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États-Unis : une journée d’action massive pour protéger le droit des enfants à une éducation de qualité

Publié 5 mars 2025 Mis à jour 7 mars 2025

Le 4 mars, éducatrices et éducateurs, élèves, parents et alliés de la communauté ont levé leurs boucliers contre les atteintes portées à leurs droits et à l’enseignement public. Les législateurs ont été appelés à renforcer les établissements d’enseignement public locaux et les services fournis par ces derniers aux enfants, aux familles et aux communautés.

Non au siphonnage du ministère de l’Éducation pour alléger l’impôt des milliardaires

L’ American Federation of Teachers (Fédération américaine des enseignant·e·s–AFT) et la National Education Association (Association nationale de l’éducation–NEA), toutes deux membres de l’Internationale de l’Éducation, sont aux prises avec la nouvelle administration Trump et ses projets de coupes douloureuses dans l’éducation et la santé destinés à alléger l’impôt des plus fortuné·e·s. Elles se dressent contre le plan du gouvernement visant à financer les programmes d’éducation fédéraux par des « block grants » (enveloppes budgétaires fédérales dont l’usage est laissé à la disposition des autorités locales en fonction de certains critères) et à siphonner le ministère américain de l’Éducation, ce qui aurait pour conséquence de « priver 26 millions d’élèves vivant dans la pauvreté de services essentiels et 7,5 millions d’élèves en situation de handicap de services d’éducation spécialisée. Ce même plan entend mettre fin à l’enseignement professionnel et technique, mettant ainsi en péril les perspectives d’emploi futures de 12 millions d’élèves. En sabrant le dispositif Medicaid, 10,3 millions de personnes pourraient se voir privées de couverture médicale. De même, en mettant fin à l’accès aux prêts étudiants, l’université pourrait devenir inabordable pour 10 millions de foyers ouvriers supplémentaires. »

Le plan d’action des syndicats

Au cours de la journée d’action, les syndicats ont exhorté les membres et les militant·e·s à prendre les mesures suivantes :

  • Faire pression sur les décideur·euse·s en exhortant les élu·e·s tant au niveau fédéral qu’au niveau des États à s’opposer aux coupes dans le financement fédéral et aux block grants, qui porteront toutes deux préjudice aux enfants.
  • Sensibiliser le public aux conséquences dévastatrices qu’entraîneraient le démantèlement du ministère de l’Éducation, les coupes dans les financements fédéraux des écoles et l’attribution de block grants sans condition.
  • Rallier le soutien en mobilisant une large coalition de parties prenantes – parmi lesquelles éducatrices et éducateurs, élèves, parents et alliés de la communauté – en vue de participer aux actions déployées à l’échelle nationale.
  • Susciter un écho médiatique en attirant l’attention des médias par le biais de récits, d’événements coordonnés et de rassemblements.
  • Faire remonter notre parole en soulignant le préjudice disproportionné qu’engendrent ces coupes pour les élèves vulnérables, y compris celles et ceux des communautés insuffisamment desservies et les élèves en situation de handicap.
  • Agir au sein de leurs communautés en opérant de façon active dans les communautés où les services dont dépendent les élèves sont appelés à être supprimés, pas seulement à Washington, D.C.

L’AFT a rapporté que des éducateurs et éducatrices, élèves, parents et alliés de la communauté avaient pris part à plus de 2.000 événements et actions sur les réseaux sociaux à travers le pays le 4 mars, à l’occasion de la Journée d’action de l’AFT « Protect Our Kids » (Protéger nos enfants) pour lutter contre les « attaques cruelles et irresponsables du président Donald Trump et d’Elon Musk contre l’école publique ».

Les participant·e·s ont appelé les législateurs à protéger nos enfants et à prendre position contre les mesures dont souffriront plusieurs millions d’élèves afin de financer des réductions d’impôt au profit des milliardaires.

L’assaut de l’administration Trump contre les programmes d’éducation historiquement financés par le gouvernement fédéral aurait des conséquences désastreuses pour les 26 millions d’élèves vivant dans la pauvreté qui dépendent des programmes d’alphabétisation et de mathématiques soutenus par le financement Title I. Son plan menacerait les services d’éducation spécialisée et l’aide essentielle dont dépendent 7,5 millions d’enfants en situation de handicap.

Les participant·e·s ont formé un front uni pour défendre et élargir le soutien à l’école publique afin d’impliquer tous les enfants et leur permettre de s’épanouir. Parmi les événements : un teach-in virtuel (session d’apprentissage à distance) à Detroit ; un rassemblement devant le Capitole de l’État de New York à Albany ; un « clap- in » pour les étudiant·e·s à Cincinnati (événement de soutien par applaudissements) ; des « walk-ins » à Chicago et Albuquerque, N.M. (les éducateur·trice·s, les élèves, les parents et les membres de la communauté se réunissent devant l’établissement avant le début des cours, puis entrent ensemble dans le bâtiment) ; des ateliers de rédaction de courriers à Pittsburgh et dans le comté de Fairfax, en Virginie ; et des conférences de presse en Floride, dans le New Jersey et à Porto Rico.

« Les coupes dévastatrices initiées par Trump et Musk dans le ministère de l’Éducation réduiront considérablement les opportunités pour les enfants de familles modestes, celles et ceux en situation de handicap ainsi que les étudiants et étudiantes dont les parents ne sont pas allés à l’université. Les communautés seront contraintes à augmenter l’impôt foncier pour pouvoir conserver un soutien essentiel au profit des populations vulnérables », a déclaré Randi Weingarten, présidente de l’AFT, lors d’ une conférence de presse virtuelle tenue le même jour.

