Les syndicalistes LGBTI du monde entier s’unissent contre les attaques faites à leurs droits
Plus de 150 syndicalistes – y compris des représentant·e·s des organisations membres de l’Internationale de l’Éducation (IE) –, militant·e·s et allié·e·s du monde entier se sont rassemblé·e·s pour discuter de la montée du mouvement de lutte contre les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes (LGBTI) et développer des stratégies visant à amplifier le soutien aux travailleur·euse·s, communautés et personnes LGBTI à travers la planète. Ces sujets ont été abordés lors d’une pré-conférence organisée par le comité de coordination LGBTI du Conseil des Global Unions (CGU) en amont de la Conférence mondiale de l’ILGA, de retour en Afrique pour la première fois depuis 25 ans.
La pré-conférence syndicale de l’ILGA : une plateforme historique
Cet événement a marqué un tournant dans l’histoire syndicale mondiale : 120 organisations du CGU représentées et des voix critiques venues du Nord comme du Sud, engagées dans un dialogue constructif. Par ailleurs, il s’agissait pour l’IE de sa première participation en tant que membre associée de l’ILGA World, l’Association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes, alliée de longue date du mouvement syndical.
Organisée au Cap, en Afrique du Sud, la pré-conférence syndicale a permis aux syndicalistes LGBTI d’engager une réflexion sur leurs combats et leurs victoires, ainsi que d’élaborer des stratégies de protection et de promotion des droits des travailleur·euse·s LGBTI dans le monde.
Le programme de la pré-conférence a été conçu par des syndicalistes LGBTI du CGU, avec les conseils des syndicats sud-africains, des organisations membres affiliées à l’ILGA et du comité de coordination LGBTI du CGU. Il a mis en lumière l’importance de la solidarité et l’urgence de lutter contre la violence et le harcèlement à l’encontre des travailleur·euse·s LGBTI grâce à la mise en œuvre de la Convention 190 de l’Organisation internationale du Travail (OIT). L’événement a également été marqué par des moments de joie, notamment des chants, danses et témoignages émouvants issus du mouvement de libération d’Afrique du Sud, qui ont rappelé le pouvoir de l’action collective.
Dans un esprit de solidarité, le comité de coordination LGBTI du CGU a apporté, par l’intermédiaire du centre de solidarité syndicale de Finlande (SASK), une aide financière qui a permis à 16 syndicalistes LGBTI de pays du Sud d’assister à un atelier de deux jours en amont de la conférence officielle. Rassemblant 30 participant·e·s d’Afrique australe, cet atelier portait sur la lutte contre la violence et le harcèlement au travail.
Des voix de leadership et de solidarité
Les remarques introductives ont donné le ton d’un événement transformateur. Zingiswa Losi, présidente de la Confédération des syndicats d’Afrique du Sud (Confederation of South African Trade Unions – COSATU), a souligné la nécessité pour les organisations syndicales d’appuyer la ratification et la mise en œuvre de la C190 de l’OIT. « Les syndicats doivent faire pression pour que les droits des personnes LGBTI soient intégrés aux demandes que nous formulons dans le cadre de négociations collectives », a-t-elle insisté.
La secrétaire générale de l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA), Sue Longley, a évoqué la collaboration du CGU avec plus de 207 millions de travailleur·euse·s du monde entier visant bâtir des mouvements syndicaux internationaux plus forts et plus inclusifs. Mentionnant la multiplication des lois qui limitent les libertés des personnes LGBTI et mettant en évidence le combat plus global pour les droits humains, elle a appelé les syndicats à réaffirmer leur position face à ces forces anti-LGBTI.
« Bien que l’on assiste à la propagation de la haine, de la peur, de la discrimination et de la violence à l’encontre de nos collègues LGBTI, nous voyons également que nos membres, nos activistes et nos alliés s’opposent à cela », a déclaré Mugwena Maluleke, président de l ’Internationale de l’Éducation et secrétaire général du Syndicat démocratique enseignant d’Afrique du Sud (South African Democratic Teachers Union (SADTU). « Nous nous opposons avec amour, compassion et dignité, et avec la détermination, l’engagement et le pouvoir d’un mouvement mondial. »
Dans un discours puissant sur l’histoire des droits des personnes LGBTI dans le pays, le ministre adjoint des Femmes, de la jeunesse et des personnes en situation de handicap d’Afrique du Sud, Steve Letsike, a affirmé que la constitution progressiste de son pays n’aurait pas vu le jour sans le soutien des organisation syndicales. « Nous devons faire preuve de reconnaissance envers notre mère patrie et la richesse du savoir autochtone, a-t-il ajouté. Les syndicats ne pourraient exister sans les personnes LGBTI. Il nous faut voir le pouvoir du rôle d’alliés. »
Par ailleurs, la co-secrétaire générale de l’ ILGA World, Ymania Brown, a félicité le mouvement syndical pour son engagement de longue date en faveur des droits humains. « La maison de l’ILGA World a été bâtie sur les fondations du mouvement syndical, a-t-elle précisé. Vous êtes des activistes des droits humains. »
Tables rondes sur les luttes mondiales et les obstacles régionaux
Dans le cadre de la pré-conférence, trois tables rondes approfondies ont été organisées sur le mouvement mondial anti-LGBTI, sur le combat en faveur des droits des personnes LGBTI et de l’égalité dans les pays du Sud, ainsi que sur les outils permettant de créer des espaces de travail sans discrimination.
