Ei-iE

Halte au harcèlement et aux persécutions à l’encontre du système éducatif public et des universités publiques en Argentine

Résolution du 10e Congrès mondial

Publié 2 août 2024 Mis à jour 16 octobre 2024

Le 10e Congrès mondial de l’Internationale de l’Education, réuni à Buenos Aires, Argentine, du 29 juillet au 2 août 2024

Considérant

  1. Que le 24 juillet 2024, le gouvernement argentin – par l’intermédiaire du ministère du Capital humain, dont dépendent désormais le ministère de l’Education et le sous-secrétariat aux politiques universitaires – a pris la décision de nommer un recteur pour l’Université nationale Madres de Plaza de Mayo (UNMa), ce qui constitue une intervention du pouvoir exécutif en violation du principe d’autonomie des universités, principe consacré par la Constitution et les lois argentines.
  2. Que cette décision arbitraire méconnaît les autorités légitimement élues par le co-gouvernement de ladite institution, qui a été normalisée le 6 décembre 2023. Il s’agit d’une escalade dans l’attaque portée contre les universités publiques argentines par le gouvernement de Javier Milei, qui les soumet à une crise budgétaire et salariale sans précédent, et qui déploie contre elles une campagne visant à discréditer leur activité sous l’accusation infondée d’inefficacité, de corruption et d’endoctrinement.
  3. Que depuis décembre 2023, le gouvernement de Javier Milei a totalement paralysé le transfert des ressources échu en vertu de la loi à l’université UNMa, laissant cette institution dépourvue de financement et ses employés privés de salaire.
  4. Que l’acharnement du gouvernement à l’encontre de l’UNMa est également lié à la stigmatisation de la lutte en faveur des droits humains et au mépris permanent à l’égard des Mères et Grand-mères de la Plaza de Mayo, qui constituent un pilier fondamental de la démocratie argentine.
  5. Que cette décision s’inscrit dans le contexte d’une politique de réduction des dépenses publiques et de l’Etat, entraînant un sous-financement drastique de l’ensemble du système éducatif, universitaire et scientifico-technologique, et ce à la suite de la décision du gouvernement national de se soustraire à sa responsabilité de garantir le droit à l’éducation ainsi qu’à son obligation de garantir aux travailleuses et aux travailleurs des salaires et des conditions de travail adéquats. Cette politique se voit reflétée dans la suppression du Fonds national d’incitation des enseignants et dans l’obstruction au dialogue et à la négociation collective au sein des commissions paritaires nationales des enseignant·e·s et des universités, lesquelles se sont vu imposer des décisions unilatérales de l’exécutif que les syndicats ont rejetées.
  6. Que, en outre, le gouvernement de Javier Milei met en œuvre une politique de criminalisation de la contestation et de persécution des organisations populaires, qui a pour corollaire le projet de réforme du travail et de réforme pénale qui, s’il était mis en œuvre, porterait atteinte aux droits consacrés au niveau national et international, acquis démocratiquement grâce aux luttes du peuple argentin.
  7. Que, dans le cadre de cette politique de persécution, le gouvernement promeut la déclaration de l’éducation comme service essentiel, dans le but manifeste de restreindre le droit de grève dans ce secteur. C’est également dans ce cadre que le gouvernement a mis en place un protocole d’intervention des forces de sécurité de l’Etat dans les manifestations publiques, dont les directives violent la liberté d’expression, la liberté d’association et le droit de manifester pacifiquement, et dont la mise en œuvre a déjà donné lieu dans plusieurs cas à des abus d’autorité, des intimidations, des violences policières, et – particulièrement lors de la mobilisation du 13 juin 2024 devant le Congrès national à Buenos Aires – à des arrestations arbitraires et des accusations très graves à l’encontre des protestataires, qui incluent celles de tentative de coup d’Etat et d’actions « terroristes ».

Dénonce

  1. Le fait que l’intervention contre l’UNMa constitue une atteinte à l’autonomie des universités, et traduit une intention manifeste de museler les voix critiques et d’imposer une vision idéologique unique, contraire aux droits humains et aux principes qui doivent régir une société démocratique.
  2. Que la politique de réduction budgétaire et salariale dans le système éducatif, les universités et les organismes de recherche, outre la stigmatisation de la profession enseignante dans les écoles publiques et les universités, ainsi que les déclarations et les actions des responsables gouvernementaux qui visent à réprimer toute manifestation critique, violent les droits humains et les principes démocratiques, et restreignent les droits à l’éducation, à la connaissance, au travail dans des conditions décentes, à la représentation collective et à l’activité syndicale, portant également atteinte à la liberté académique et à la liberté d’expression des personnels enseignants à tous les niveaux du système éducatif.
  3. Que ces mesures vont à l’encontre des droits fondamentaux reconnus par l’OIT, des lignes directrices et des normes énoncées dans la Recommandation conjointe de l’OIT et de l’UNESCO concernant la condition du personnel enseignant (1966) et la Recommandation de l’UNESCO concernant le personnel enseignant de l’enseignement supérieur (1997), ainsi que dans les récentes recommandations du Groupe de haut niveau de l’ONU sur la profession enseignante (2022).

Le Congrès exprime donc

  1. Sa solidarité avec la lutte des syndicats et du peuple argentins pour la défense de l’éducation publique, de l’université publique, des droits humains et de la démocratie.
  2. Son rejet de l’intervention du gouvernement à l’Université nationale Madres de Plaza de Mayo et de l’arrêt de son financement.
  3. Sa reconnaissance pour la lutte et le courage des Mères et Grand-mères de la Place de Mai.
  4. Exige du gouvernement argentin qu’il cesse tout harcèlement à l’encontre du système éducatif et de l’université publics, et qu’il renonce à la persécution à l’encontre de leurs organisations et de leurs dirigeant·e·s syndicaux·ales.
  5. Et demande à l’IE de continuer à soutenir les syndicats affiliés argentins dans la dénonciation de cette situation auprès des instances nationales et des organisations internationales compétentes, ainsi que de promouvoir une campagne internationale de sensibilisation, de mobilisation et de solidarité autour des revendications formulées.