Pour elle, « cela revient à ‘déshabiller Pierre pour habiller Paul’, comme on dit, ou plutôt ‘pour habiller Elon’. C’est tout simplement irresponsable et cruel envers nos écolières et écoliers. Ces fonds sont indispensables pour les enfants, et nous nous sommes battus pendant des années pour les garantir. »

« Le message est simple et sans ambiguïté : il n’est pas acceptable de priver les étudiants et étudiantes de l’éducation dont ils et ellesont besoin et qu’ils et elles méritent pour accorder des réductions d’impôts faramineuses aux personnes les plus fortunées », a-t-elle conclu. « Concrètement sur le terrain, partout en Amérique, des personnes s’élèvent – parents et enseignant·e·s, main dans la main – pour dire que nos enfants ont besoin de ces services. Nous ne pouvons pas les supprimer. »

Un engagement à protéger les élèves et les écoles publiques

Becky Pringle, présidente de la NEA, a ajouté que « le peuple américain est attaché à ses écoles publiques et il veut s’assurer que les ressources de ces établissements augmentent, et non le contraire. Nous nous ferons entendre à tous les niveaux du gouvernement - du conseil scolaire au Sénat - pour exprimer notre rejet face à toutes les tentatives orchestrées pour décimer l’école publique, étendre le système des chèques scolaires (vouchers) ou démanteler le ministère de l’Éducation des États-Unis. Nous sommes des éducateurs et éducatrices, des parents, et nous soutenons l’école publique. »

Et d’ajouter : « Nous unissons nos forces pour protéger nos élèves en défendant leur cause depuis les conseils scolaires et les sièges des assemblées législatives des différents États jusque dans les couloirs du Congrès américain, en exhortant nos élus et élues à s’opposer à un programme profondément impopulaire et néfaste pour les écoles, pour les élèves et pour les éducateurs et éducatrices. »

Dans le sillage du vote du Sénat américain confirmant la nomination de Linda McMahon, qui avait été choisie par Trump pour occuper le poste de secrétaire à l’éducation, Becky Pringle a déclaré le 3 mars que « chaque élève – quel que soient son lieu de vie, les revenus de sa famille ou sa couleur de peau – mérite d’accéder aux opportunités, aux ressources et au soutien nécessaires pour lui permettre de progresser en révélant tout son éclat ».

Elle a également souligné que « McMahon a été confirmée dans le cadre d’un vote selon les lignes partisanes, mais les parents et les éducateurs et éducatrices s’organisent, militent et mobilisent pour empêcher Donald Trump et Linda McMahon de porter atteinte aux élèves et de siphonner les écoles publiques pour subventionner leurs cadeaux fiscaux à l’endroit des milliardaires ».

Une vague de solidarité du mouvement syndical mondial de l’éducation

Partout en Amérique latine et ailleurs, les syndicats de l’éducation ont manifesté leur soutien à leurs collègues ainsi qu’aux étudiant·e·s aux États-Unis.

En Colombie, la Federación Colombiana de Educadores (Fédération colombienne des éducateur∙trice∙s–FECODE) a publié la déclaration suivante : « Nous sommes solidaires avec la NEA, l’AFT et la communauté éducative américaine face à l’attaque lancée par l’administration Trump à l’encontre du droit fondamental à l’éducation, à travers son projet de démantèlement du ministère de l’Éducation. Il faut que les coupes dans l’enseignement public au profit des milliardaires cessent. »

L’ Asociación Sindical de Profesores Universitarios (Association syndicale des professeur∙e∙s d’université–ASPU) a également souligné : « Nous rejetons catégoriquement les tentatives de démantèlement du ministère de l’Éducation américain car cette mesure représente une attaque directe contre la démocratie et favorise des intérêts privés qui cherchent à tirer profit de l’éducation. De même, nous condamnons la menace de licenciements massifs dans la fonction publique, portée par le Département de l’efficacité gouvernementale (DOGE), qui plonge plusieurs milliers de personnes dans une situation de précarité professionnelle et viole leurs droits. »

Les syndicalistes de l’éducation en Colombie ont réaffirmé leur « attachement à défendre un enseignement public gratuit et de qualité » et ont rejoint les rangs de « la lutte menée par nos organisations apparentées aux États-Unis » « contre ces politiques rétrogrades ».

En République dominicaine, l’ Asociación Dominicana de Profesores (Association dominicaine des professeur∙e∙s–ADP) de Villa Altagracia a rapporté : « Aujourd’hui, chacun·e de nos membres porte un vêtement blanc en signe de soutien face aux attaques contre l’éducation et aux expulsions massives portées par l’administration Trump. L’éducation est un droit, et non un privilège. Nous restons fermement déterminés à défendre nos collègues éducatrices et éducateurs ainsi que toutes les personnes touchées par ces politiques injustes. »

En Europe, la Federazione Lavoratori della Conoscenza CGIL (Fédération des travailleur∙euse∙s du savoir–FLC CGIL) a exprimé sa solidarité avec l’AFT et la NEA « contre les récentes mesures qui ciblent les droits des élèves, les enseignants et enseignantes, les écoles, la liberté académique, les droits civils, l’enseignement public et la démocratie ».

La Journée d’action « Protect Our Kids » a été l’occasion pour les syndicats de l’éducation aux États-Unis et ailleurs de mettre en lumière les conséquences néfastes des attaques de l’administration Trump contre les écoles publiques et les élèves et de chercher à renforcer la pression publique sur les responsables politiques et à amplifier la voix des personnes directement touchées.