L’innovation dans l’engagement des membres : un outil indispensable pour l’expansion des syndicats de l’éducation
Des représentant·e·s des syndicats de l’éducation et des partenaires de la coopération au développement, réunis à l’occasion de la dernière édition du Café de la Coopération au développement (DC Café) sur le thème de l’innovation dans l’engagement des membres, ont passé en revue diverses initiatives couronnées de succès aux quatre coins du monde. Il∙Elle∙s ont souligné l’importance d’une communication efficace et de l’intégration des nouvelles technologies pour accroître et mobiliser les effectifs syndicaux tout en renforçant le pouvoir de négociation des syndicats.
Indonésie : comprendre le rôle de la numérisation dans le contexte syndical
L’Association des enseignant·e·s de la république d’Indonésie (Teachers’ Association of the Republic of Indonesia – PGRI, d’après son acronyme indonésien) a mis en place un système d’information numérique pour la gestion de ses membres. Cette initiative a été menée à bien avec le soutien du Syndicat australien de l’éducation (Australian Education Union – AEU), du Syndicat des enseignant·e·s du Japon (Japan Teachers’ Union – JTU-NIKKYOSO), du Syndicat de l’éducation de Norvège (Union of Education Norway – UEN), du Syndicat des enseignant·e·s suédois∙es ( Swedish Teachers’ Union, anciennement Lärarförbundet – STU) et du bureau régional de l’Internationale de l’Éducation pour l’Asie-Pacifique (IEAP). Le système inclut une carte de membre numérique, un système de paiement intégré, ainsi que divers services destinés aux membres.

Robert Gustafson du STU a partagé ses observations : « Le PGRI est un syndicat très fort, compétent et déterminé, qui travaille depuis au moins 10 ans au développement de son propre système numérique. »
Il a souligné que l’Indonésie est « un pays immense, composé de quelque 17.000 îles, avec une couverture Internet très inégale, ce qui oblige le PGRI à travailler à la fois en ligne et hors ligne, avec environ 2,5 millions de membres. Il leur a donc fallu relever ces défis techniques. »

