des syndicats du Québec (FEC-CSQ) au Canada, a souligné qu'« au Québec, au Canada, une table ronde contre l'homophobie et la transphobie dans les réseaux d'éducation a été mise sur pied en 2006. Il s'agit d'un organe de cohésion et de consultation. Des ministres, des organisations d'employeurs, des groupes communautaires, des groupes de parents, des associations étudiantes et des groupes syndicaux se sont réunis autour d'une même table pour améliorer l'accès au système éducatif pour les élèves, les enseignantes et enseignants et les personnels de soutien à l'éducation LGBTI+. Depuis 2017, nous avons vu les effets de cet outil : les guides élaborés au sein de cet organisme ont servi de référence pour le guide officiellement diffusé par le ministère de l'Éducation. En tant que syndicat, nous avons gagné en crédibilité. »

Pour Cecilia Vercellino de la Federación Nacional de Profesores de Enseñanza Secundaria (FeNaPES), en Uruguay, son syndicat a été pionnier et n'a cessé de travailler pour faire progresser les droits. « Nous avons eu des résultats positifs, des conquêtes sociales pour les droits des LGBTI+ après des années d'un gouvernement progressiste. En tant que syndicat, FeNaPES travaille au sein d'une coalition syndicale plus large et considère les mouvements sociaux et féministes comme des alliés clés. Nous voulons intégrer ce concept de diversité dans nos lois, en faire un thème transversal. »

Reconnaissant que son syndicat de l'éducation est féminisé, elle a déclaré que « les problématiques des femmes ne devraient pas être enfermées dans des réseaux de femmes, mais être abordées par l'ensemble du mouvement syndical. Par exemple, nous avons des femmes trans dans le syndicat et nous intégrons leurs problèmes dans notre plateforme politique. »

En clôturant le Caucus, Greta Pena, membre fondatrice de l'association civile « 100% Diversité et Droits », a souligné la nécessité de construire des alliances et des programmes pour renforcer les droits de la communauté LGBTI+, appelant les délégué·e·s à adopter une perspective de diversité : « Une perspective est une position pour observer le monde et entrer en relation avec les autres. En nous positionnant à partir de là, nous nous concentrons sur une dimension qui propose d'identifier et de reconnaître de manière spécifique et transversale les besoins, les intérêts, les violences, les inégalités et les discriminations structurelles et historiques que subissent les personnes LGBTI+.

Elle a conclu en rappelant que « les avancées en matière de droits des personnes LGBTI+ ont bénéficié à la société en général et ont amélioré la démocratie. Cependant, ces améliorations ont provoqué des réactions anti-droits, qui se sont traduites par des revers et des discours de haine critiquant l'enseignement public, les syndicats, le féminisme et la diversité sexuelle. »

L’impact du mouvement mondial anti-droits/anti-genre sur la communauté LGBTI+ a été un thème de discussion clé lors du Caucus. En effet, des coalitions d’acteur·trice·s (personnalités politiques, gouvernements, organisations religieuses, organisations de la société civile et autres), souvent doté·e·s de soutien financier international important, sont à la tête d’un mouvement de droite visant à détruire les lois et normes nationales et internationales qui protègent et promeuvent les droits des LGBTI+.

Ce sujet primordial sera également repris lors de la séance parallèle en sous-groupe « Mobiliser pour les droits et l’égalité de genre face au nationalisme et à l’autoritarisme d’extrême droite », qui se tiendra également lors du Congrès mondial.