La modératrice de la première table ronde, Michelle Mosupye, responsable du développement professionnel pour l’organisation nationale des enseignant·e·s professionnel·le·s d’Afrique du Sud (NAPTOSA) et représentante nationale des jeunes et des personnes LGBTQI+ de la fédération syndicale d’Afrique du Sud (Federation of Unions of South Africa – FEDUSA), a indiqué que le partage de stratégies et de contextes était essentiel pour montrer à la communauté LGBTI qu’elle « n’[est] pas seul[e] ».
Par la suite, Graeme Reid, expert indépendant des Nations Unies sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, a mis en avant le lien entre réformes juridiques et acceptation culturelle, relevant l’impact des groupes anti-LGBTI dans les pays du Sud.
S’exprimant au nom de la Confédération syndicale internationale (CSI), Jordania Ureña Lora s’est concentrée sur la nécessité d’unir les syndicats face à la montée de groupes d’opposition de droite au sein de l’espace syndical. Kim Vance-Mubanga ( Egale, Canada), quant à elle, a abordé l’importance des mobilisations de masse et du soutien financier apporté au mouvement LGBTI.
Pour sa part, Maddy Northam du syndicat australien du secteur public et communautaire (Community and Public Sector Union – CPSU), a attiré l’attention du public sur l’intérêt croissant qu’accorde la nouvelle génération au mouvement syndical par le biais du militantisme LGBTI. À ce titre, elle a cité le succès qu’a rencontré le CPSU dans l’implication de la jeunesse en défendant les droits des personnes LGBTI.
La deuxième table ronde s’est focalisée sur les enjeux spécifiques auxquels doivent faire face les travailleur·euse·s LGBTI dans les pays du Sud. Mbali Sabela (COSATU), notamment, est intervenu pour décrire les avancées majeures réalisées en Afrique du Sud en matière de visibilité et d’activisme LGBTI.
Outils de plaidoyer et d’action collective
Enfin, la dernière table ronde de la pré-conférence a porté sur les outils auxquels les organisations syndicales peuvent recourir afin de promouvoir les droits des personnes LGBTI au travail. Ainsi, Michele Kessler, présidente du groupe UFCW OUTreach de l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation et du commerce (United Food and Commercial Workers International Union – UFCW) aux États-Unis, a estimé qu’il est essentiel de respecter les pronoms des personnes, tandis que Michael Craig, de l’UNISON UK au Royaume-Uni, a fait part de stratégies pratiques permettant d’impliquer les travailleur·euse·s trans malgré de fortes réticences au sein des syndicats.
S’appuyer sur la solidarité mondiale
La pré-conférence s’est terminée par des réflexions sur l’importance du combat. Pour Gina McKay du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), par exemple, « les travailleurs et travailleuses renforcent les syndicats, les travailleurs et travailleuses renforcent les mouvements ». De son côté, Kimalee Phillip, du Congrès du travail du Canada, a rappelé au public le besoin pressant d’une solidarité mondiale qui inclut notamment les travailleur·euse·s palestinien·ne·s qui se battent pour la paix.
En outre, Marvellous Tawomhera du syndicat zimbabwéen des travailleur·euse·s de l’hôtellerie et de la restauration (Zimbabwe Catering and Hotel Workers Union – ZCHWU) a lancé un appel à l’action : « Les organisations syndicales sauvent des vies. Les travailleurs et travailleuses LGBTI doivent occuper l’espace au sein de leur syndicat et de leur lieu de travail. » Pour finir, Darienne Flemington, de l’UNISON UK, a conclu l’événement en encourageant le public à continuer de militer et d’agir avec courage.
Prochaines étapes
La conférence s’est achevée par une vibrante célébration des cultures et de l’unité. Les syndicats sud-africains ont entraîné le groupe dans des chansons et des danses symbolisant l’esprit de résistance et de solidarité.
Tirant leur force du pouvoir collectif des syndicats et de leurs allié·e·s, le comité de coordination LGBTI du CGU et l’ILGA vont continuer de défendre les droits des personnes LGBTI au travail. Les voix des travailleur·euse·s LGBTI, amplifiées par cette pré-conférence, vont continuer de résonner tout au long de la Conférence mondiale de l’ILGA et au-delà, renforçant ainsi le mouvement mondial pour l’égalité et la justice.
Dans la résolution « Condamnation de la montée d’une idéologie anti-LGBTQIA+ à l’extrême droite » adoptée au cours du 10e Congrès mondial de l’IE qui s’est tenu à Buenos Aires, en Argentine, les délégué·e·s se sont en outre engagé·e·s à « encourager les organisations membres de l’IE à être vigilantes afin de surveiller et contrecarrer toutes les tentatives auxquelles les partis de droite pourraient se livrer pour revenir en arrière sur les politiques et régulations progressistes concernant les personnes et les communautés LGBTQIA+ » et à « continuer à soutenir les droits des personnes LGBTQIA+ dans toutes les campagnes et politiques de l’IE ».
Enfin, les délégué·e·s ont également convenu que la promotion et la protection des droits humains, quelles que soient l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou l’expression de genre de la personne concernée, sont des principes fondamentaux pour l’Internationale de l’Éducation et ses organisations affiliées.