Si le syndicat « dispose désormais d’un tel système intégré, c’est parce que ses responsables ont eu la clairvoyance de se rendre compte de l’importance d’un syndicat numérisé », a-t-il déclaré. « Ils voulaient être à l’avant-garde. Et ce n’est pas le STU qui en a été la force motrice, mais bien leur vision, leur engagement et leur savoir-faire. Voilà ce qui a permis de construire cet outil. »
Il a également expliqué que les données sont gérées de manière centralisée par un comité. « Il faut bien sûr avoir un gestionnaire central, cependant chacun des quatre niveaux a accès aux données correspondant aux niveaux provincial, régional et local, ce qui contribue au sentiment d’appropriation et permet aux différents acteurs de s’impliquer et de travailler sur cette base. »
M. Gustafson a indiqué, par ailleurs, que dans le nouveau menu de formation, le système PGRI propose des options de formation gratuites et payantes. « Afin de permettre aux membres à travers le pays, tant au niveau régional que central, de participer aux sessions de formation en ligne ou hors ligne, ces sessions de formation peuvent être organisées soit par les sections locales, soit par le bureau central. À l’issue de chaque formation, un certificat numérique sera délivré et pourra être téléchargé selon les conditions générales. Des formations en IA sont également proposées. »
Ouganda : des services adaptés aux différentes catégories de membres
Le Syndicat national des enseignant·e·s de l’Ouganda (Uganda National Teachers’ Union – UNATU), soutenu par le syndicat néerlandais AOb (Algemene Onderwijsbond), est en passe de développer un système numérique d’information sur ses membres. Ce système doit permettre de mieux gérer les problèmes liés aux modalités de paiement et à la communication avec les membres.
Le secrétaire général de l’UNATU, Filbert Baguma, a expliqué l’importance de cette initiative. « En Afrique, nous sommes actuellement confrontés à un très grand défi, à savoir que les syndicats se font attaquer de toutes parts par les gouvernements, qui mettent en place une multiplicité de syndicats dans le but de débaucher vos membres pour les recruter ailleurs. »
Et d’ajouter : « Si vous ne disposez pas de vos propres informations sur vos membres, il devient très difficile de représenter et de défendre, voire de maintenir et de soutenir vos membres, dont vous ignorez qui ils sont et où ils se trouvent. Une fois que vous les inscrivez dans votre base de données, il devient beaucoup plus facile de planifier stratégiquement, de voir comment identifier au mieux les services qui correspondent à vos différentes catégories de membres. »
« Nous avons, en tant qu’institution, un très grand rêve, et nous espérons pouvoir le réaliser lentement mais sûrement », a-t-il souligné.
L’un des principaux défis du syndicat est d’ordre financier, à savoir la perception des cotisations d’affiliation, a fait remarquer le dirigeant de l’UNATU. « Nous sommes confrontés à un problème avec les systèmes de paiement du gouvernement. Nous utilisons le système de prélèvement automatique des cotisations et, lorsque les administrations publiques migrent d’un système à un autre, il arrive que nous perdions toutes les cotisations au niveau d’une collectivité locale. Parfois, il arrive même qu’aucune cotisation ne soit perçue pendant toute une année. Nous voulons voir comment nous pouvons utiliser au mieux la technologie pour que les membres puissent payer sans nécessairement avoir à attendre que les cotisations arrivent via le système gouvernemental. Car tout cela est très risqué, ils pourraient très bien se réveiller un beau jour et dire : ‘Ne prélevez rien’. »
Le secrétaire général de l’UNATU se dit également confiant qu’« une fois que notre base de données sera opérationnelle, nous pourrons l’utiliser à des fins de plaidoyer ».
En effet, a déclaré M. Baguma, l’UNATU sera dès lors « en mesure de mettre en garde le gouvernement et de lui dire : ‘Voilà autant d’enseignants et enseignantes qui vont partir à la retraite d’ici trois ans, et nous ne voyons aucun effort délibéré pour les remplacer, alors que le nombre d’élèves, lui, ne cesse d’augmenter’. Ainsi, le gouvernement sera alerté et pourra prendre les dispositions qui s’imposent. Cette base de données nous aidera dans nos actions de plaidoyer en nous permettant d’anticiper l’avenir sur la base des informations disponibles. »
Et de conclure : « La route est encore longue. Nous avons à présent collecté nos données relatives aux membres. Nous encourageons les développeurs et développeuses du système à le rendre dynamique et à s’assurer qu’il peut répondre à tous nos besoins en tant qu’institution, car nous tenons vraiment à corriger la plupart des zones à risque à l’aide de ce système. Car le fait est que la technologie est là, nous ne pouvons pas l’éviter. Nous devons aller de l’avant. »
Trudy Kerperien, de l’AOb, a souligné que ce projet est en cours de construction et que « la demande nous est parvenue d’une manière un peu inhabituelle, par l’intermédiaire de notre confédération, au retour d’une formation au leadership organisée en collaboration avec la confédération ougandaise. Les syndicats participants avaient entendu dire que les sections syndicales en Tanzanie avaient mis en œuvre un système de gestion de l’information développé localement, et qu’elles avaient constaté une augmentation du nombre de membres, qu’elles avaient une bien meilleure idée de l’identité de leurs membres, qu’elles avaient gagné beaucoup de temps dans l’organisation et la collecte des cotisations et que leur communication s’était améliorée. Ils tenaient donc, eux aussi, à bénéficier d’un tel système. »
Étant donné que « nous voulons contribuer à renforcer les syndicats et le mouvement syndical mondial », que « l’UNATU est un partenaire de longue date et que nous savons qu’il s’agit d’un syndicat digne de confiance qui fait du bon travail et qui pourrait plus tard servir de ressource à d’autres en cas de succès, nous avons décidé de lancer le projet », a déclaré Mme Kerperien.
Inde : le programme Union Connect
La Fédération indienne des enseignant∙e∙s du primaire (All-India Primary Teachers’ Federation – AIPTF) a lancé, avec le concours du STU et de l’IEAP, un programme novateur appelé Union Connect. Cette initiative vise à passer d’une gestion papier à une gestion en cloud, améliorant ainsi la transparence et la démocratie au sein du syndicat.
Le projet s’articule en plusieurs étapes, notamment l’évaluation des besoins, la consultation juridique, la collecte de données et une formation approfondie des responsables de section et de district sur la gestion de la plateforme. La plateforme comprend une base de données des membres, des outils de communication et de consultation, ainsi qu’une intégration avec d’autres plateformes telles que des enquêtes et des forums. Elle inclut également une application Internet et une application Android.

Lors de l’événement virtuel, le directeur régional de l’IEAP, Anand Singh, a souligné l’importance de l’initiative :
« Ce programme, appelé Union Connect, a été développé dans le cadre d’un projet soutenu par l’Agence suédoise de coopération internationale au développement (SIDA) grâce à une fenêtre de financement exceptionnelle. Il est né des recommandations de notre étude sur le Renouveau syndical, que nous avons lancée en 2021. »
M. Singh a précisé que le programme Union Connect a été développé en collaboration avec la section de l’AIPTF de l’État de Jharkhand et qu’il a bénéficié du soutien d’une équipe de jeunes professionnels de l’informatique basés en Inde. « Ils nous ont fourni une solution technologique de pointe d’une grande qualité. Dans le cadre de ce programme, nous avons également développé un site Internet pour le syndicat à des fins de communication externe ainsi que des plateformes de réseaux sociaux. »
Toutes ces initiatives démontrent le pouvoir qu’ont les stratégies innovantes d’engagement des membres pour renforcer les syndicats et améliorer les conditions de travail des éducateur·trice·s. En tirant parti des technologies modernes, les syndicats peuvent mieux servir leurs membres et promouvoir une éducation de qualité dans le monde entier.